12 jan 2024

Emma Stone nous dévoile les secrets des costumes fantasmagoriques de Pauvres Créatures

Lors d’une conférence de presse parisienne, l’actrice Emma Stone nous a dévoilé les secrets des costumes somptueux de son nouveau film : Pauvres Créatures, réalisé par Yórgos Lánthimos. Un bijou baroque qui a remporté quatre statuettes aux Oscars 2024, dont celle des meilleurs costumes.

Comme Tim Burton, Guillermo del Toro ou encore David Lynch, le réalisateur grec Yórgos Lánthimos conçoit de sublimes et étranges univers dans lesquels rien n’est laissé au hasard. Et avec son nouveau film, la fable décalée et féministe Pauvres Créatures, actuellement au cinéma, le cinéaste auquel on doit La Favorite (2019) et The Lobster (2015) impressionne une nouvelle fois avec la création de tableaux dignes de Max Ernst.

 

Si l’actrice américaine oscarisée Emma Stone – récompensée par de nombreux prix dont un Golden Globe, un Oscar et un Critics’ Choice Award en ce début d’année pour Pauvres Créatures – est stupéfiante en Bella Baxter, une créature possédant un cerveau de bébé dans un corps de femme (ranimée par un médecin fou après son suicide), les décors inspirés des dessins satiriques de la Belle Époque, de la science-fiction et de Fellini, méritent aussi les honneurs. Tout comme les costumes, oscillant entre passé et futur, esthétique punk et époque victorienne, enfance et haute couture.

 

Les dessous des costumes d’Emma Stone dans le film Pauvres Créatures


Pour raconter l’histoire peu orthodoxe de l’intrépide et délurée Bella Baxter, qui est une éducation plus charnelle que sentimentale, Yórgos Lánthimos et la productrice et actrice Emma Stone ont fait appel à la costumière britannique Holly Waddington, qui vient du ballet et de la danse contemporaine et qui a habillé Florence Pugh dans The Young Lady (2016). Elle a imaginé pour Bella Baxter une garde-robe de conte de fée à la fois surréaliste et onirique. 
 
Théâtrales, fantasmagoriques et audacieuses, les silhouettes mixent manches gigot aux volumes exagérés, collerettes XXL, lingerie en dentelle, shorts et volants. Les pièces les plus spectaculaires ? Des vêtements à plis évoquant ouvertement les organes génitaux féminins ou la chair humaine. Ou encore une cape en latex transparent qui fait penser à un préservatif. Certains vêtements ou accessoires semblent sortir de l’époque victorienne (tendance steampunk), des années 30, 60 ou encore 70 et possèdent la folie et la beauté de créations signées Elsa Schiaparelli, Viktor & Rolf, Alexander McQueen ou encore Moncler. Un véritable choc esthétique et une explosion de formes et de couleurs qui émerveille le spectateur comme rarement il l’a été, ces derniers mois, au cinéma.

Côte mise en beauté, Nadia Stacey, maquilleuse britannique qui a collaboré avec Emma Stone sur les films La Favorite (2019) et Cruella (2021), a puisé son inspiration dans des articles de presse expliquant qu’à l’époque victorienne, les femmes portaient les cheveux relâchés et très longs lorsqu’elles restaient chez elles. Plus connue en tant que rousse ou blonde, Emma Stone arbore, pour incarner l’indisciplinée Bella Baxter, de très longs cheveux bruns laissés à l’air libre et semblent mener leur propre vie.

 

L’émancipation – intellectuelle et sexuelle – de Bella Baxter passe autant par l’allure de l’actrice, métamorphosée en poupée gothique que par son jeu et sa démarche (d’abord robotique puis plus fluide). Afin de retranscrire l’odyssée mentale et la libération physique de Bella Baxter (qui arrive à échapper aux hommes qui veulent la contrôler), son allure excentrique évolue constamment, multipliant les expérimentations vestimentaires. Emma Stone passe des looks qu’un enfant aurait pu créer avec des pièces hétéroclites et très débraillées (à la façon de couches culottes) à ceux d’une jeune femme qui se fiche des conventions pour tracer sa voie.

