13 juin 2023

Pourquoi les boots Jadon de Dr Martens sont iconiques

Lancées il y a 10 ans, les boots Jadon sont désormais un modèle iconique de Dr Martens. L’occasion pour Numéro d’interviewer Darren McKoy, directeur de la création de l’iconique marque de chaussures anglaise.

Darren Mckoy, directeur créatif de Dr Martens.

Dr. Martens, les boots préférés des stars de la mode

 

Il y a encore quelques années, Dr. Martens séduisait davantage les ados rebelles à tendance punk que les filles les plus stylées de la planète. Mais ça, c’était avant. Avant que cette marque de chaussures anglaise, réputée pour ses modèles aussi robustes que fonctionnelles, ne décident de conquérir de nouveaux horizons…

 

Longtemps catalogué comme punk, Dr. Martens est devenu en quelques années un label ultra mode, multipliant les collaborations avec des créateurs réputés tels que Marc Jacobs, Yohji Yamamoto ou Rick Owens.

 

Parmi les artisans du renouveau de Dr. Martens, Darren McKoy débarqué il y a neuf ans, après des passages chez Adidas, Asics et The North Face, et nommé directeur de la création de la marque en mars 2022. Sensible aux produits, doté d’un sens aiguisé de la communication et d’une grande culture mode, Darren McKoy incarne la personne idéale pour accompagner Dr. Martens dans sa transition d’une marque d’initiés vers un label mode et démocratique

 

Désormais portés par Bella Hadid, Dua Lipa ou encore Kendall Jenner, les boots et derbys Dr. Martens confèrent une allure décontractée, mais non dénuée de classe. En 2013, la marque lançait les Jadon boots, un nouveau modèle inspiré de ses emblématiques boots 1460 (en référence à l’année de leurs créations), mais doté d’une semelle plateforme audacieuse conçue pour séduire les nouvelles générations. Pari gagné! Dix ans plus tard, les Jadon boots sont devenues iconiques. Et alors que Dr. Martens célèbre la décennie des Jaden Boots, Numéro a interviewé Darren McKoy.

 

 

Interview de Darren McKoy, directeur de la création de Dr. Martens

 

Avant tout, j’aimerai savoir quelles paires de Dr. Martens portez-vous au quotidien ?

Le modèle originel de Dr Martens, les boots 1460. J’en possède plusieurs paires, des classiques, des modèles uniques ou issus de collaborations. En réalité, en été, je préfère les derbies Dr Martens 1461 et en hiver les boots 1460. Mais cet automne, nous avons prévu de nouvelles versions des boots Jadon, dont nous avons retravaillé la plateforme, et que j’envisage de porter dans un style plus streetwear. 

 

Justement, nous nous rencontrons car Dr Martens célèbre les 10 ans des Jadon boots. Comment expliquez-vous qu’elles soient devenues si rapidement un modèle eméblématique?

C’est phénoménal, non ? Je pense que si les Jadon boots sont vite devenues si populaires, c’est surtout grâce leurs semelles plateformes qui confèrent un sentiment de confiance en soi. Qu’elles soient portées par une femme ou un homme, avec un jean ou une robe, elles donnent à celleux qui les portent de la force et du pouvoir. 

 

Bella Hadid en Dr Martens en 2019 © Getty

Effectivement, ce sont des chaussures dans lesquelles on se sent bien et qui donnent confiance en soi. Mais leur succès est aussi lié au fait que depuis quelque temps, beaucoup de célébrités portent Dr Martens.

Oui comme Bella Hadid et Machine Gun Kelly. Et ce sont des personnalités qui ne se préoccupent pas de ce que l’on pense de leur style. Ils brisent les codes. Et ils le font en portant des Jadon boots de Dr Martens. Ce qui est très bien car ça a rendu la marque plus populaire et accessible.

 

Dr Martens a toujours été une marque liée aux contre-cultures. Maintenant qu’elle devient plus mainstream, ne craignez-vous pas de perdre la clientèle initiale ?

