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Rencontre avec Ichon : “Pour composer cet album, je ne buvais plus, je ne fumais plus… J’étais devenu un samouraï.”
Cheveux natés, blouson en cuir et bottes à imprimé vache, Ichon est un homme au style pointu à qui rien ne semble résister. Aussi perfectionniste qu’il apparaît nonchalant, Yann Bella Ola, de son vrai nom, s’est révélé auprès de nous plus authentique que jamais.
Propos recueillis par Mathilde Cassan.
Cheveux natés, blouson en cuir et bottes à imprimé vache, Ichon est un homme au style pointu à qui rien ne semble résister. Après une mixtape aussi dépressive qu’arrogante, Il suffit de le faire, sortie en 2017, ce “bon gamin” [du nom du collectif Bon Gamin, fondé avec le rappeur Loveni et le producteur Myth Syzer] de 31 ans signait, l’an passé, un premier album introspectif au titre limpide : Pour de vrai. Ichon s’est ainsi fait une place à part sur la scène musicale française, mélangeant le rap et la variété, avec ses chansons romantiques où il raconte sa quête existentielle. Aussi perfectionniste qu’il apparaît nonchalant, Yann Bella Ola, de son vrai nom, s’est révélé auprès de nous plus authentique que jamais.
Numéro : En 2021, Ichon est-il toujours un rappeur ?
Ichon : Avant, quand je ne faisais que du rap, je me définissais comme un chanteur, par esprit de contradiction. Le rap est synonyme de jeunesse, alors aujourd’hui, je force pour conserver le mot rappeur, je trouve ça drôle.
Vous avez fait du rap romantique votre crédo …
L’amour est partout. Tout le monde aime quelqu’un, en cachette ou non. J’ai des tonnes de chansons romantiques sur mon ordinateur, j’ai même l’impression de tricher quand j’écris sur ce sujet ! Mais j’essaie maintenant de me concentrer sur des thèmes plus profonds.
En parlant d’amour, quel est votre rapport à la masculinité ?
Je n’ai pas envie de me battre mais je trouve ça cool d’être considéré comme une personne qui brouille les pistes. J’avoue que je ne réfléchis pas personnellement à cette question.
Dans le rap français, vous faites un peu figure de sage. Quel est votre message ?
Mon père dit carrément que je suis un philosophe, j’aime bien ! Depuis mes débuts, j’ai simplement envie de raconter ma quête, en espérant inspirer des gens. De toute façon, je parviens uniquement à écrire à propos de ce que je ressens.
Quelle est la chose la plus folle que vous ayez fait pour votre public ?
Je me suis inspiré d’une performance de Marina Abramovic [The Artist is Present, 2010, MoMA] où elle est assise à une table et regarde son public dans les yeux. Chacun s’asseyait devant elle, et ils pleuraient presque tous. J’ai donc eu envie de créer ce rapport similaire avec les gens qui m’écoutent. À la sortie de Pour de vrai, j’ai demandé aux personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux de m’écrire des lettres. J’en ai reçu plus de deux cents. J’en ai lu seulement quarante et j’ai même pleuré lors de certaines lectures… Puis j’ai rencontré vingt de ces personnes à Paris et je les ai tatouées.
Qu’est-ce que cette réédition apporte à l’album Pour de vrai sorti en 2020 ?
Il y a quelques années, j’ai eu des moments de folie, à cause de la fatigue, de la drogue, de l’excès, à la limite de l’hôpital. Peur de la vie, plus que de la mort.Quand je me suis remis sérieusement à la musique pour préparer Pour de vrai, je me suis marginalisé. Quand j’ai commencé à jouer du son, je ne buvais plus d’alcool, je ne fumais plus, je ne mangeais plus de viande, j’habitais chez mes parents, je ne sortais plus, je ne faisais que du piano, j’étais un samouraï. L’année précédente m’a appris que je ne pouvais pas vivre uniquement dans ma bulle. Le mélange, c’est super important, surtout pour un artiste. J’adore faire la fête, j’adore rigoler, j’adore voir les gens. C’est une partie de moi ! J’ai davantage retrouvé un équilibre avec les autres et moi-même et l’album en témoigne.
Vous avez aussi été mannequin pour Maison Martin Margiela, vos clips ont une esthétique vintage hyper léchée. Comment construisez-vous votre image ?
Je collabore constamment avec des réalisateurs, des musiciens, des producteurs [Loveni, Myth Syzer]. Les discussions sont primordiales. Pour la réalisation de mes clips, je travaille avec depuis quelques années avec Louis Lekien (Noir et Blanc et Sous la pluie) En l’occurence pour le clip de C’est pas le moment, je souhaitais déconstruire la romance au cinéma. J’avais cette idée qu’une femme tombait d’un immeuble. J’aime que tout soit simple, pas la peine de mettre des effets spéciaux. Tout est déjà là ! Tout est déjà beau ! Plus jeune, je pensais qu’il fallait tout magnifier., désormais je préfère ce qui est plus naturel. Maintenant, j’ai davantage envie de pousser le côté expérimental. Je souhaite me tourner vers le jeu, l’acting. Personne ne m’a encore rien proposé d’intéressant mais même si personne me demande, je me lancerai, que ce soit pour moi ou pour d’autres. J’ai aussi envie de me tourner vers les vêtements, pour faire ce qu’il y a de plus parfait à mes yeux et créer des sapes que j’aime.
Vous avez mis trois ans à composer votre album Pour de vrai [2020], que vous rééditez actuellement. Quel a été votre processus de création ?
Il y a quelques années, j’ai eu des moments de folie. À cause de la fatigue, de la drogue, de l’excès… J’étais à la limite d’aller à l’hôpital. J’avais davantage peur de la vie que de la mort. Quand je me suis remis sérieusement à la musique pour préparer Pour de vrai, j’avais besoin de me marginaliser : je ne buvais plus d’alcool, je ne fumais plus, je ne mangeais plus de viande, j’habitais chez mes parents, je ne faisais que du piano. J’étais un samouraï. Désormais, je suis sorti de ma bulle, j’ai retrouvé davantage d’équilibre avec les autres et moi-même. Cette réédition en témoigne.
Que signifie pour vous d’être un artiste ?
Certains artistes créent des personnages et s’entourent d’une légende. Moi, c’est une autre école, l’école de la réalité. Être un artiste, c’est enlever les illusions. Moi j’enlève la légende, je te raconte tout.
Vos clips ont une esthétique vintage hyper léchée, vous avez aussi été mannequin pour Maison Margiela… La musique ne vous suffit-elle plus ?
J’aime les expérimentations… Et je souhaite désormais me tourner vers le jeu. Pour l’instant, personne ne m’a encore rien proposé d’intéressant. Mais même si personne me demande, je me lancerai seul.
Encore + pour de vrai [911], de Ichon, disponible.