25 nov 2022

Mylène Farmer en 5 obsessions, à l’occasion de la sortie de son nouvel album, L’Emprise

Depuis 2019 et la sortie de son dernier album Désobéissance, Mylène Farmer avait fait de l’ombre son sanctuaire. Mais ce vendredi 25 novembre marquait le grand retour de la chanteuse aux 30 millions d’albums vendus à travers le monde, avec son excellent douzième opus intitulé L’Emprise. Produit par Woodkid, AaRON, Archive, et Moby, ce nouvel album, dans lequel on retrouve le titre Rayon vert (2022), annonce également le retour sur scène de la star prévu pour juin 2023, avec une tournée des stades, intitulée Nevermore, qui comptabilise déjà 550 000 places vendues dont 200 000 en un seul jour. Ces chiffres à faire pâlir sont le résultat d’une carrière fulgurante ponctuée de hits indémodables, de clips mémorables mais surtout d’un mystère comme pierre angulaire. Pour l’occasion, Numéro a tenté de percer les dessous de son succès à travers cinq de ses obsessions.

1. La poésie chez Mylène Farmer

 

“L’horloge … Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit : ‘Souviens-toi’” écrivait Baudelaire dans Les Fleurs du mal en 1857. Plus de deux siècles plus tard, en 1988, Mylène Farmer ouvrait son deuxième album studio, Ainsi soit je… avec ce poème qui sonne comme une douloureuse allégorie du temps qui passe. “C’est un génie, c’est quelqu’un qui me parle. Je le lis depuis très longtemps. C’est un magicien des mots, de la métaphore. C’est quelqu’un qui me touche profondément” révélait la chanteuse à l’antenne de RTL en 2018 à propos du poète. Loin de s’en tenir à une référence, la star nourrit une passion, ancienne pour l’auteur, qui est celui qu’elle a le plus souvent cité dans ses rares interviews. Ses textes imagés ont d’ailleurs l’allures de mystérieux poèmes introspectifs. Obsédée par les beaux mots (ou maux), Mylène Farmer rend souvent hommage à d’autres figures de la littérature tel que Guillaume Apollinaire. Dans le sensuel California (1995), dont le clip a été réalisé par Abel Ferrara, elle déclame suavement “Vienne la nuit et sonne l’heure et moi je meurs”, un vers issu du poème Le Pont Mirabeau (1913).

2. Les vanités chez Mylène Farmer

 

Le texte de Plus grandir (1985) était purement et simplement autobiographique, j’ai très peur de la fuite du temps et en l’occurrence, de vieillir. Cette chanson était un cri, une révolte. Le thème de la mort m’a toujours obnubilée et je crois que cela s’est laissé sentir dans cette chanson” confiait Mylène Farmer au magazine Graffiti en 1989. Cette obsession pour l’inconnu et l’après-vie, résonne comme une ritournelle terrifiante dans toute l’esthétique de la chanteuse. Dans le clip de Je te rends ton amour (1999), dans lequel la star porte une impressionnante robe signée du créateur parisien Olivier Theyskens, la chanteuse s’offre notamment un bain de sang, au milieu d’une chapelle, ce qui vaut  à la vidéo une censure immédiate. En effet, le clip fut interdit à la diffusion sur les chaînes musicales. Mais Mylène Farmer riposte en proposant dans les kiosques à journaux sa version intégrale au profit du Sidaction. Dans le reste de la carrière de Mylène Farmer, il est courant d’apercevoir de nombreuses bagues-têtes de mort aux doigts de l’artiste, notamment lors de son Tour 2009 où le coiffeur John Nollet, lui a notamment confectionné, lors de cette série de concerts, une majestueuse coiffe en forme de crâne, diluée dans ses cheveux. Tout le reste de la scénographie de cette tournée est truffée de vanités. Deux colossales statues sont ainsi inspirées du Transi de René de Chalon (un transi, dans l’art funéraire de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, est une sculpture représentant un mort) du sculpteur Ligier Richier datant de 1545. Une obsession qui lui a valu d’être victime de rumeurs farfelues. On a notamment dit de la chanteuse qu’elle s’endormait tous les soirs dans un cercueil. 

3. La sexualité chez Mylène Farmer

 

Les histoires de fesses, je le confessechante Mylène Farmer dans le morceau Histoires de fesses (2018). Pour la chanteuse, la censure est une notion insupportable. Érotique et loin d’être prolixe, Mylène Farmer a fait du sexe un élément clé de son univers, à la manière de Madonna. Et presque toutes ses vidéos et ses paroles contiennent un double sens. Le titre Pourvu qu’elles soient douces (1988) évoque subtilement l’obsession des hommes pour les fesses, le clip de L’amour n’est rien (2005), un titre issu de son sixième album Avant que l’ombre…, dévoile l’artiste qui se déshabille entièrement et dans la vidéo de Dégénération (2008), la star est l’instigatrice d’une orgie… On peut aussi citer les cris de jouissance présents dans le morceau Sextonik (2008), le clip de Libertine (1986) dans lequel la pudeur n’est pas de la partie ou la vente d’objets sexuels enfermés dans un cercueil.

4. Le trouble du genre chez Mylène Farmer

 

En janvier 1987, Mylène Farmer accorde une interview au magazine Gai Pied dans laquelle on lui demande : Tu es une fille à pédés ? Mylène répond : “Non. J’aime les gens que j’ai envie d’aimer, peu importe leur sexualité. Les homosexuels m’ont toujours porté un grand interêt et de la chaleur.” Cette interview a été réalisée alors que le morceau Sans contrefaçon (1987) venait d’envahir les ondes radiophoniques. Tournant décisif de la carrière de Mylène Farmer, cet hymne élève l’artiste au rang d’idole de toute une génération et d’icône de la communauté LGBTQIA+. “Puisque sans contrefaçon je suis un garçon…” déclame telle d’une voix presque enfantine. Le titre, écrit, en août 1987, en une demi-heure au bord d’une piscine, fait en fait référence à l’enfance de l’artiste durant laquelle elle arborait des cheveux courts “comme un garçon.” Mylène Farmer joue sur l’ambivalence des sexes en montant une poupée de porcelaine asexuée dans le clip réalisé par son complice Laurent Boutonnant. En 2008, Mylène Farmer pose en couverture du magazine Têtu en train de se raser, comme les hommes ont l’habitude de le faire.

5. Le roux incendiaire chez Mylène Farmer

 

Je suis rousse… en haut ! affirme, dans un délicat éclat de rire, Mylène Farmer lors d’une interview pour Canal+ en 1988. Les années de carrière défilent mais une chose perdure : sa flamboyante chevelure couleur flamme, qui n’est pourtant pas sa couleur naturelle. Cette marque de fabrique qui fait partie intégrante de son identité publique a été arborée pour la première fois dans le sulfureux clip Libertine (1986). Ma couleur naturelle est châtain. C’était fade. Je suis devenue rousse quand j’ai commencé à chanter. J’ai d’ailleurs une peau de rousse. Il y a eu une erreur de la nature, j’aurais dû naître rousse” a-t-elle un jour affirmé. Une distinction qui rend encore plus unique et mystique l’artiste puisque cette teinte rare a souvent été associée à la sorcellerie et à l’occulte.

 

« L’Emprise » (2022) de Mylène Farmer, disponible sur toutes les plateformes.