Pourquoi le rappeur Young Thug risque la prison à vie

1. Young Thug, la star d’Atlanta qui porte bien son nom

 

Au début des années 2000, dans les rues d’Atlanta, capitale de l’Etat de Géorgie, ceux qui croisent le petit Jeffrey Williams le surnomment déjà Young Thug. Le gosse afro-américain a quitté les bancs de l’école en sixième après avoir cassé le bras de l’un de ses enseignants et, dans la foulée, a été incarcéré pendant quatre ans dans un centre de détention pour mineurs. À sa sortie de prison, Jeffrey Williams retrouve ses dix frères et sœurs, arpente de nouveau les rues de son enfance, et traîne devant les terrasses de restaurants au moment où sa petite amie met au monde son premier enfant. Le rappeur en devenir est l’exemple même de ce que les millenials appellent alors les “thugs” : des hors-la-loi qui s’affranchissent de toutes les règles et fascinent leurs voisins de palier.

 

Filmée par Donald Glover [Childish Gambino] dans sa brillante série Atlanta, la cité emblématique demeure le berceau de plusieurs symboles américains (et pas des moindres) : Martin Luther King, Spike Lee, André 3000 ou… le Coca-Cola. En digne héritier de Lil Wayne, Young Thug s’est imposé dans le rap jusqu’à éclipser ses congénères, mettant fin au règne des tout puissants Kanye West, Drake et autres Eminem. Repéré par le rappeur Gucci Mane après la sortie de sa série de mixtapes I Came From Nothing (“Je pars de rien”) entre 2011 et 2012, Young Thug a depuis bâti un empire. Il s’impose dans le monde du rap avec des morceaux mélodieux, oscille entre rap et chant et présente un style détonant : l’artiste s’amuse avec ses cordes vocales, marmonne presque toujours et scande des “Jeffrey” aigus qui deviendront sa marque de fabrique. En 2013, Young Thug sort son premier single, Stoner, grand succès commercial, puis le célèbre Danny Glover, repris plus tard par la rappeuse plantureuse Nicki Minaj. Son style radical lui vaut très vite la reconnaissance de ses pairs : Travis Scott, Metro Boomin, Kanye West veulent absolument collaborer avec lui. 

2. Une affaire qui secoue le monde du hip-hop ?

 

Un belle initiative. Le 25 avril 2021 se rend, en compagnie du rappeur Gunna, dans le centre pénitentiaire d’Atlanta. Bouleversé par le sort de dizaines d’Afro-américains, il décide de payer la caution de ceux qui sont incarcérés pour des délits mineurs. Après que les détenus aient été remis en liberté, les deux rappeurs assistent à des retrouvailles émouvantes avec leurs familles et les images servent finalement  d’illustration au clip Paid The Fine. Mais un an plus tard, c’est finalement Young Thug lui-même qui se retrouve poursuivi par la justice. Et difficile de se défendre sérieusement devant les tribunaux lorsque l’on porte un tel pseudonyme…

 

Au mois de mai 2022, le rappeur a été inculpé par un grand jury de l’Etat de Géorgie pour son appartenance présumée à une branche des Bloods, un gang rival des Crips, fondé au début des années 70 en Californie, et identifié par la couleur rouge portée par ses membres, notamment les maillots de basket-ball des Chicago Bulls. Cette division des Bloods porterait le nom de Young Slime Life résumée par le sigle YSL. Mais l’abréviation est identique à celle du label de Young Thug : Young Stoner Life Records, fondé en 2016. Le trentenaire est accusé d’appartenir à une organisation criminelle d’envergure et par extension de meurtre, de trafic de stupéfiants, chantage et vols de voiture avec violence… Au total, quatorze protagonistes sont jugés pour association de malfaiteurs en vue d’extorsions de fonds. Young Thug, quant à lui, est jugé pour association de malfaiteurs et participation aux activités criminelles d’un gang de rue.

3. Le “plea deal” américain ou la prison à perpétuité.

 

Tandis que le procès a débuté le lundi 2 janvier 2023, la plupart des accusés ont opté pour une négociation – le plea bargaining –, aveu de culpabilité précédé d’un marchandage sur la peine encourue. Une procédure de jugement américaine simplifiée qui permet d’éviter un procès par le biais d’une transaction. Il convenait pour eux de reconnaître que Young Slime Life – et par extension Young Stoner Life Records – était bel et bien une organisation criminelle camouflée. Parmi eux, le rappeur Gunna, qui se réfugie derrière “la vérité” plutôt que “la coopération”. La moitié des 28 membres de YSL accusés, ont plaidé coupable et accepté de témoigner en échange d’une réduction de peine. Le rappeur Young Thug n’en fait pas partie et encourt quant à lui plus de 50 ans de prison ferme. Il pourrait passer le reste de ses jours derrière les barreaux à l’issue du procès qui devrait durer six mois au minimum. Certains textes du rappeur ont même été utilisés comme des pièces à conviction…