Non, je ne suis pas inquiet car nous préservons son héritage. Notre but n’est pas d’aller chasser de nouveaux clients mais de les séduire, notamment en racontant de nouvelles histoires. Par exemple, quand nous ouvrons de nouvelles boutiques, nous veillons à ne jamais nous écarter de ce qui rend la marque exceptionnelle. 

 

Kendall Jenner en Dr Martens en 2019 © Getty

Quel est votre premier souvenir lié à la mode ? 

ll s’agit plutôt de style que de mode. Je me rappelle mon oncle qui s’habillait vraiment bien. J’ai grandi à Sheffield, une ville de la classe ouvrière du nord de l’Angleterre, et il faisait partie des premiers skinheads [mouvement né au Royaume-Uni à la fin des années 1960 en tant qu’évolution du style modernist ou mods et qui à l’origine des jeunes prolétaires britanniques d’origines ouvrières].Un skinhead noir, proche de la scène musicale Two Tone et Madness, avec un style vestimentaire très élaboré, orienté punk. Il portait toujours le bon jean avec une veste parfaitement ajustée, et des Dr. Martens aux pieds.

 

Vous étiez donc prédestiné à rejoindre Dr Martens?

Absolument. Maintenant que j’y pense, je portais des Dr. Martens 1461 pour aller à l’école. À l’époque ma mère m’en avait acheté une paire, bien que moi je voulais des baskets. Mais finalement, c’était un mal pour un bien.

 

Quand est né votre intérêt pour la mode ?

J’ai commencé à m’intéresser à la mode et aux tendances, vers 12/13 ans, j’étais attiré par des marques streetwear comme Stussy ainsi que des créateurs de mode très pointus comme Yohji Yamamoto.

Boots Dr Martens x Yohji Yamamoto

Durant votre adolescence, souhaitiez-vous déjà travailler dans la mode? 

En réalité, pas vraiment. Quand j’avais 16 ou 17 ans, je travaillais dans un magasin de sport et j’ai commencé à être obsédé par les chaussures de football. À tel point que j’ai voulu comprendre la conception d’une basket, son design, sa forme et fonctionnalité.

 

C’est ce que nous montre le film Air de Ben Affleck, à travers le designer Peter Moore, qui a dessiné la première Air Jordan.

Exactement ! Et dans chaque boutique de sport, de baskets ou de mode pour lesquelles j’ai travaillé, je posais plein de questions aux clients afin de comprendre pourquoi ils choisissaient telles ou telles chaussures. Finalement, quand on y réfléchit, le plus souvent, c’est toujours pour les mêmes raisons : parce que le modèle est cool, mais aussi confortable et fonctionnel. 

 

Avant de rejoindre Dr. Martens il y a neuf ans, vous avez surtout travaillé auprès de marques sportwear et outdoor. Pourquoi ce changement ?

J’étais un peu lassé des sneakers. Je suis toujours attaché à cet univers mais je voulais essayer quelque chose de différent. Et comme je le disais précédemment, Dr Martens a toujours été une marque chère à mon cœur, qui plus est, proche de l’industrie musicale. Après plusieurs années en dehors du Royaume-Uni, c’était une étape naturelle que de revenir dans mon pays pour m’occuper de cette marque iconique, mais sous-exploitée.

Boots Dr Martens x Rick Owens

Oui, il y a encore dix ans, Dr. Martens n’était pas une marque aussi populaire comme elle l’est aujourd’hui.

Oui, c’était une marque cool pour les initiés. Et quand mon ancien boss de chez Asics m’a appelé pour le rejoindre chez Dr Martens, c’était justement dans le but de repenser cette superbe marque et de l’emmener vers de nouveaux horizons. J’ai donc laissé tomber les sneakers et saisi la chance de m’essayer à une marque de chaussures plus traditionnelle.

 

Fin mars 2022, vous avez finalement été nommé directeur créatif de Dr. Martens. Comment souhaitez-vous faire évoluer la marque ?

