Qui est Nilüfer Yanya, la rockeuse anglaise aux allures de diva du R’n’B?
À seulement 26 ans, la chanteuse londonienne d’origine turco-irlando-barbadienne Nilüfer Yanya a déjà l’étoffe d’une pop star. Entre les refrains attendrissants de Thom Yorke, la sensibilité d’Elliott Smith et les riffs pleins de reverb de My Bloody Valentine, elle a séduit un public éclectique, notamment sur la scène du Trabendo à Paris le 20 mars dernier.
Par Chloé Sarraméa.
Sur la scène du Trabendo à Paris, une petite aux longs cheveux bouclés brandit sa guitare électrique. Fière comme un bébé agite son nouveau hochet, Nilüfer Yanya, une jeune anglaise, défend le 20 mars son denier album Painless devant des citadins qui, bien qu’atones, jouent des coudes pour être aux premières loges de ce concert aux allures d’éclosion d’une rock star. Sa Fender bleue nuit en main, presque cachée par le manche, la jeune femme entonne le refrain de sa chanson phare, la favorite des cœurs brisés : “Cause’ I’m not waiting for no one to save me“ (“Parce que je n’attends pas que quiconque me sauve”). Mais il n’est pas question, ce soir-là, d’une prestation pour midinettes en tee shirt de merch. Le public est ici pour écouter des riffs, des vrais, ceux dont la saturation vous file la chair de poule. Ceux qui rappellent My Bloody Valentine.
À 26 ans tout juste, celle qui a appris le piano à 6 ans, le violoncelle à 11 – parce que maman l’a gentiment forcée, confie-t-elle – et la guitare à 12, s’est entourée, pour son troisième disque et sans aucun doute le plus abouti, des producteurs et ingénieurs parmi les plus doués, dont Andrew Sarlo, le producteur du groupe de rock indépendant américain Big Thief – dont la chanteuse avoue être une grande fan. Ils ont signé pour elle des mélodies aussi sombres qu’entrainantes, qui bercent et secouent et dont la reverb des guitares vous replongent à l’ère de la toute puissance des groupes de rock-pop-punk-skate type Sum 41. Entre les refrains attendrissants de Thom Yorke, la sensibilité d’Elliott Smith et la voix angélique d’une Rihanna à ses débuts, la chanteuse d’origine turco-irlando-barbadienne fait de ce mélange des ballades cohérentes, toutes entraînantes. Elle tient sans doute ça de sa famille d’artistes où “tout le monde faisait son art à la maison, du piano, au travail textile de [sa] maman en passant par la peinture figurative de [son] papa”.
Originaire d’Istanbul, le père a sans doute transmis à sa fille un certain besoin de soleil, d’évasion, d’ailleurs… Pourtant très ancrée à Londres, où elle a grandi, dans le quartier de Chelsea, et où elle continue de passer ses journée en studio, Nilüfer Yanya rêve de voyage. Presque toujours en maillot de bain, sur la plage, sur son compte Instagram, la jeune femme chante, dans ses titres rock aux airs de tubes R’n’B à quel point le besoin de se sauver – soi-même, c’est important – de l’enfermement des villes. “C’est parfois difficile de se concentrer en étant tout le temps dans un espace urbain. J’ai du mal à le faire… J’ai besoin de place. À Londres, tout est si cher et vous avez toujours l’impression de rater quelque chose, de manquer des opportunités. Finalement, la qualité de vie dans n’importe quelle ville est difficile”, souffle-t-elle, extra lucide. En attendant, quand l’envie s’en fait sentir, la grande fan de PJ Harvey plaque tout quelques temps et s’en va enregistrer dans le studio de son oncle quelque part sur une plage. C’est quand même ça, la vie d’artiste.
Painless (2022) [ATO /PIAS] de Nilüfer Yanya, disponible.