Acharnés : géniale comédie noire sur la vengeance démesurée
Provocante, la série Netflix Beef (Acharnés) avec l’acteur coréen Steven Yeun s’impose comme l’une des meilleurs comédies noires de ces dernières années. Les dix épisodes de cette satire sociale – dernière pépite des studios A24 – sont déjà disponibles.
Par Alexis Thibault.
1. La vengeance en dix épisodes sur Netflix
D’ordinaire, les films de vengeance mettent en scène des héros sans états d’âmes aux aptitudes hors du commun. Des vétérans taciturnes, des parents inconsolables, des veuves ultra violentes et des gangsters égocentriques enlisés dans une vendetta interminable. Mais le cinéaste coréen Lee Sung-Jin a choisi de débuter sa dernière création par une altercation entre deux automobilistes mal lunés qui s’écharpent sur un parking… Disponible sur la plateforme Netflix, la série Beef – Acharnés dans sa version francophone – oppose un “homme à tout faire” dépressif de la middle-class à une entrepreneuse fortunée. Deux citoyens américains d’origine coréenne. Deux personnages irascibles et inarrêtables. L’acteur Steven Yeun – nommé à l’Oscar du Meilleur acteur pour Minari, vu dans le Nope de Jordan Peele et inoubliable Glenn de la série The Walking Dead – affronte l’actrice et humoriste Ali Wong plus célèbre pour ses doublages de personnages animés. Citons pêle-mêle les programmes Bojack Horseman, American Dad ou Big Mouth. Dans Beef, le duo se livre une lutte terrible et multiplie les coups bas – beef fait ici référence à l’expression “to have a beef with someone” qui signifie “avoir un désaccord avec quelqu’un”. L’œuvre rappelle fortement l’Atlanta de Donald Glover dans sa photographie, ses plans fixes de l’Amérique pavillonnaire, son format (30 minutes) et sa galerie de personnages névrosés. Avec sa création féroce, Lee Sung-Jin présente des protagonistes pathétiques mais paradoxalement attachants et rend légitimes des situations toujours plus ridicules.
2. À la production de la série, le studio indépendant A24 qui enchaîne les succès
Derrière Beef, on retrouve la société indépendante américaine A24 qui enchaîne les succès à une vitesse folle grâce à des projets aventureux qui mettent à l’honneur des communautés et des personnages trop souvent invisibilisés. Le long-métrage multirécompensé Everything Everywhere All at Once offre le rôle titre à l’actrice malaisienne Michelle Yeoh. Le réalisateur new-yorkais Ari Aster déploie un monde horrifique irrévérencieux (Hérédité, Midsommar et son prochain film Beau is Afraid avec Joaquin Phoenix). Darren Aronofsky surprend avec The Whale, huis-clos sinistre qui vire – finalement – à la tragédie convenue… Et on saisit le ton A24 dès l’annonce des titres des épisodes de Beef, disposés sur des tableaux de maîtres imaginaires inspirés des tableaux de l’artiste sud-africaine Marlène Dumas ou des peintres expressionnistes Bernard Buffet ou Egon Schiele : “Les oiseaux ne chantent pas, ils crient de douleur”, “Tout avoir mais pas en même temps” ou “Des créatures secrètes et égocentriques”. Grâce à Lee Sung-Jin, Steven Yeun et Ali Wong, Beef se dote d’un casting d’acteurs asiatiques et met en lumière cette communauté sans qu’elle en devienne le sujet principal. Véritable satire sociale portée par une improbable bande originale rock des années 2000, Beef s’impose comme la meilleure comédie du moment. Une œuvre perturbante qui raconte l’escalade de la violence et oppose l’ambition professionnelle dévorante et la santé mentale instable.
Beef de Lee Sung-Jin, disponible sur Netflix.