Rencontre avec Gracie Abrams, chanteuse pop adoubée par Billie Eilish et nommée aux Grammy Awards
L’auteure-compositrice-interprète californienne de 24 ans Gracie Abrams, qui a sort cette anéne son premier album, Good Riddance, imagine des chansons mélancoliques pour la génération Z biberonnée à Euphoria. Alors qu’elle est nommée aux Grammy Awards 2024, retour sur notre rencontre, à Paris, avec celle qui compte Billie Eilish et Taylor Swift parmi ses fans.
propos recueillis par Violaine Schütz.
En France, le doux nom de Gracie Abrams est encore peu connu. Pourtant, ses plus grands fans sont célèbres puisque des artistes tels que Taylor Swift (qui a choisi la jeune artiste pour jouer en première partie de sa tournée The Eras Tour), Billie Eilish, Phoebe Bridgers, Lorde et Post Malone la suivent sur Instagram, ne tarissent pas d’éloges sur elle ou la soutiennent publiquement. Olivia Rodrigo a même cité le songwriting de Gracie Abrams (qu’elle a choisi pour assurer ses premières parties) en guise d’influence derrière son tube Drivers Licence (2021), qui comptabilise 488 millions de vues sur Youtube. Gracie Abrams vient même d’être nommée aux Grammy Awards 2024. Il faut dire que la jeune auteure-compositrice-interprète californienne de 24 ans – qui publie de la musique depuis 2019 – a suffisamment de talent et d’authenticité pour marcher sur les pas des reines de la pop intimiste. Celles qui ont su, à l’image de Taylor Swift et Billie Eilish, disséquer les traumas et les doutes de la génération Euphoria. Et rendre compte de cette mélancolie vaporeuse et de cette confusion des sentiments inhérentes à l’adolescence.
Gracie Abrams, nouvelle étoile de la bedroom pop nommée aux Grammy Awards 2024
Le second EP de Gracie Abrams, This Is What It Feels Like (2021) dévoilait en effet une bedroom pop touchante et épurée, semblant être directement inspirée par des événements vécus durant les années adolescentes. On pouvait y découvrir les états d’âme de l’auteure, son anxiété et les affres de l’incommunicabilité à travers des mots qui ne s’excusent pas. « Mes chansons parlent à 110% de choses qui me sont arrivées. Je fais très attention aux détails microscopiques. Je peux écrire un morceau sur une interaction d’une minute avec une personne que je connais à peine« , avoue Gracie Abrams, lorsqu’on la rencontre dans les locaux de sa maison de disques, à Paris.
Même si l’artiste originaire de Los Angeles a pour parents le réalisateur JJ. Abrams (Star Wars, Star Trek, Lost, Alias) et la productrice Katie McGrath, figure du mouvement féministe Time’s Up, elle n’ignore rien des turpitudes de la Gen Z, des amitiés déçues et du sentiment de cœur brisé. L’une de ses ballades s’intitule I Miss You, I’m Sorry (2020), une autre Hard to Sleep (2021) ou encore Painkillers (2021). Et on peut l’entendre chanter, telle une héroïne de teen movie acerbe : « Count all the people who hate me / I don’t know if I’ll be alright » sur le morceau Alright (2021). Quand elle ne fend pas le cœur de l’auditeur avec la formule ironique « I’m happier when I’m sad » sur son titre The Bottom (2021).
Une artiste proche de la maison Chanel
Quelques années seulement après avoir commencé la batterie à l’âge 8 ans, elle commence à composer des chansons douces-amères et vulnérables en puisant directement ses paroles dans son journal intime. La jeune femme proche de la maison Chanel possède d’ailleurs aujourd’hui une multitude de carnets dont certains lui ont été offerts pas ses fans (surnommés les Gracelanders) qui l’attendent devant le bureau de sa maison de disque, le jour de notre interview. « Je les collectionne. Dès que je voyage, j’en achète. Je suis sans arrêt en temps d’écrire, quel que soit l’endroit où je me trouve. Écrire est un geste introspectif spontané très cathartique pour moi. »
Mais une fois les paroles – souvent tristes – de ses chansons écrites, Gracie Abrams ne les retouche plus. « Je pense que ne pas éditer mes textes une fois jetés sur le papier vient de la volonté de témoigner de sentiments les plus honnêtes et purs possibles. Et j’espère que je n’arriverai jamais à ce moment où je réfléchirai trop à mes paroles et à ce que je dévoile de moi parce ce que j’écris est désormais quelque chose de public. D’ailleurs, sur mon prochain album, je suis si explicite, dans les détails et franche que je risque de me fâcher avec certaines personnes qui se reconnaîtront (rires). Je n’y laisse rien à l’imagination, ce qui me rend quelque peu nerveuse… Mais j’ai quand même hâte que les autres l’entendent. Vous me connaîtrez bien mieux après avoir entendu ce disque. »
En février dernier, Gracie Abrams sortait un premier album, Good Riddance qui prenait par moments une tournure plus rock. La chanteuse revendique cependant fièrement l’étiquette de « bedroom pop » car elle compose toujours au piano ou à la guitare dans cette pièce de la maison à l’aura particulière. Et qu’elle écrit littéralement ses paroles allongée ou assise sur son lit. Quand on demande à la songwriteuse ce qui la nourrit, en dehors des expériences de vie – elle avoue avoir craqué pour le dernier album du musicien indie rock DIY Alex G, écouté ces derniers temps beaucoup de musique classique et rêver de collaborer avec la formation d’électronique psychédélique Tame Impala. Mais ses influences musicales restent les mêmes depuis des années.
Kate Bush, James Blake et Radiohead en influences
Gracie Abrams aime le groupe Simon & Garfunkel, Elvis Costello, Bon Iver, Radiohead, Elliott Smith, la fée Kate Bush ou encore James Blake. Elle ajoute : « J‘ai travaillé sur mon album Good Riddance avec Aaron Dessner du groupe de rock indépendant américain The National. Et c’est avec lui que j’ai fait le morceau Difficult, qui vient de sortir. C’était un rêve pour moi car j’aime sa musique depuis une décennie maintenant. J’ai commencé à écouter The National à l’âge de 12 ans. On a déjà enregistré des morceaux ensemble pour mon dernier album, dont certains dans la forêt. Mais il est devenu aujourd’hui l’une des personnes les plus importantes de ma vie. Il connaît l’intérieur de mon cerveau mieux que moi-même.«
Mais la jeune artiste au visage de poupée a beau aimer les « vielles choses » et aduler la prêtresse folk Joni Mitchell (son idole absolue dont elle possède toutes les biographies et dont elle a encadré les photos dans sa chambre), elle reste une jeune femme de son temps. Très sensible aux questions de santé mentale (elle avoue voir un thérapeute) et à ce qui passe dans le monde, elle fait partie des personnalités (avec Clairo, Lorde et Olivia Rodrigo) ayant signé une pétition publiée dans le New York Times en mai dernier dénonçant la décision de la Cour suprême américaine laissant les États libres d’interdire l’IVG (l’arrêt Roe vs. Wade). Et en juillet 2022, elle sortait des t-shirts en édition limitée dont les bénéfices étaient destinés à l’association américaine National Network of Abortion Funds, œuvrant pour accroître l’accès à l’avortement chez les personnes démunies. Car pour Gracie Abrams, plus encore que dire ce qu’elle a sur le cœur, l’art et la notoriété servent à aider ceux qui sont moins bien nés qu’elle et à rendre le monde un peu plus doux… à l’image d’un couplet de « pop de chambre ».
Good Riddance (2023) de Gracie Abrams, disponible.