Je sais que tout le monde dit ça, mais mon but est de rendre hommage à l’héritage de Dr. Martens. En réalité, quand une marque existe depuis plus de 60 ans, essayer de tout changer, uniquement pour le plaisir de tout changer est la dernière chose que vous souhaitez faire. Le secret consiste à amplifier ce qui rend cette marque vraiment spéciale. Par exemple, comment moderniser nos boots ou les transformer en sandales pour attirer de nouveaux clients.

 

D’autant qu’avec les réseaux sociaux, tout est globalisé. Même s’il existe une stratégie marketing local, un produit peut devenir populaire partout dans le monde tant qu’il est pertinent.

Pour nous il s’agit de regarder dans le passé pour inspirer le futur et raconter des histoires plus progressistes, en nous assurant que les artistes avec lesquels nous collaborons respectent l’esprit de la marque, tout en le faisant évoluer. C’est un défi que de changer les mentalités, n’est-ce pas ? Mais c’est comme ça que l’on est avant-gardiste et innovant.

Boots Dr Martens x Marc Jacobs

Ces dernières années, les collaborations occupent une place importante dans l’industrie de la mode. Et depuis deux ans, Dr. Martens développe justement des modèles avec des marques ou des créateurs, ce qui permet de séduire une nouvelle clientèle. En ce qui me concerne, c’est grâce à votre collaboration avec Rick Owens que j’ai eu envie d’acheter des Dr. Martens.

Que ce soit Rick Owens, Yohji Yamamoto ou Rei Kawakubo [fondatrice de Comme des Garçons], beaucoup d’entre eux portaient des Dr. Martens avant même que cette culture de la collaboration n’existe. Voire, avant qu’ils ne lancent leurs marques. Ces créateurs avec lesquels nous travaillons sont des personnes fantastiques et nous n’éprouvons rien d’autre que du respect pour eux. Et nous les choisissons parce que nous partageons des valeurs d’authenticité et de qualité, afin que notre collaboration soit la plus authentique possible.

 

Et certains créateurs que vous citez sont parmi les plus intransigeants de l’industrie et témoignent d’un réel respect pour les produits qu’ils créent.

Oui, personne ne leur impose quoique ce soit. Donc quand nous travaillons avec eux, on comprend rapidement qu’ils ne plaisantent pas avec les chaussures. Ils apportent une touche qui leur ressemble, tout en préservant l’identité de Dr. Martens.  Et c’est comme ça que nous choisissons nos partenaires, ils doivent respecter la marque autant que nous les respectons. Alors dans ce cas, naît une vraie collaboration.

 

Finalement, vous collaborez aujourd’hui avec des créateurs qui vous ont inspiré quand vous étiez jeune.

Absolument. Récemment j’ai passé quelques jours dans les bureaux de Yohji Yamamoto au Japon et tout le monde portait des Dr Martens. Et pas forcément des modèles issus de notre collaboration, c’est comme ça que j’ai compris qu’il existait une vraie relation entre nos marques. Pareil quand je suis allé chez Supreme à New York, James [Jebbia, le fondateur de Supreme] portait des Dr. Martens, tout comme ses équipes …  

 

Les relations que vous développez entre Dr. Martens et les marquent sont très organiques, c’est pourquoi elles ont du sens. 

Oui et pour moi, c’est plus facile d’établir un dialogue avec eux car la créativité est toujours au cœur de la discussion. Et une dernière chose en ce qui concerne ces collaborations : nous et les marques avec lesquelles nous collaborons, ne tirons finalement que très peu de tout ça, hormis de nouveaux clients. À titre d’exemple, vous avez mentionné que c’est grâce à notre collaboration avec Rick Owens que vous avez eu envie de porter des Dr. Martens. Mais peut-être que certains de nos clients n’avaient jamais imaginé porter du Rick Owens avant… Finalement, cela fonctionne dans les deux sens.

 

 

Retrouvez les boots Jadon et 1460 de Dr. Martens en boutiques et sur drmartens.com