17 jan 2020

Victor Solf : “Je suis le fils illégitime de Nina Simone et Kanye West”

Deux ans après la disparition prématurée de Simon Carpentier, l'autre moitié du duo Her, Victor Solf, revient avec “Aftermath”, son premier EP solo intime et lumineux. Rencontre.

 

Victor Solf a dit adieu aux costumes de dandy qui faisaient la gloire de Her, comme s'il tournait définitivement la page. Il attend en simple tee-shirt, sourire en coin, au premier étage d’un bar du 8ème arrondissement. Un an plus tôt, il se produisait déjà seul au Zénith de Paris pour l'ultime concert du groupe Her, suite au décès prématuré de son ami, et binôme, Simon Carpentier. Après une carrière rythmée par la vie en groupe, de The Popopopops à Her, Aftermath, son premier EP solo, s'annonce comme un défi.

 

1. Le fils illégitime de Nina Simone et Kanye West 

 

Né en Allemagne, élevé à Rennes, Victor Solf tranche avec l’image des chanteurs de blues et de soul qu’il cite pourtant en inspiration. Otis Redding, Sam Cook, Nina Simone… Difficile de savoir d’où lui vient cette passion quand on sait que son père, musicien et photographe, l’initie très tôt à l’electro experimentale de Kraftwerk, et sa mère aux symphonies de Bach et de Mozart. Ne manque qu'une immersion dans le rap pour compléter cet imbroglio. Une ligne que le musicien n'hésite pas à franchir. Le nom du célèbre mégalomane Kanye West surgit encore et encore dans la conversation : “Je me sens toujours plus audacieux après avoir écouté un de ses albums.” Si le gospel de Jesus is King en a laissé beaucoup sur leur faim, le Breton a adoré l’opus : “J'aimerais bien être le fils illégitime de Nina Simone et de Kanye West”, sourit-il. Comme le producteur américain, Victor Solf n'a jamais eu peur des grands écarts musicaux, de la soul à l'électro en passant par le rap… on se souvient du titre On & On, en collaboration avec le Belge Roméo Elvis. Après une formation classique, Victor Solf s’abandonne finalement au blues, son professeur de piano un peu fantaisiste lui enseigne les rudiments de l'improvisation.

 

2. Le piano comme journal intime  

 

Février 2019, le Zénith de Paris vibre une dernière fois pour les mélodies de Her. Après un unique album suivi d'une tournée, il est temps pour Victor Solf de poursuivre sa route en solitaire. Quelques mois plus tard il présente un premier single, Traffic Lights, morceau épuré qui débute en simple piano-voix. Les guitares et les basses groovy de Her ont disparu. En réattaquant l'instrument de ses débuts, qu’il ne maîtrise toujours pas, le musicien sort de sa zone de confort. Sans hésiter, l’artiste contacte alors quelques pianistes de renom tels que Chilly Gonzales ou Yann Tiersen. C’est finalement avec Guillaume Ferran du groupe Griefjoy, “son véritable coup de coeur musical”, que le travail commence.

 

Ce premier EP délicat est certainement son oeuvre la plus intime. Pourquoi ? La case “studio” a été littéralement abandonnée dans le processus de création d'Aftermath : “Avec Guillaume Ferran et les mixeurs, nous avons enregistré l’intégralité des morceaux dans mon propre appartement”, explique-t-il. Le chanteur, qui rêvait autrefois de devenir psychologue, écrit ses morceaux en s’inspirant de sujets très personnels. Et dans l'intimité, le masque tombe, et les peurs apparaissent : “Je ne peux plus me cacher derrière qui que ce soit pour prendre des décisions importantes. Finalement, malgré l’appréhension, c’est agréable d’être dans le contrôle.”

 

3. Retour vers le présent

 

Malgré la très forte influence de la soul des années 60, que l’on entend jusque dans la voix fluette du chanteur, Aftermath est un disque résolument moderne. Afin de dépoussiérer l’image de dandy qui lui collait à la peau, Victor Solf fait appel au graphiste Rægular— Samuel Lamidey de son vrai nom, à qui l’on doit la pochette de l’album Cyborg (2016) de Nekfeu, et qui a également collaboré avec Alpha Wann pour Alph Lauren vol. I & II

 

Le dialogue entre passé et présent trouve une place centrale dans le nouveau projet du Rennais. Aftermath, “conséquences” ou “séquelles” en français, évoque sans préambule la disparition de Simon Carpentier. Un EP qui puise dans le passé sans pour autant devenir mélancolique: “Aftermath est solaire et positif. The Salt of the Earth [le quatrième titre de l'opus] a été écrit à une époque étrange de ma vie : je savais que j’allais perdre quelqu’un de très proche, et j’apprenais que j’allais devenir papa. Je me suis trouvé bloqué dans un ascenseur émotionnel. C’est tout le thème du refrain et c’est grâce à cela qu’on peut se dire que la vie continue…” 

 

Aftermath [Universal Mucic] de Victor Solf, disponible.