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Qui est Muzi, le musicien sud-africain prodige qui a ensorcelé Damon Albarn et Stormzy ?
En convoquant les sonorités zouloues entendues dans son enfance, le chanteur sud-africain Muzi produit une musique dansante et solaire qui nous emmène autant sur son continent qu’en club berlinois ou même dans l’espace. Jamais très loin des étoiles… À l’occasion de la sortie de son cinquième album studio, uMUZI, ce vendredi 13 octobre 2023, portrait du prince de la zulu house, une sorte de version panafricaine de Daft Punk.
par Violaine Schütz.
Le nom de Muzi est encore peu connu dans l’Hexagone. Mais en Afrique du Sud, ce DJ-chanteur-producteur a redessiné, en quelques années seulement, les contours de la musique locale. Installé à Johannesburg, il a même réussi à attirer l’attention des États-Unis et de l’Angleterre. Sa force ? Des chansons dansantes et euphorisantes qui puisent dans un kaléidoscope d’influences bigarrées. En cinq albums (dont uMUZI qui sort ce vendredi 13 octobre 2023), Muzi a forgé son propre son : la zulu house, soit un mélange d’électronique, de musique bubblegum d’Afrique du Sud (le nom donné à la scène pop et funk des années 80) et d’autres genres tels que le maskandi (folk zoulou), le kwaito (de la house ayant émergé à Johannesburg) et l’isicathamiya (style de chant a cappella provenant des Zoulous).
Muzi, chanteur sud-africain qui a forgé son propre son : la zulu house
Muzi nous confie au sujet de son attachement à des sonorités traditionnelles : « Je pense qu’il est crucial que les gens sachent d’où je viens, peu importe jusqu’où je veux pousser ma musique, ils doivent être capables de dire que je suis africain, que je suis zoulou. » Il a découvert seulement il y a quatre ans, nous avoue-t-il, que la house avait été inventée au début des années 80 par des producteurs noirs de Chicago et Détroit, ce qui l’a fait se sentir d’autant plus légitime dans ce genre. Mais les mélodies novatrices, entraînantes et jouissives de Muzi nous font voyager bien plus loin qu’aux Etats-Unis ou en Afrique. Elles nous propulsent directement dans l’espace.
Les racines afrofuturistes du chanteur Muzi
En 2018, sortait Afrovision de Muzi sur lequel on trouvait un morceau intitulé Zulu Skywalker. L’expression est depuis devenue le surnom du chanteur. Sur son quatrième album, sorti en 2021, Interblaktic, l’artiste chantait, en ouverture : « Il semble y avoir beaucoup de Noirs sur Mars ». Cette façon de regarder vers les astres ne date pas d’hier. « Ma mère m’achetait des livres sur les étoiles, nous explique Muzi, les extraterrestres et les galaxies quand j’étais enfant. Je suis donc tombé amoureux de l’idée de l’espace. L’idée de lieux appartenant à un autre monde sur lesquels les humains ont peu d’informations m’intrigue. »
L’obsession cosmique de Muzi rappelle celle du mouvement afrofuturiste. Ce courant esthétique décolonial et émancipateur qui a emergé dans la seconde moitié du 20e siècle a souvent montré des hommes noirs dans des univers galactiques. Influencé par Sun Ra et Basquiat, le mouvement conçoit la beauté noire en lien avec la science-fiction, la technologie, la magie et le futur. Une imagerie puissante qu’on retrouve autant chez Rihanna que dans le blockbuster Black Panther (2018). Mais Muzi préfère le terme de « l’afro-nowisme. » « Ça signifie, précise-t-il, que les Africains font des choses incroyables aujourd’hui, dans le temps présent. Et non pas que nous ne serons géniaux que dans le futur ou dans un autre espace-temps. »
Des collaborations avec Damon Albarn, Chris Martin et Stormzy
Le musicien Muzi qui a commencé en produisant des morceaux électro avec des logiciels basiques dans sa chambre, est un homme bien ancré dans son temps. Au moment où il nous parle, il souffre d’une blessure au genou à cause d’un accident skateboard et passe pas mal de temps sur Netflix et sa PlayStation. Celui qui crée ses propres vêtements, façonne ses illustrations et certaines de ses vidéos aime Daft Punk, Justice et le film 300 (2006) autant que collectionner les vinyles et écouter de la musique africaine ancestrale. Le Zulu Skywalker s’inspire de ce qu’il a entendu en club à Berlin lors d’un voyage important aussi bien que de l’idée de la mort de l’égo (le trip spirituel recherché par les utilisateurs de drogues psychédéliques) et de l’amour. Lumineuse mais profonde, sa musique semble vouloir guérir des plaies, à commencer par les siennes.
Pendant la pandémie, Muzi a vu partir des amis et de la famille, dont sa mère, chanteuse de gospel et d’opéra qui lui avait transmis sa passion. L’artiste, qui a grandi dans un township violent, s’est aussi senti isolé et déprimé au début de sa carrière parce qu’il voulait faire de la musique différente. Il a trouvé du réconfort dans le son des machines et rêve aujourd’hui de collaborer avec des stars du rap telles que Missy Elliott, Kid Cudi et Pharrell Williams. Mais il peut déjà se targuer d’être adulé par Diplo et (feu) The Prodigy ainsi que d’avoir travaillé avec des artistes tels que Chris Martin (Coldplay), Gruff Rhys, Stormzy, Kaytranada ou encore Damon Albarn. « C’est toujours amusant, s’émeut Muzi, de se souvenir de Damon Albarn essayant de jouer du maskandi et trouvant cela très difficile à cause de l’intensité du grattage des cordes de guitare. Ou de la fois où Chris Martin m’a attendu dans les coulisses après ma performance au festival Afropunk pour me dire que c’était l’une des meilleures choses qu’il ait vu dans sa vie. » Et après avoir écouté en boucle les sémillants albums Interblaktic et uMUZI, il se peut que vous partagiez l’avis enthousiaste de l’ex Monsieur Gwyneth Paltrow.
uMUZI (2023) de Muzi, disponible.