16 sept 2019

Le créateur Demna Gvasalia quitte le collectif Vetements

Demna Gvasalia, propulsé sur le devant de la scène en 2015, quitte Vetements, le collectif qui l'a rendu célèbre. 

Bien que désigné comme collectif, Vetements est fortement lié à la figure d’un de ses cofondateurs, Demna Gvasalia. Aujourd’hui, celui qui officie également en tant que directeur artistique de Balenciaga annonce quitter ses fonctions au sein du jeune label.

 

Fondé en 2014, Vetements s’est imposé en seulement 3 collections comme une jeune marque à suivre, si ce n’est comme le symbole de la décennie 2010. Il faut dire qu’avec ses collections néo-punk émaillées de références workwear et streetwear ainsi que d’une ironie bien sentie, Vetements est parvenu à bouleverser une industrie du luxe un peu trop ronronnante. Des santiags mi-cuisses, des jeans composés de plusieurs vieux modèles, des couleurs criardes, des imprimés dissonants, des chemises aux volumes étranges, des manches trop longues, des épaules démesurées et des bombers aux longueurs XXL… brillamment associées par la styliste Lotta Volkova et portées par une cabine aux physiques normaux voire étranges – comme Maud Escudier ou Clara 3000 –, ces créations bousculent à peu près tout le monde, appuyées en communication par les photos très crues de Pierre-Ange Carlotti.

 

“Nous sommes axés sur le produit et très pragmatiques dans notre vision de la mode. Il n’est simplement pas nécessaire de créer un vêtement ou de souscrire au ‘rêve de la mode’aujourd’hui, alors que le marché est saturé de propositions et que les clients n'ont aucune envie d'attendre six mois pour acheter ce qu’ils voient sur les écrans de leurs Smartphone. Aujourd’hui, le challenge est de trouver un nouveau contexte pour la mode, pour que le vêtement soit un outil d’expression personnelle. Les clients et les designers devraient se demander pourquoi on s’habille de telle ou telle manière, et qui a besoin d’une énième robe de créateur, qui finira dans un musée ou sur un portant, mais pas dans la penderie de qui que ce soit,” expliquait Demna Gvasalia à Numéro.

Fidèle à cet état d’esprit, Vetements contextualise ses collections en choisissant soigneusement les lieux de ses défilés. Sa collection automne-hiver 2015, présenté au club gay Le Dépôt, célèbre pour ses backrooms scabreuses, avaient autant choqué que le défilé de Margiela dans un squat parisien en 1989. La saison suivante, c’est au sein du restaurant chinois Le Président à Belleville, que l’industrie venait découvrir les nouvelles créations du collectif finaliste du LVMH Prize en 2015 : la moitié des invités (dont Kanye West et son crew) se retrouvaient assis à même le sol. Pour l’automne-hiver 2016, au sein de la cathédrale américaine de l’avenue George-V, Lotta Volkova, membre du collectif et désormais styliste superstar, inaugure le show vêtue d’une robe de communiante à la longueur indécente, tandis que des pièces résolument punk avec en tête de liste des sweatshirts ornés d’un pentacle créent le scandale. 

 

Présentée aux Galeries Lafayette pendant la Semaine de la couture en juillet 2016 (plutôt qu’à la Fashion Week en septembre), la collection printemps-été 2017 défraye une voie de plus la chronique avec des pièces conçues en cobranding avec des labels choisis chacun pour leur spécialité : Brioni, Schott, Levis, Comme des Garçons, Reebok, Canada Goose, Dr. Martens et Juicy Couture. Chaque création prend évidemment la forme d’un hommage fantasque. Non content de repousser les limites de la mode et du style, Vetements se joue ici de l’appropriation et de la copie. Si cette idée a émergé faute de temps pour concevoir la collection, elle vient asseoir l’hégémonie de la collaboration dans notre décennie. 

 

En janvier 2017, au sein du hall du Centre Pompidou, Vetements offrait un panorama mode des archétypes sociaux (collection automne-hiver 2017) : working girl, jeune fille de Saint-Germain-des-Prés, bourgeoise en tailleur, punk, gothique ou encore nerd. Entre-temps, le créateur, fatigué, s’était réfugié sous l’injonction de son frère Guram Gvasalia, à Zurich. Le défilé annulé, la collection printemps-été 2018 était présentée sous forme d’une exposition photo où des citoyens zurichois portaient des pièces rééditées avec des variations. Ensuite, les puces de Saint-Ouen, le Muséum d’histoire naturelle, le McDonald's des Champs-Élysées furent les théâtres successifs des défilés Vetements, qui, bien que moins sujets à la polémique, n’en demeuraient pas moins des évènements incontournables des fashion weeks.

 

Toujours basé à Zurich, le label Vetements va continuer d’exister, mais désormais privé de l'une de ses plus importantes têtes pensantes.