6 avr 2022

Rencontre avec Violet Chachki, chanteuse, drag queen et icône de mode flamboyante

L’une des drag queens les plus connues et les plus glamour au monde, l’Américaine Violet Chachki, s’est associée au producteur électro français Lecomte de Brégeot pour un remix officiel de l’inusable tube des années 80 Fade to Grey de Visage. À l’occasion de la sortie d’un clip fantasque et vicieux, tourné avec une caméra d’époque, on a rencontré cette passionnante artiste de 29 ans qui a plus d’une corde à son arc (en-ciel).

propos recueillis par Violaine Schütz.

Introduction par Matthieu Jacquet.

Le nom de Violet Chachki est bien connu des amateurs de mode. Muse ultra glamour de Prada, Miu Miu, Moschino et Jean Paul Gaultier, elle a participé à des campagnes et défilés prestigieux, jusqu’à être la première drag queen à fouler le tapis rouge du célèbre Met Gala aux côtés de l’iconique RuPaul. Outre son statut d’icône de mode, Violet Chachki, 29 ans, a su démontrer d’autres talents à travers des performances de haut vol, mêlant effeuillage burlesque, acrobatie aérienne sur cerceau ainsi que des prestations avec des fouets, moulée dans du latex. 

 

Son style vintage de pin-up un rien fétichiste, caractérisé par ses longs cheveux de jais, ses lèvres rouges, sa taille corsetée à l’extrême et ses stilettos vertigineux, s’inspire ouvertement de Bettie Page et de Dita Von Teese, avec laquelle elle s’est produite à de nombreuses reprises. Mais la drag queen américaine découverte dans la septième saison de l’émission RuPaul’s Drag Race, qu’elle a remportée, a bien d’autres facettes. Chanteuse à ses heures perdues, elle a déjà sorti plusieurs singles très dansants et collaboré avec de nombreux artistes tels qu’Alice Glass et Allie X. Sa dernière aventure ? Un remix kitsch et efficace de l’inusable tube des années 80 Fade to Grey de Visage qu’elle a relifté en compagnie du producteur électronique français Lecomte de Brégeot. 

 

Numéro : Comment ce projet de remix du tube Fade to Grey est-il né ? 

Violet Chachki : La marque de beauté Make Up For Ever est entrée en contact avec moi après avoir entendu l’un de mes morceaux, Mistress Violet. Elle voulait que je crée quelque chose de similaire comme une reprise et un remix de la chanson emblématique Fade to Grey de Visage pour le lancement de leur nouveau fond de teint appelé HD Skin. Je savais alors qu’il fallait que Lecomte de Brégeot, avec qui j’avais déjà travaillé, embarque à nouveau avec moi dans cette aventure.

 

Pourriez-vous nous en dire plus sur le concept de la vidéo, très sexy, qui accompagne ce remix ? 

Cette vidéo a été inspirée par le clip original du titre Fade to Grey ainsi que par les photographes Man Ray et Bob Mizer. JJ Stratford, la réalisatrice du clip, a tout tourné avec des caméras et des équipements authentiques des années 70 et 80. Cela apporte à la vidéo une sensation analogique qui se prête parfaitement au morceau. Nous voulions que ce clip ait l’air surréaliste et qu’il y ait une juxtaposition entre des scènes tournées en couleur et d’autres réalisées dans un camaïeu de gris. La vidéo parle littéralement de « fondu au gris. » De la même manière que nous jouons avec la couleur, nous nous amusons aussi avec le fait que je sois à la fois en drag queen et en non drag. 

Quelles sont les grandes différences entre Jason Dardo (votre vrai nom) et le personnage de drag queen de Violet Chachki ?

Il y a vraiment beaucoup de différences entre Jason et Violet et je suppose que c’est le but de mon travail. N’importe qui peut ressembler à ça. C’est juste des vêtements et du maquillage. Je pense que je suis à un moment de ma carrière où le fait d’être en dehors du moi en drag devient plus important pour moi que la figure de Violet, la superstar du drag. Il est important de montrer la personne derrière le maquillage. Je pense aussi qu’avoir deux personnages plutôt qu’un seul dans ce clip est aussi plus intéressant. Et amusant.

 

Vous reprenez un tube des années années 80. Est-ce une période qui vous inspire particulièrement ?

Bien sûr ! Les années 80 ont été une période si spéciale pour la musique, la mode, la technologie et la sexualité. Je pense qu’elles représentaient l’équilibre parfait en termes d’avancée de la technologie. Aujourd’hui, nous sommes trop avancés technologiquement et cela se reflète dans la musique. Tant de sons des années 80 qui étaient nouveaux à l’époque me semblent encore frais et excitants. Quant à la mode des années 80, elle exerce encore une grande influence sur notre époque. C’est devenu si difficile de proposer quelque chose de vraiment neuf. Les années 80 étaient si futuristes qu’elles semblent fraîches et tout ce qui nous paraît moderne aujourd’hui fait souvent penser à cette période-là.

