Pourquoi on a adoré Passages, le nouveau film d’Adèle Exarchopoulos
Ce mercredi 28 juin 2023, le réalisateur américain Ira Sachs dévoile dans les salles obscures Passages, son dernier long-métrage racontant l’histoire d’un triangle amoureux, porté par un casting 5 étoiles composé d’Adèle Exarchopoulos, Franz Rogowski et Ben Whishaw.
par Nathan Merchadier.
Révélé en 2016 par le film Brooklyn Village, dans lequel il évoquait avec justesse le phénomène de la gentrification dans les quartiers populaires de New York, Ira Sachs s’est imposé, en l’espace de quelques long-métrages, comme un réalisateur du cinéma indépendant américain à suivre de très près. En 2019, il choisit de dédier le film Frankie à l’actrice française Isabelle Huppert, dressant le portrait touchant d’une grande comédienne en fin de vie, rattrapée par un cancer. Aujourd’hui, c’est encore une fois en invitant à son casting une actrice française, l’émouvante Adèle Exarchopoulos, que le cinéaste explore le thème du triangle amoureux avec une justesse inouïe.
Ira Sachs explore le thème du triangle amoureux dans son dernier film avec Adèle Exarchopoulos
Le film Passages d’Ira Sachs conte l’histoire d’un couple homosexuel vivant à Paris – brillamment interprété par Franz Rogowski (dans le rôle de Tomas, un réalisateur de film allemand) et Ben Whishaw, vu dans le James Bond Mourir peut attendre (dans le rôle de Martin, un britannique spécialiste en lithographies travaillant dans une imprimerie) – tiraillé par des envies contraires qui finiront par les éloigner. Si d’apparence, leur couple semble plutôt bien fonctionner, c’était sans compter sur la rencontre tumultueuse entre Agathe (Adèle Exarchopoulos) et Tomas, à l’occasion d’une fête célébrant la fin de tournage de son film. Bien que passionnément amoureux de son compagnon, Tomas sera épris d’une passion dévorante pour Agathe, une jeune enseignante, remettant en cause ses sentiments et ses désirs. En se focalisant sur les sauts d’humeur, les contradictions internes et les crises de jalousie de Tomas, Ira Sachs dresse le portrait d’un homme égoïste et manipulateur qui n’a plus vraiment l’air capable d’aimer. Plutôt lent à démarrer, le rythme du film s’accélère progressivement, rendant les scènes de disputes encore plus intenses. Ira Sachs rend les silences pesants et chargés d’une tension amoureuse et psychologique palpable.
Franz Rogowski brille dans son rôle de cinéaste tourmenté dans le film Passages
Si le scénario initial de Passages ne semblait pas briller par son originalité, tant le thème du triangle amoureux a été traité au cinéma, il prend finalement tout son sens en offrant une plongée dans le quotidien d’un homme en apparence joyeux, toujours animé par l’envie de faire la fête, de danser, d’écouter des disques… mais qui se révèle profondément vulnérable et seul face à son malheur. Pour tenter de récupérer son compagnon, qui a trouvé refuge dans les bras d’Amad (un écrivain connaissant un succès naissant, interprété par Erwan Kepoa Falé, vu dans Le Lycéen de Christophe Honoré), Tomas ira même jusqu’a lui proposer d’adopter l’enfant qu’il va avoir avec Agathe. Encore une fois, son nombrilisme ne réussira pas à le sauver, et provoquera même sa chute. Alors que le couple devait partir à Venise pour présenter le dernier film de Tomas, Martin finit par lui dire d’y aller seul. Il apprendra aussi qu’Agathe fît le choix d’avorter, voyant combien il lui serait difficile d’élever un enfant aux côtés de Tomas et de ses humeurs changeantes.
Esthétique kitsch et l’exploration de la sensualité
Servi par un jeu d’acteur exceptionnel, Passages séduit autant par l’histoire qu’il raconte que par l’esthétique parfois surannée que le réalisateur mobilise tout au long du film. Du grain vintage qui habille l’écran, aux décors semblant tout droits sortis des années 1980 en passant par les costumes kitch (crop-tops colorés et manteau en fourrure de mouton) dont ses personnages sont vêtus. Ira Sachs s’illustre définitivement en maître de l’intime, dans sa façon de filmer Paris, souvent parcouru à vélo par Tomas, lorsqu’il passe d’un appartement et d’une relation à l’autre. Mais aussi en filmant des scènes d’intérieur, avec une attention particulière portée aux détails : des draps froissés d’un lit, aux lampes de chevet qui irradient d’une lueur chaude les nombreuses scènes de sexe passionnées que compte le film. Passages vaut définitivement le détour.
Passages (2023) d’Ira Sachs, avec Franz Rogowski, Ben Whishaw et Adèle Exarchopoulos, au cinéma le 28 juin 2023.