25 oct 2023

Qui est l’acteur Paul Kircher, révélation du film événement Le Règne animal ?

Dans Le Règne animal de Thomas Cailley, actuellement au cinéma, Paul Kircher, brillant jeune acteur, interprète à la perfection un ado confronté à un monde impensable, où certains humains deviennent des bêtes… Dans ce film fantastique très réussi, le fils d’Irène Jacob et de Jérôme Kircher prouve à quel point le feu sacré coule dans ses veines, et démontre l’étendue de son talent. 

Il a seulement 21 ans et quatre films à son actif, mais Paul Kircher est déjà plus qu’une révélation : une promesse. Celle d’un cinéma français capable d’incandescence. Dans Le Règne animal, dernier film du réalisateur Thomas Cailley (Les Combattants), le jeune homme joue superbement un ado confronté à un monde impensable, où certains humains deviennent des bêtes. Alors que sa mère est mise à l’écart par une société devenue excluante, il déménage avec son père (Romain Duris) avant que l’étrangeté ne se glisse à nouveau dans son existence… Un exemple de cinéma fantastique à la française très réussi, où l’impossible peut arriver. 

 

Interview de Paul Kircher, l’acteur magnétique à l’affiche du film événement Le Règne animal

 

En ce moment, tout sourit à Paul Kircher. Il enchaîne déjà avec un nouveau tournage, l’adaptation du best-seller Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu. Mais le Parisien n’a pas encore laissé tout à fait derrière lui cette expérience marquante. “Avec Le Règne animal, j’étais dans une recherche intérieure, raconte-t-il. Mon personnage se transforme, comme beaucoup d’ados, mais d’une façon différente. J’ai réfléchi au fait que, quand tu changes, tes désirs et tes peurs mutent, tes sources d’excitation aussi…”. Il prend l’exemple d’une blessure subie par son personnage, qui lui donne subitement envie de se lécher. “Même s’il reste lucide sur ce qui se passe en lui, il se laisse aller. C’est ça que j’ai adoré dans ce film. Une blessure, si tu es un animal, tu la lèches. C’est irrépressible. Certains bruits te font peur. Tu es attentif aux mouvements de façon différente. Tout cela représente un terrain passionnant pour un acteur.” 

“Être acteur, j’y pensais un peu, mais je m’étais inscrit à l’université en géographie et en éco. Et puis j’ai découvert un plateau. J’ai suivi des stages de théâtre et j’ai commencé à regarder beaucoup de films.” Paul Kircher

 

Alors que sa mère (Irène Jacob) et son père (Jérôme Kircher) sont tous les deux comédiens, on ne s’étonnera pas que Paul Kircher surgisse dans le métier avec une telle pertinence. Sa prestation bouleversante dans Le Lycéen de Christophe Honoré, un drame sur le deuil d’un père sorti en 2022, lui a valu une nomination au César du meilleur espoir masculin, mais son parcours pour devenir acteur n’a pas forcément suivi une ligne droite. “Cela a commencé l’été qui a suivi ma terminale, il n’y a pas si longtemps. Une personne m’avait proposé de passer un casting quelques mois auparavant, mais cela n’avait pas fonctionné. Elle m’a rappelé, et j’ai joué dans cette comédie intitulée T’as pécho ? Être acteur, j’y pensais un peu, mais je m’étais inscrit à l’université en géographie et en éco. Et puis j’ai découvert un plateau. J’ai suivi des stages de théâtre et j’ai commencé à regarder beaucoup de films.” 

 

 

Paul Kircher, le héros du film Le Lycéen de Christophe Honoré

 

Avant cela, Paul Kircher s’intéressait plutôt à la musique. Sa découverte de la scène, il l’a faite à travers le rock, en tant que chanteur. “Être acteur n’était en rien une obsession, même si j’aimais faire rire mes potes à l’école. Un gars au lycée m’avait dit : ‘Toi, dans dix ans, je te vois à la télé.’ J’ai toujours aimé me mettre en scène, attirer l’attention.”. Cette déclaration contraste avec la relative timidité de Paul Kircher face à nous. Il cherche les mots justes pour évoquer sa vie, commencée dans un environnement particulier. “À travers ma maman, j’ai connu le théâtre plus que les plateaux de cinéma. Bébé et enfant, je dormais dans les coulisses pendant qu’elle jouait. D’ailleurs je suis presque né dans un théâtre, car elle jouait enceinte. Plus tard, mes parents étaient parfois absents durant un mois entier. Grâce à cela, j’ai connu le rythme de vie particulier de ce métier.” Son intégration s’est passée avec aisance, auprès de réalisateurs aussi habités et différents que Thomas Cailley et Christophe Honoré

