The Last Dinner Party : la débauche splendide du meilleur groupe de rock du moment
Intitulé Prelude to Ecstasy, le premier album de The Last Dinner Party nous propulse dans l’univers fantasque du quintette britannique, entre David Bowie, Kate Bush, George Gershwin et Joan Jett. Leurs morceaux théâtraux aux paroles explicites on déjà séduit Nick Cave et les Rolling Stones. Clairement le meilleur groupe de rock du moment, à voir en concert à Paris ce mardi 20 février 2024.
par Alexis Thibault.
Prelude to Ecstasy, le premier album de The Last Dinner Party attendu le 2 février
Un disque qui débute par un prélude ne peut être qu’un bon disque, n’est-ce pas ? Le premier album de The Last Dinner Party, élégamment intitulé Prelude to Ecstasy, comporte justement… un prélude. Une pièce instrumentale libre qui sert d’introduction à son univers fantasque – voire un peu magique – où la pop baroque croise un glam-rock bienvenu et des robes victoriennes anachroniques. À la fois chics et débraillées, les cinq filles qui composent The Last Dinner Party visent clairement la débauche magnifique. Des cloches, des harpes, des flûtes, des cuivres et des cordes. L’insolence élégante.
Dans leurs morceaux théâtraux aux paroles explicites, mais jamais obscènes, on devine un certain attrait pour la musique classique et le post-grunge. Qu’on se le dise, il y a du Bowie dans ce jeune quintette. Du Kate Bush aussi. Une pincée de Joan Jett, quelques envolées de jazz à la George Gershwin et, pourquoi pas, du Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Disponible depuis le 2 février 2024, Prelude to Ecstasy conviendra aussi bien aux amateurs de pop de chambre qu’aux cinéphiles. Ce premier opus est une perle irrégulière qui révèle des compositions virtuoses et exubérantes où le contraste tient une place de choix. Une invitation à l’ivresse de la fête et aux plaisirs en tout genre…
– Comment décririez-vous votre musique à un enfant de 10 ans ?
– Une expérience pop rock, ça vous convient ?
– Je trouve ça un peu vague…
– Alors la liberté ! Aucune règle ni aucune structure susceptible de nous gêner. Nous jouons, nous explorons, nous faisons du théâtre et laissons échapper toutes nos émotions. Il faut écrire la colère dès l’instant où vous la ressentez.
– La presse évoque aussi “l’art rock” pour qualifier votre musique.
– Nous, nous avons toujours aimé la pop baroque. Je crois que la première fois que nous avons entendu ce terme, c’était pour qualifier les deux premiers albums de Marina and the Diamonds. Ce genre de musique caractérise des sensibilités théâtrales et archaïques associées à une structure pop rock. Des morceaux qui intègrent des séquences instrumentales presque classiques. Quoi qu’il en soit, le rock implique toujours une sorte de théâtralité plus… ludique. C’est ce que nous faisons parce que c’est ce que nous aimons.
Comment The Dinner Party est devenu… The Last Dinner Party
Abigail Morris, Georgia Davies, Lizzie Mayland, Aurora Nishevci et Emily Roberts se sont rencontrées à l’université. Certaines jouissent d’une formation musicale classique, d’autres sont autodidactes. Elles ont traîné longtemps à Londres, dans le quartier bouillonnant de Brixton, avant de monter The Dinner Party, qui évoque tout autant La Grande Bouffe (1973), de Marco Ferreri, qu’un banquet scandaleux de la Rome antique. Problème, en juillet 2020 le saxophoniste américain Kamasi Washington a déjà formé The Dinner Party, un “supergroupe” qui compte dans ses rangs le pianiste Robert Glasper et les compositeurs 9th Wonder et Terrace Martin – l’un des architectes du chef-d’œuvre To Pimp A Butterfly de Kendrick Lamar. The Dinner Party doit donc devenir The Last Dinner Party.
Il y a près de huit mois, on découvre le quintette grâce au titre Nothing Matters. Le ton est donné. The Last Dinner Party sera certainement le groupe le plus important de ces dix prochaines années. Pourtant, les filles avaient opté pour le morceau Burn Alive en guise de carte de visite. Mais Nothing Matters s’avère être une chanson “vraiment forte avec une approche extatique et maximaliste de la musique.”
– En quoi votre musique est-elle différente de celle des autres ?
– Parfois elle ressemble intentionnellement à celle des autres, vous savez. Nous commençons à écrire quelque chose puis, soudain, l’une de nous s’écrie : “Oh, j’ai découvert cette chanson l’autre jour. Incorporons cela ou cela à notre morceau.” Notre musique devient alors une sorte de collage sans que cela ne s’apparente à de la copie.
Un groupe qui a déjà séduit les plus grands artistes
La presse n’est pas avare de superlatifs pour qualifier The Last Dinner Party. On parle d’un groupe qui fait “sensation” outre-Manche et fera bientôt salle comble en France aussi. D’autant qu’il vient de remporter le BBC Sound of… 2024, un prix remis chaque année par des critiques de musique et des cadors de l’industrie pour célébrer l’artiste émergent le plus talentueux du moment. Le groupe s’impose et devance ainsi Olivia Dean, Peggy Gou ou encore Tyla. Il succède par la même occasion à PinkPantheress, Pa Salieu, Celeste où, pour remonter un peu plus loin dans le passé, à 50 Cent (2003), Keane (2004), Corinne Bailey Rae (2006) ou encore Adèle (2008).
Les filles sont douées, très douées. Elles savent parfaitement où elles vont – citant aussi bien le cinéma de Ken Russell que celui de Gregg Araki –, et sont, aussi, très bien entourées. Notamment par l’un des managers de Metallica et, à la production de leur premier disque, par James Ellis Ford, un proche collaborateur de Gorillaz et des Arctic Monkeys. De fil en aiguille, ces filles nostalgiques d’une époque qu’elles n’ont pas connue se retrouvent en première partie de Nick Cave, de Florence + The Machine puis des Rolling Stones… Il n’en fallait pas moins pour qu’une improbable polémique enfle sur les réseaux sociaux : on accuse le groupe d’être un agrégat de “filles de” créé de toutes pièces par un label. Les uns découvrent tout juste le principe de l’industrie musicale en 2023. Les autres disent tout simplement n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Bref, la polémique n’ira pas plus loin.
Prelude to Ecstasy (2024) de The Last Dinner Party, disponible. En concert le 20 février à La Maroquinerie, à Paris.