 

Vous avez déjà sorti plusieurs singles. Comment définiriez-vous votre musique ? Qu’est-ce qui vous influence ?

Je pense que je me cherche encore en tant qu’artiste musicale. Je ne me considère pas vraiment comme une musicienne au sens traditionnel du terme. Mais je sais ce que j’aime une fois que je l’entends. J’aime les sons sombres sur lesquels on peut danser. Je pense aussi que tout artiste qui se respecte va écrire sur ce qu’il connaît et ce qu’il aime. Par exemple avec le morceau Mistress Violet, il s’agit du fétichisme de la féminisation forcée. Utiliser des vêtements pour se glisser dans le personnage de drag est essentiellement une façon de faire revivre la masculinité toxique. C’est un peu comme si les vêtements servaient de thérapie. C’est fascinant pour moi. J’aime que les vêtements et le maquillage puissent détenir ce genre de pouvoir.

Quel rôle ont joué la musique et les musiciens dans votre vie ? 

Mon père est batteur. Il a toujours joué dans des groupes. Avec ma mère, ils ont fait le tour du pays en van dans les années 70. J’ai vu des photos de lui et de son groupe en smokings bleus pailletés. Il a essayé de m’apprendre la batterie mais ça n’a pas marché. Je pense que la musique a toujours été une forme d’évasion. J’ai besoin d’écouter de la musique à fond. Beaucoup d’autres drag queens se fâchent contre moi lors de tournées de groupe parce que je mets ma musique beaucoup trop fort quand je me prépare. La musique peut transformer n’importe quoi en rituel. J’adore écouter Kylie Minogue, Depeche Mode, Ladytron, Eartha Kitt et Róisín Murphy.

 

Vous êtes impliquée dans de nombreux projets mode. Quelle place occupe la mode dans votre univers ?

Je considère le shopping comme une sorte de passe-temps, ce qui est une mauvaise chose. Mais je fais presque toujours mon shopping dans des friperies ou des magasins vintage. C’est beaucoup plus excitant pour moi. Je serai toujours inspirée par une forme humaine exagérée, quelque chose de surréaliste et d’effrayant mais aussi de très glamour.

 

Comment est née votre fascination pour le glamour vintage ? Et l’envie de devenir Violet ?

J’ai toujours aimé les choses du passé. Elles semblent avoir été mieux confectionnées et avec une plus grande intention. Le glamour consistait et consiste toujours à présenter la meilleure version de vous-même, celle qui est la plus séduisante. Le glamour a un pouvoir, et les gens ont vraiment maîtrisé ce pouvoir dans les années 40 et 50. Mon désir de créer un personnage de drag est venu du fait de ne pas voir le type de drags qui m’intéressait localement, dans ma ville natale d’Atlanta. J’ai imaginé que je serais la drag que je voulais voir.

Vous avez récemment porté un total look en latex pour le dernier défilé de Richard Quinn (automne-hiver 2022-2023). Est-ce que l’esthétique SM est un outil de pouvoir pour vous ?

Tout à fait. Je pense qu’il s’agit de trouver de la force dans l’inconfort. Cela peut être très puissant de cette façon, il s’agit aussi de visuels extrêmes qui sont toujours excitants.


Vous êtes l’une des drag queens les plus célèbres du monde. Avez-vous la sensation d’avoir changé les représentations de genre ? 

Oui, en quelque sorte. Je pense qu’il est de plus en plus difficile pour les nouvelles drag queens de vraiment se distinguer. J’ai eu de la chance au niveau du timing. Personne n’avait encore vraiment fait ce que je faisais de la façon dont je l’ai fait.

 

Quel est le cliché le plus véhiculé et le plus erroné qui persiste sur les drag queens ?

Que nous aimons travailler gratuitement.

 

Vous avez beaucoup travaillé avec Dita von Teese. Qu’avez-vous appris à ses côtés ? 

Je pense que Dita est la personne qui fait le plus attention aux détails que je connaisse. Elle est absolument unique. Elle est vraiment dévouée à son art et sait exactement ce qu’elle veut. C’est tellement admirable.


Avant une performance, combien de temps mettez-vous pour vous transformer en Violet ? 

Entre trois et quatre heures. Ça change à chaque fois. Ces jours-ci, j’ai besoin d’une nouvelle tenue et d’une nouvelle perruque pour m’enthousiasmer. Le fait de rechercher constamment de nouvelles façons de me présenter au monde m’aide vraiment à continuer et à me pousser en tant qu’artiste.


Quels sont vos projets ? 

J’ai un podcast et un show sur le web intitulé No Gorge. Et je vais tourner dès le mois de juin avec la drag queen Gottmik. Ensuite, je continuerai à performer, dès juillet, pour défendre mon spectacle solo qui s’appelle A Lot More Me.

 

Le remix de Fade to Grey (1980) de Visage par Violet Chachki et Lecomte de Brégeot est disponible sur toutes les plateformes.