Rencontre avec Philippe Katerine, l’artiste qui milite pour un monde plus mignon
Un César en poche et un dixième album studio sorti en 2019, Philippe Katerine distille sa candeur et son humilité partout où il passe. Alors qu’il est à l’affiche, le 2 février, de Petite Solange d’Axelle Ropert, Numéro s’est entretenu avec l’acteur, chanteur, parolier, sculpteur, dessinateur… Un artiste complet.
Propos recueillis par Chloé Bergeret.
Numéro : Ces derniers temps, vous enchaînez les films sur l’enfance. Seriez-vous resté un grand enfant?
Philippe Katerine : Je ne vais pas me qualifier, ce ne serait pas me rendre service ! Mais j’avoue mon crime : je ne me pose jamais cette question. C’est ce qui fait de moi un enfant, finalement.
Vous donnez un concert à l’Olympia pour fêter vos trente ans de carrière. Trente ans, déjà ? Ça vous fait quoi ?
Je me suis dit : “Ah, bah merde ! ça fait déjà trente ans que je fais des concerts sous mon nom de Philippe Katerine !” Mais l’idée, c’était surtout de jouer, après tous ces mois sans aucun concert, et , encore plus, de jouer avec le super groupe avec qui je tourne depuis deux ou trois ans. C’est un groupe de rêve, même si ça reste mes chansons.
Vous collaborez avec de nombreux artistes issus de genres musicaux différents. C’est par amour du changement ?
Je collabore avec des artistes que j’écoute. Par exemple, j’aime beaucoup le rap, non pas que ce soit naturel, parce que je ne me sens pas du tout rappeur (rires)… mais quand on me demande des collaborations, ça me plaît beaucoup. Ma collaboration avec le groupe Sein par exemple, ce n’est pas du tout ma génération : ils n’ont même pas mon âge à eux deux ! Et je me suis retrouvé là, tout d’un coup, comme si j’étais un oncle qu’ils étaient venus chercher. Je dis oncle, mais j’ai hésité avec papy… c’est peut-être un peu précoce. J’aime bien l’idée de l’oncle, on n’est pas loin de l’ongle, je suis l’oncle incarné !
Vous avez enchaîné deux rôles de patriarche dans vos derniers films. Quel père êtes-vous dans la vie ?
Je suis un père investi, même si je fais des conneries. D’ailleurs, peut-être que je devrais m’investir un petit peu moins. Mais je prends ça très à cœur. Tous les matins, c’est comme si on redécouvrait les personnes avec qui l’on vit, ce qui rejoint un peu ce qu’il y a dans le film Le Test. Je trouve que c’est très difficile de se situer, d’avoir une ligne à tenir avec les enfants. Mais il paraît qu’il vaut mieux faire des conneries, c’est ce qui forge le caractère. Et pour ça je n’ai pas à me forcer [Rires.] !
La réalisatrice de Petite Solange a dit de vous: « Philippe Katerine, c’est une certaine quotidienneté avec du piquant« . Vous êtes d’accord avec ça ?
C’est vrai que j’aime le quotidien, j’adore les détails, les objets du quotidien. J’aime l’idée que les objets vivent autant que nous et qu’ils restent bien après nous. C’est eux qui s’en sortent le mieux, c’est eux qui racontent nos vies. J’ai souvenir d’un très beau bouquin, justement, sur un couple qui a vécu ensemble et qui raconte son histoire à travers les objets qu’il partage… un poster, une tasse, un crayon offert par la dame au monsieur, un coussin… je ne me souviens plus du titre… Pour moi, les objets, c’est plus qu’un décor, c’est le squelette.
Vous préparez une exposition au Bon Marché sur le mignonisme. Qu’est-ce que c’est ?
C’est une façon de traiter le monde dans toute son horreur – la trahison, la mort, la violence… – par le biais du mignon. Vous savez, je ne suis pas du tout idéaliste. J’ai basé toute ma vie sur l’idée que tout est noir… ce n’est pas du cynisme, c’est juste que je ne me fais pas d’illusions. Mais il y a du mignon en toute chose, il suffit de regarder et de s’arrêter pour le déceler.
Le mignon est-il un rempart contre la violence du monde ?
Disons que c’est une poésie du quotidien qui permet de mieux vivre, notamment dans cette situation de pandémie absolument ridicule. C’est risible de tous porter des masques. J’ai fait une peinture avec mon chien – qui est très mignon – et il était le seul sans masque ! Mon projet est vraiment né avec tout ça, pendant le premier confinement. J’ai commencé à exprimer ma frustration de ne pas pouvoir faire de festival ou de concert, en jouant avec les Playmobil de mon fils. Je leur ai arraché la tête et les mains, car sans nez qui se mouche et sans mains qui se touchent, pas de contamination possible ! J’exprimais la pénibilité de la situation en mettant en scène ces figurines.
Comment avez-vous préparé le rôle d’Assurancetourix, l’artiste excentrique dont on se moque, dans Astérix et Obélix de Guillaume Canet ?
Il m’est arrivé aussi d’être moqué, moi aussi, parce que je m’exprimais de façon différente… Mais c’est normal. Je ne pense pas que les artistes doivent être invités à l’Élysée pour recevoir une médaille. Comme Assurancetourix, les artistes doivent être molestés et jetés à la fosse publique ! Bien sûr, c’est une vision romantique, mais je pense que la place de l’artiste est là: ligoté contre un arbre. Et qu’il doit se libérer de ses liens.
Avez-vous un avis sur les prochaines élections présidentielles ?
Vous savez, j’ai des enfants en bas âge avec qui j’écoute la radio et je regarde la télé. Et dès que je vois Zemmour et les autres, j’ai l’impression de leur montrer un film pornographique. J’ai tendance à trouver ça obscène. C’est tellement bas et minable que j’éteins tout de suite la télé. Même s’il y a des exceptions bien sûr, je ne mets pas tout le monde dans le même sac.
Petite Solange, d’Axelle Ropert, en salle 2 février 2022.
Exposition Le Mignonisme, au Bon Marché, à partir de février 2022.
Concert à l’Olympia, le 27 mars 2022.
Le 27 mars, il fêtera ses 30 ans de carrière lors d’un concert exceptionnel à l’Olympia. Pourtant, son travail ne se résume pas à la musique. Philippe Katerine aura tout fait. Après Le Test, d’Emmanuel Poulain-Arnaud, où il interprétait un père dépassé par les évènements aux côtés d’Alexandra Lamy, il repasse devant la caméra dans le nouveau film d’Axelle Ropert (Tirez-la langue mademoiselle), Petite Solange, où il incarne un père de famille sévère en plein divorce (Léa Drucker interprète sa femme). Le couple en crise entraîne dans sa chute Solange, 13 ans, qui ne supporte pas de voir ses parents cesser de s’aimer. En parallèle Philippe Katerine se prépare à exposer au Bon Marché en février une ribambelle de sculptures et de dessins qu’il élabore depuis le premier confinement. Des objets « mignons », dignes représentants de son concept le « mignonisme ». À l’affiche du prochain Astérix et Obélix réalisé par Guillaume Canet, ce faux naïf continue de nous émouvoir.