Robe pneu Mugler, combinaison Marine Serre : 5 pièces de mode avant-gardistes
Jusqu’au 29 septembre 2024, l’exposition « Textimoov » au Tripostal de Lille déploie sur trois étages les innovations techniques et textiles qui ont marqué les trois dernière décennies. Une sélection de pièces avant-gardistes et expérimentales, qui se démarquent par un travail surprenant sur le matériau, les volumes et les motifs, de Mugler à Marine Serre en passant par Virgil Abloh, Anrealage et Freaky Debbie.
Par Camille Bois-Martin.
Quand l’automobile rencontre la mode : le tailleur pneu de Thierry Mugler (1997)
Difficile de parler de mode “avant-gardiste†sans évoquer les créations de Thierry Mugler (1948-2022), qui s’est distingué par ses nombreuses créations innovantes, aussi bien par leurs techniques que pour leurs inspirations. Intitulé Les Insectes, le défilé culte haute couture printemps-été 1997 est l’un des exemples les plus percutants du goût du couturier français pour l’expérimentation. Au milieu de robes-carapaces et chapeaux-antennes, ou d’ailes de papillon, imaginant la fusion de l’insecte avec l’être humain, un ensemble entièrement composé de caoutchouc et de cuir dénote. Conçu avec le designer Abel Villareal, ce surprenant tailleur puise quant à lui dans l’univers automobile en partant, en l’occurence, d’un élément essentiel à tout véhicule : le pneu. Couverte des motifs géométriques qui caractérisent les roues, la pièce reprend également leur volume circulaire dans des rembourrages insolites : l’un embrasse la taille de la mannequin comme une épaisse ceinture, et l’autre se perche sur son chignon telle une élégante capeline. Une hybridation inédite entre les mondes de l’automobile et de la haute couture française, domaine du raffinement et de la délicatesse par excellence.
Cuir, raves et pop culture : l’univers éclectique de Virgil Abloh pour Louis Vuitton (2021)
Avec ses couleurs vives et sa multitude de motifs aux airs de logos, l’ensemble signé Virgil Abloh pour Louis Vuitton happe immédiatement le regard. Installée au tout début de l’exposition “Textimoov !†au Tripostal de Lille, la silhouette composée d’une veste et d’un short porte la patte du designer américain, tragiquement disparu en 2020. Du lancement de son label Off-White en 2013 à sa nomination à la tête des collections homme de Louis Vuitton en 2018, le créateur fut l’une des figures de proue de la tendance streetwear, arrivée dans la mode haut de gamme au cours des années 2010, et s’imposera par ailleurs comme un génie du sample, dans le vêtement comme dans la sculpture où encore la musique, domaines où il n’hésite pas à croiser de multiples références pour générer des compositions improbables. En témoigne cet ensemble issu de la collection printemps-été 2022, dont les nombreux motifs flashy reprennent ceux de flyers de raves, imprimés sur des pièces en cuir pour former une dense mosaïque de formes et de couleurs. Le matériau luxueux caractéristique de Louis Vuitton, depuis sa fondation en 1854, se réinvente à traves cette rencontre avec la pop culture, alors que le nom la maison parisienne s’y décline dans une multitude polices de polices et s’agrémente de dessins inattendus.
Les combinaisons d’astronaute modulables d’Anrealage
Finaliste du prix LVMH en 2019, Kunihiko Morinaga fait depuis la mode un terrain d’exploration infini depuis vingt-et-un ans à travers son label Anrealage. De son défilé en 2023, composé de pièces dont les couleurs varient sous les rayons UV, à sa dernière collection, où chaque silhouette reprend une forme géométrique élémentaire, le créateur japonais ne cesse de sonder les possibilités techniques et stylistiques offertes par le vêtement. En 2022, sa curiosité l’emmène vers l’espace, ceux qui l’ont exploré et leurs uniformes. En collaboration avec l’Agence Japonaise d’Exploration Aérospatiale (JAXA), Kunihiko Morinaga conçoit des silhouettes surprenantes dont le patron se base directement sur les combinaisons d’astronautes, et non sur le corps humain, pour réaliser des manteaux, robes et pantalons ultra larges. Composés à partir d’aérogels spéciaux de haute technologie, mélangés à du coton et du polyester matelassé, et résistant à des températures extrêmes allant jusqu’à -196°C, ces créations conservent malgré tout un aspect (et un poids) léger. Avec la force de la gravité, leurs volumes d’apparence rigides se compriment à chaque contact physique avec le sol, formant sur le corps des drapés et des fronces élégants.
Patchwork de matières et robes moulantes : Marine Serre réinvente la veste racing (2023)
Depuis 2016, l’esthétique post-apocalyptique des pièces de Marine Serre infuse le monde de la mode. À partir de deadstocks et de matériaux surprenants, la créatrice française use autant de son imagination que de son savoir-faire pour confectionner des pièces innovantes et hybrides, souvent décorées de son logo célèbre, le demi-croissant de lune inversé. Dans son défilé automne-hiver 2022-2023 intitulé “Rising Shelterâ€, la créatrice s’inscrit dans le sillage de Thierry Mugler en explorant, à son tour, l’univers de la moto et de l’automobile. Une pièce de ce vestiaire attire particulièrement son attention : la veste racing en cuir multicolore, dont elle teste la résistance en l’étirant avant de le transformer en robes bustier moulantes. Aux côtés de manteaux à empiècements en nylon, caoutchouc, jersey et fils de pêches recyclés, ces pièces, parfois agrémentées de gants de protection et de rembourrages à la taille, aux genoux et aux épaules, composent un melting-pot de couleurs et de matériaux innovant, sur lequel se dessinent les motifs arborés par les motards.
Robe-casquettes et total-look pull Lacoste : les créations surcyclées de Freaky Debbie
L’originalité de Freaky Debbie se niche dans les détails de ses surprenantes créations – détails qui semblent souvent se démultiplier sur toute la surface des vêtements qu’elle conçoit. Outre son label de pièces surcyclées Rework, lancé en 2020, la créatrice parisienne collabore régulièrement avec Lacoste dont elle a réinventé plusieurs pièces iconiques, dans le sillage des frères Campana (2010) ou des ateliers Lesage (2015). En 2023, pour les 90 ans de la marque de sport, Freaky Debbie s’empare des visières des fameuses casquettes Girolle pour en faire des balconnets et des jupes, cousues ensemble pour ne former qu’une seule et même robe imitant les tenues de tennis féminin. Quant aux incontournables pulls à col V siglés d’un crocodile, la créatrice les réinvente façon couture : intitulée V-Neck madone, sa robe à capuche se compose d’une vingtaine de pulls en laine doublés, rebrodés puis assemblés à la main, formant un ensemble graphique vert et beige aussi étonnant que séduisant.
« Textimoov ! Surprising Textiles, Fashion Art, Sport & Move« , Futurotextiles 6, exposition jusqu’au 29 septembre 2024 au Tripostal, Lille.