Omar Sy: “Some are actors, I am a reenactor”
Personnalité préférée des Français, Omar Sy fait aussi chavirer les cœurs du public international. Entre des blockbusters américains, une série Netflix, Lupin, ou bientôt un film de John Woo, l’ex-humoriste transforme tout ce qu’il touche en or.
Portrait par Danielle Levitt.
Réalisation par Jean Michel Clerc.
Texte par Olivier Joyard.
Portrait by Danielle Levitt.
Directed by Jean Michel Clerc.
Text by Olivier Joyard.
Retrouvez ce portrait dans le Numéro Homme 44, disponible en kiosque et sur iPad depuis le 14 octobre 2022.
Quand la voix d’Omar Sy résonne, l’acteur se trouve en Colombie où il tourne le film Shadow Force avec Kerry Washington, sous la houlette du réalisateur américain Joe Carnahan. Partir au bout du monde est devenu son quotidien, dans un genre de miracle comme l’histoire du cinéma en a peu connu. De comique télévisuel hilarant – le fameux SAV des émissions sur Canal+ entre 2005 et 2012, en compagnie de Fred Testot –, le natif de Trappes a muté en personnalité préférée des Français, sans que cela n’entache sa bonhomie et son engagement dans le travail. Les succès stratosphériques d’Intouchables (2011) et, depuis 2021, de la série Lupin (dont il a achevé cette année le tournage de la saison 3 pour Netflix) n’ont pas changé la donne. Le mot qui vient à l’esprit le concernant est celui d’humilité, ce que l’intéressé revendique. “Je suis arrivé là-dedans par la petite porte et je continue à apprendre. Donc oui, à mes yeux, le jeu est plus grand que moi et je l’aborde avec beaucoup d’humilité. Le cinéma, c’est important même si ce n’est pas grave. J’ai le sentiment d’être au service de cette idée.”
Qui aurait misé sur le roi de la punchline pour devenir l’un des acteurs français les plus prisés ? Certainement pas lui. “Enfant ou ado, je n’imaginais rien de tout ça. J’ai toujours été un grand curieux et un tchatcheur, le mec avec le petit mot, mais c’était un trait de caractère. Comme mes profs et mon père me le répétaient souvent : ‘On n’en fait pas un métier’ [rires].” Le métier est arrivé après, via Radio Nova et la télévision, jusqu’à un moment clé, quand Omar Sy a pris conscience de son potentiel. C’était sur le tournage de Tellement proches d’Olivier Nakache et Éric Toledano (2009), futurs réalisateurs d’Intouchables. Dans ce film, il incarne un jeune médecin confronté au racisme. “Il y avait cette scène de coup de boule qui visait autre chose que la comédie, avec une petite odeur sociale. Ils m’ont dit plus tard : ‘On a vu une autre dimension chez toi.’ À leurs yeux, je pouvais apporter quelque chose de plus dramatique. Alors que je n’ose pas me considérer acteur, ils me disent que je le suis et qu’il faut que je le sache.”
Quand on lui demande sa philosophie de jeu, la star répond par une boutade plus profonde qu’il n’y paraît. “Certains sont des acteurs, moi je suis un ré-acteur [rires].” Omar Sy considère les tournages comme une arène où les autres inspirent son travail. “Moi, je n’ai pas la technique. Je suis un acteur d’instinct, j’ai appris sur le tas. Avec mes partenaires, je chope des choses, mais je ne saurais pas vous dire quoi. Je sais seulement que j’aime m’adapter. Il faut se rappeler que je viens d’un duo. Cette façon d’être connecté à l’autre, avec Fred Testot au départ, puis avec François Cluzet dans Intouchables, c’est ma base. Et toujours mon plaisir.”
