“Systeme K”: art et sorcellerie dans les rues de Kinshasa
En salle le 15 janvier, le sixième documentaire du réalisateur français Renaud Barret nous plonge au cœur des rues chaotiques de Kinshasa, en République Démocratique du Congo. “Système K” met en lumière une scène artistique sauvage qui s'impose malgré la répression.
Par Lolita Mang.
Un homme déambule dans les rues sombres de Kinshasa. Un homme ? Rien n'est moins sûr. Deux longues cornes arquées jaillissent de son front tandis qu’une queue en plastique grise se balance depuis la base de ses reins. De ses grands yeux inquiétants, il fixe quiconque ose croiser son regard un peu trop longtemps. Mais surtout, il ne s’arrêter pas de danser…la scène flirte avec l’expérience satanique. Dès ses premières images, Système K, sixième documentaire de Renaud Barret, envoûte son spectateur de façon singulière.
Plongée dans les ténèbres
Chacun des chapitres de Systeme K porte sur un personnage. Et la narration fragmentée du documentaire va de pair avec les rues bondées de Kinshasa, mégalopole multicolore du Congo où se rencontrent les artistes qui l’habitent. Du parrain de la scène artistique Freddy Tsimba à l'orphelin squatteur des Beaux-Arts Béni Baras, Renaud Barret n'oublie personne. Au cœur de la ville, le cinéaste français met en lumière une scène contemporaine bouillonnante et bricolée. Ici, les artistes se sont emparés de la rue. Cette myriade de protagonistes aurait pu rendre le film inintelligible mais force est de constater que le documentaire ne laisse rien au hasard. À mesure qu'il développe son propos, les tonalités deviennent plus ternes, des rues colorées à la nuit noire.
Force de ce long-métrage : sa bande originale imaginée par le collectif KOKOKO!. Signé sur le label britannique Transgressive (Flume, SOPHIE, Lets Eat Grandma), ce collectif originaire de Kinshasa fabrique ses propres instruments en recyclant tout type de produits plus ou moins insolites. Pour accompagner les déambulations de Renaud Barret, il a donc composé une musique électrique brute, miroir de la situation d'urgence de la ville, en perpétuel fourmillement. Une impression renforcée par les plans aériens qui rythment le récit.
Un brûlot politique ?
L’ immersion dans les ténèbres débute par une série de portraits d’artistes. Un homme enfile une combinaison d'astronaute dorée puis vagabonde dans les rues, une femme noircit des toiles à l’aide d’une bougie, réminiscence de son passé d'enfant exorcisée, lorsqu’un autre se fait passer pour le diable en personne et danse dans la ville, effrayant les habitants au passage. Un dernier parade, littéralement installé dans un bain de sang, et dénonce la situation inquiétante du pays : “Ici, quand quelqu'un se fait renverser par une voiture, les gens vont lui vider les poches, regrette-t-il. Ça doit changer.”
Système K ne présente pas de nouvelles réflexions sur le rôle de l'artiste engagé. Il en démontre la nécessité, là où tout n'est que désordre. Car de nombreuses performances sauvages sont interrompues par l'intervention de la police. Certains artistes doivent alors s'exiler temporairement à Goma, une ville située à l’Est du pays, alors que des ateliers sont mis à sac. Une motivation supplémentaire pour ces personnages, des artistes de rue qui flirtent avec la folie.
Systeme K, de Renaud Barret, en salle le 15 janvier.