 

L’odyssée féministe de Bella Baxter retranscrite à travers son évolution mode


Peu à peu, l’héroïne de Pauvres Créatures découvre les plaisirs de la vie et les joies du sexe, et elle est de moins en moins empêchée dans son comportement et dans ses étoffes, comme pour mieux figurer qu’elle évolue en dehors des préjugés de la société et qu’elle devient la femme qu’elle veut être. Ce n’est plus le médecin et père de substitution qui est son créateur, mais la créature elle-même qui devient créatrice de son destin et de son être. La fiancée (ou fille de) Frankenstein s’émancipe du statut de cobaye durant les différentes étapes de cette aventure jouissive et féministe.

 

En effet, la silhouette de Bella Baxter défie (et désobéit) au fur et à mesure le regard de son tuteur (le médecin fou qui l’a créée, incarné par Willem Dafoe). Quand le personnage principal de Pauvres Créatures voyage ou qu’elle danse, elle porte des jupes virevoltantes, témoignant d’une grande liberté face à son amant (un avocat débauché joué par Mark Ruffalo). Et quand elle se prostitue dans une maison close parisienne, et qu’elle étudie en même temps la philosophie, elle est tout de noir vêtue, avec des bottes lacées évoquant les courtisanes. Enfin, lorsqu’elle lit des livres et veut devenir médecin, à la fin du film, elle porte des tenues plus structurées et scolaires, voire sombres. 

« Les costumes, aussi beaux soient-ils, sont également très instructifs en ce qui concerne Bella car ils racontent une histoire sur où elle en est dans son développement. » Emma Stone

 

Lors d’une conférence en petit comité, en décembre dernier, au Bristol, à Paris, Emma Stone, également productrice du film, expliquait à propos des costumes du film de Yórgos Lánthimos qui a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise 2023 : « Holly Waddington, notre costume designer, est totalement géniale et très axée sur les détails. Ce n’est pas une coïncidence si Yórgos, Monsieur Détails, aime travailler avec les personnes si soucieuses du détail. Nous avons longuement parlé dès le premier essai. J’ai pris l’avion pour Athènes quelques mois avant d’aller à Budapest pour le tournage, et Holly est également venue à Athènes. Puis Yórgos, Holly et moi avons simplement essayé des formes et des couleurs pour voir lesquelles fonctionnaient. Alors qu’Holly commençait à imaginer les costumes, nous parlions de tout l’arc narratif. »

 

L’égérie Louis Vuitton Emma Stone poursuit : « Au début, Bella est comme « rembourrée ». Holly Waddington dit qu’elle est enveloppée dans du papier bulle, et c’est Mme Prim (la gouvernante du manoir où elle vit avec le savant fou qui l’a créée, ndlr) qui l’habille. Puis quand elle voyage, elle s’habille elle-même et elle porte des shorts. Alors que je sais que je suis censée porter quelque chose en plus en bas… Puis je porte un chapeau parce que, vous savez, cela devient plus structuré, moins coloré et plus mature à mesure que Bella évolue. Donc les costumes, aussi beaux soient-ils, sont également très instructifs en ce qui concerne Bella car ils racontent une histoire sur où elle en est dans son développement. » 

 

 

Aussi irrévérencieux, inventifs et singuliers que le scénario de Pauvres Créatures, les costumes du long-métrage, des acteurs à part entière, semblent avoir séduit autant que l’histoire du film. Lors de la 96e cérémonie des Oscars, qui se tenait ce lundi 10 mars 2024, le film de Yórgos Lánthimos a été l’un des plus récompensés de la soirée, remportant quatre statuettes : meilleurs maquillages et coiffures, meilleurs décors, meilleurs costumes et meilleure actrice pour Emma Stone. 

 

Pauvres Créatures (2024) de Yórgos Lánthimos, avec Emma Stone, Mark Ruffalo, Willem Dafoe et Margaret Qualley, actuellement au cinéma.