Paul Kircher a tourné avec Juliette Binoche et Vincent Lacoste

 

Pour Le Lycéen, le réalisateur des Chansons d’amour a fait appel à Juliette Binoche et Vincent Lacoste, mais Paul Kircher tenait le véritable premier rôle, découvrant la méthode du cinéaste héritée des préceptes de la Nouvelle Vague. “Christophe sait très bien ce qu’il cherche, mais il ne me l’a pas forcément fait ressentir. Souvent, il me laissait penser qu’il ne recherchait rien de précis. En tout cas, il ne me le disait pas.” Cette liberté créée par le tournage, pensé comme un lieu d’expérimentations, s’est manifestée de manière différente chez Thomas Cailley pour Le Règne animal. Thomas, je l’ai rencontré avant Christophe Honoré en fait, il m’avait déjà proposé son film. Son approche de la mise en scène est très intéressante, du fait de sa concentration sur le plateau, mais aussi de sa grande sympathie avec les comédiens. Il avait énormément de choses à gérer, notamment les effets spéciaux, mais il restait vraiment disponible. Il a inventé ce monde parallèle et il nous a tous emportés avec lui.” 

 

Il reste à Paul Kircher une multitude de styles à découvrir, lui qui a le don d’habiter des mondes divers sans perdre son identité de jeune homme solaire et fragile, à la masculinité très contemporaine. Du genre qui ne s’impose pas, qui tâtonne avec les autres, qui essaie d’apporter une hauteur de vue. Parmi les comédiens ayant pu l’inspirer depuis qu’il a développé sa cinéphilie – “C’est arrivé après le premier confinement”, précise-t-il –, on trouve Jean Yanne, l’acteur de Nous ne vieillirons pas ensemble de Maurice Pialat, mais aussi la comète River Phoenix, le grand Jean-Louis Trintignant ainsi que l’icône Jean-Pierre Léaud, un modèle que Kircher a découvert durant la préparation du Lycéen. Parmi les films qu’il a appréciés dans sa découverte post-adolescente (sa mère s’était chargée de Chaplin et de De Funès auparavant), l’éclectisme domine : “J’ai vu récemment Thirteen, un teen movie du début des années 2000 qui est filmé au rythme de la vie. J’aime cette idée. Récemment, j’ai aussi apprécié Gummo d’Harmony Korine, dans un autre genre. J’aime le cinéma indépendant, mais en vrai, je suis très bon client pour de nombreuses choses. Avec mon père, je suis allé voir Indiana Jones. Je suis également ouvert à la comédie. J’ai beaucoup ri devant Barbaque de Fabrice Éboué. L’autre jour, j’ai vu un très bon film avec Bruce Lee.” 

Samuel Kircher, le frère de Paul, acteur repéré dans le film L’Été dernier

 

Le cinéma fait partie de la vie de Paul Kircher, même quand il ne tourne pas. De là à se dire acteur à plein temps et pour longtemps, il y a un pas, que l’intéressé ne franchit pas encore. “C’est impossible pour moi de me projeter très loin. Je me demande par exemple comment Romain Duris a fait pour tourner autant de films. Ce qu’il est aujourd’hui, après ce qu’il a traversé et qui me semble immense, ça m’impressionne. Je ne suis pas capable de m’imaginer incarner autant d’histoires comme il l’a fait durant plus de vingt-cinq ans. Il est extrêmement inspirant, car justement, il ne donne pas l’impression d’être arrivé quelque part, mais de chercher encore.” 

 

De ces questions comme d’autres, Paul Kircher pourra maintenant discuter avec son frère cadet âgé de 18 ans, Samuel Kircher, qui vient de connaître sa première expérience de comédien dans le beau film de Catherine Breillat sorti au mois de septembre, L’Été dernier. Durant le dernier Festival de Cannes, Paul et Samuel se sont soutenus mutuellement. “Maintenant, toute la famille joue, et ça c’est très sympa”, raconte le Parisien, qui irradie de la joie propre à ceux pour qui tout commence. “Ce que j’ai compris depuis que j’ai commencé à jouer, c’est qu’être comédien s’apparente à un style de vie. Ou plutôt, à une manière de voir les choses qui me pousse à être curieux et attentif à mon environnement, à ressentir des détails là où j’aurais pu passer sans les remarquer. Tout cela nourrit les rôles. En dehors du jeu, je vois dans ce métier la possibilité
d’un quotidien différent.” 

 

Le Règne animal (2023) de Thomas Cailley, avec Paul Kircher, Romain Duris et Adèle Exarchopoulos, actuellement au cinéma.