Alors qu’il va tourner le très attendu remake du film culte The Killer (réalisé par John Woo lui-même), le comédien césarisé s’impose comme un emblème français. Au point de tenir un rôle au-delà du cinéma, en tant qu’homme noir ultra visible dans un pays encore frappé par le racisme ? La réponse du père de cinq enfants est nette : “Je ne me vois pas comme un porte- drapeau, je n’ai aucune volonté politique, même si le monde m’intéresse évidemment. Morgan Freeman a formulé le truc : ‘Tant qu’on est encore en train de questionner le racisme, c’est là qu’on a un problème.’ Les vraies portées sociales et politiques sont inconscientes. À un moment, on ne se pose plus la question et on avance. Même affaire pour l’égalité des sexes.” À sa manière, Omar Sy a pris part aux débats contemporains en tournant Tirailleurs de Mathieu Vadepied, consacré aux membres de l’armée française d’origine sénégalaise – comme sa famille – enrôlés de force durant la Première Guerre mondiale. Le film sort en janvier 2023. À l’issue de la projection cannoise, en mai dernier, l’acteur a eu cette phrase pleine de sagesse : “Nous n’avons pas tous la même mémoire, mais nous avons la même histoire.”
Find this feature in Numéro Homme 44, available in newsstands and on iPad on October 14 2022.
As Omar Sy’s voice resonates, the actor is in Colombia for the shooting of Shadow Force, a film starring Kerry Washington and directed by American filmmaker Joe Carnahan. Travelling across the world has become a habit for the one who happens to be the kind of miracle the history of cinema has rarely known. Making his debut as a hilarious comedian for television, hosting the famous SA V [after-sales service] show along with Fred Testot on Canal+ between 2005 and 2012, the native of Trappes, near Paris, has reached the status of favorite personality in France, without it tarnishing his good-heartedness and his commitment to his work. The stratospheric success of The Intouchables (2011) and of the Netflix show Lupin since 2021 – the shooting of season 3 has finished this year – have not changed the situation. The word that comes to mind when thinking about him is humility, which he claims to have. “I have entered this world by the back door and I am still learning. So, to me, the game is indeed bigger than me and I’m approaching it with a great deal of humility. Cinema is something important, even if it is not serious. I feel like I’m dedicated to that idea.”
Who would have bet on the punchline king to become one of the most sought- after French actors? Surely, not him. “As a child and a teenager, I never imagined any of this would happen to me. I have always been very curious and a chatterbox, the guy with a specific word to add to the conversation. It was my personality trait. As my teachers and my father often told me: ‘You don’t make a living out of it’ [laughs].” It eventually became a profession, through Radio Nova and television, at a key moment. When Omar Sy realized his full potential, he was on the set of Tellement proches [So Close] (2009) by Olivier Nakache and Éric Toledano, the future directors of The Intouchables. In the film, he plays the role of a young doctor facing racism. “There was this headbutt scene that aimed at something other than comedy, with a little social smell. They told me later on: ‘We saw you in a new dimension’. According to them, I could bring something more dramatic. While I didn’t dare to see myself as an actor, they were telling me that I was one and that I should be aware of it.”
When asked about his acting philosophy, the star replies with a joke that is deeper than it sounds. “Some are actors, I am a reenactor [laughs].” Omar Sy sees filming as an arena in which others inspire his work. “I don’t master the technique. I’m an instinctive actor, I learned on the job. I pick up things from my partners, but I can’t really tell you what exactly. The only thing I know is that I like to adapt. You have to remember that I come from a duo. The way I connect to the other, first with Fred Testot, then with François Cluzet in The Intouchables, is my foundation – and my joy still today.”
While he will soon be on set filming the long-awaited remake of the cult film The Killer directed by John Woo himself, the Cesar-winning actor has established himself as a French icon. Perhaps to the point of embodying a role beyond cinema, as a very notorious black man in a country still plagued by racism… The answer from this father of five is clear: “I don’t see myself as a flag-bearer, I have no political agenda, even if I am obviously interested about what is happening in the world. Morgan Freeman put it this way: ‘As long as we’re still questioning racism, we have a problem.’ The real social and political implications are unconscious. At some point, we stop asking the question and we move on. The same goes for gender equality.” In his own way, Omar Sy has taken part in contemporary debates by starring in Father & Soldier directed by Mathieu Vadepied, about the Senegalese members of the French army – the actor’s family is from Senegal – who were forcibly conscripted during First World War. The film will be released in January 2023. At the end of the screening in Cannes last May, the actor shared this wise phrase: “We don’t all have the same memory, but we all have the same history.”