13 juin 2015

Artiste incontournable de la scène française, Neïl Beloufa expose galerie Balice Hertling à Paris

À l’occasion du vernissage de l’exposition « Neoliberal » de Neïl Beloufa à la galerie Balice Hertling samedi 6 juin, Numéro revient sur la visite privée de son atelier et révèle ses nouvelles oeuvres.

Nouvelle coqueluche française de l’art contemporain, Neïl Beloufa ouvre à Numéro les portes de son atelier aux allures de studio de cinéma alors que s’ouvre son exposition à la galerie Balice Hertling à Paris. Visite privée avant le tournage du prochain film de l’artiste nommé pour le prix Marcel Duchamp 2015.

 

À visiter l’atelier de Neïl Beloufa, à l’écouter, on a presque envie de parler de tromperie sur la marchandise. Omniprésente, la nouvelle coqueluche de l’art contemporain français semble cacher, sous ses atours d’artiste brillant, pas seulement un metteur en scène ou un vidéaste mais un vrai réalisateur de cinéma. Pire, un producteur du septième art. Dans son vaste atelier de Villejuif, une trentaine de personnes s’affairent, depuis plusieurs mois, à la réalisation du gigantesque décor de son prochain long-métrage : un hall, un étage et quelques pièces (qu’on se rassure, le bar n’a pas été oublié) d’un hôtel au style aussi fifties que seventies se confondent avec le métal et les verrières de l’atelier.

 

Si c’est avant tout à ses vidéos et à ses installations, aux aspects volontairement low tech et faits main, qu’il doit sa notoriété, Neïl Beloufa assume désormais entièrement son “fantasme de cinéma”, en passant à plus grande échelle. “L’atelier accueille aujourd’hui trois fois plus de monde qu’il y a un ou deux ans, confirme-t-il. Nous sommes passés à une autre dimension, mais je tiens toujours à ce que tout continue à être produit sur place : les murs, les charpentes…” Un attrait pour le cinéma qui n’a rien d’étonnant pour un artiste qui a toujours mêlé réel et fiction.

 

Pour le film Brune Renault (2010), qui fut l’une des matrices de son art, Neïl Beloufa proposait déjà une fiction se déroulant dans une voiture occupée par quelques personnages… Une voiture que certains plans révèlent comme étant en réalité découpée en quatre tranches et reposant sur de petites roues, telle une sculpture. Une fois l’artifice révélé, c’est le jeu des comédiens qui se trouvait dévoilé. C’est tout l’art du déplacement caractéristique de Neïl Beloufa : aller du réel vers la fiction, du cinéma vers l’art, et inversement. Brouiller les pistes, surtout, entre le vrai et le faux.

 

Le spectateur n’aura plus qu’à s’interroger sur ce qu’il voit, sur la nature des images et des objets qui lui sont présentés. “Je travaille moins sur une forme – je n’ai pas envie de réinventer la chaise ou la peinture – que sur la relation entre l’œuvre et la personne qui la regarde, déclare Neïl Beloufa. Le moment qui m’intéresse le plus dans cette relation est celui où le spectateur est dans l’incertitude. Lorsqu’il se demande s’il peut croire au film, s’il doit l’accepter, s’il doit simplement suspendre son raisonnement cohérent, ou s’il doit refuser ce qu’il voit. Je veux que ce soit lui qui décide s’il y a film ou pas, s’il veut croire à ce film, alors que j’en montre toutes les ficelles. Je veux que le spectateur décide s’il y a art ou pas.

 

Pour Kempinski (2007), film aux allures de documentaire, l’artiste interrogeait des Maliens sur leur vision du futur, qu’ils devaient développer devant la caméra en en parlant au présent. S’amusant à déjouer les attentes du public occidental vis-à-vis d’un récit africain, entre exotisme et postcolonialisme, le film a rapidement transformé Neïl Beloufa en un artiste de “la déconstruction de nos croyances et de nos systèmes de pensée préconçus et de production d’images et de récits”. Pas toujours avec succès. À Londres, alors que l’artiste donnait une conférence à l’Institute of Contemporary Arts sur la pensée décentralisée et sur le folklore et les résidus du colonialisme dans nos modes de pensée, les responsables lui préparaient… un couscous.

 

De son côté, Neïl Beloufa refuse ce terme de “déconstruction” : “Je ne démonte pas les mécanismes, bien au contraire, je m’en empare. Lorsque je laisse traîner un micro, je rappelle que nous sommes dans un film. C’est un peu la même chose lorsque je laisse les prises apparentes dans mes installations.

 

L’atelier lui-même est, d’une certaine façon, une œuvre en soi, ajoute-t-il, dans la mesure où dans mes œuvres – comme dans mon atelier – je réfléchis sur les notions de protocoles de travail, d’autorité et de relations humaines.