20 mai 2020

Malvina Meinier : leçons d’orgue et clips BDSM

Compositrice, productrice et cheffe d'orchestre… Malvina Meinier multiplie les casquettes. À 31 ans, la musicienne, forte d'une formation classique sur les bancs du Conservatoire, a peu à peu succombé à l'attrait des machines, pour produire une musique à la croisée des genres. Le 19 juin prochain paraîtra son nouvel opus, “CORPUS”, articulé autour de la thématique de la chair. Il vient compléter le disque “ANIMA” sorti en 2019, au sein duquel les nappes “auto-tunées” faisaient écho à une dimension plus spirituelle.

Malvina Meinier © Igor Ramonatxo

En 2019, FKA twigs faisait un retour fracassant sur la scène musicale avec l’excellent Magdalene, un album écorché sur le déchirement amoureux et les conflits internes de la chanteuse – des problèmes de santé ont nécessité l’extraction de tumeurs utérines. La même année, la productrice française Malvina Meinier révélait l’EP Anima : les nappes auto-tunées et les productions digitales faisaient de ce disque un objet froid et presque spirituel. Le 19 juin prochain sort son successeur, Corpus, clôturant un diptyque sur la distinction entre le corps et l’âme. 

 

Des chœurs célestes au coeur de l’expérimental

 

Une chorale de voix éthérées ouvrent le titre Birth, premier extrait de Corpus. Auto-Tune a disparu. Ne reste que la chaleur des voix. L’analogie avec FKA twigs n’est pas anodine, tant le timbre cristallin de Malvina Meinier rappelle celui de son homologue anglaise. Pourtant, l’influence proclamée par la jeune productrice est plutôt Björk, dont l’album Biophilia, paru en 2011, fut l’une des plus grandes inspirations pour l’opus Home de Malvina Meinier, sorti en 2015 et portant sur la thématique de la science. 

 

Signée sur le label Kowtow Records, écurie du producteur électronique Monolithe Noir, Malvina Meinier mêle dans sa musique, le classique à l’électro, dans une volonté de produire des sonorités toujours plus expérimentales. Si les médias ont déjà été tentés de comparer son univers à l’effroyable ambiance de la série Black Mirror, l’analogie ne semble pas tenir debout. En effet, lorsque la série britannique invite parfois des compositeurs tel que le Japonais Ryuichi Sakamoto, l’effet recherché est toujours l’angoisse, le tourment, voire le désespoir. Des émotions que l’on ne retrouve guère dans le travail de Malvina Meinier, plutôt tourné vers une certaine spiritualité.

Une formation classique  

 

Malgré son intérêt profond pour les productions électroniques, la musicienne de 31 ans est en réalité issue du monde classique. Inscrite au Conservatoire dès 6 ans, elle fait ses premiers essais au piano encore plus tôt, vers l’âge de 3 ans. Sur les bancs de l’école, elle s’intéresse également à l’instrument hautement imposant, et célèbre pour son utilisation au sein des liturgies chrétiennes : l’orgue. 

 

Plus tard, au sein du Conservatoire de Saint-Maur-des-Fossés, elle développe ses aptitudes d’analyse et d’écriture de la musique, dans le but de devenir compositrice et cheffe d’orchestre. Au même moment, elle vient à bout de son premier album, The Wise One, paru en 2012. Le disque, qu’elle débute à 19 ans, est un reflet de ses années d’adolescence dans une ambiance minimaliste poussée à l’extrême. Elle compose dans la foulée la bande originale du film Les Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch, pour lequel elle reçoit le prix de la musique originale au festival international du film de Tanger. 

Le mariage de la spiritualité et du BDSM

 

C’est avec son deuxième opus, Home (2015), que la musicienne se laisse séduire par les machines. Le concept-album se déroule à la manière d’un récit de voyage spatial, où l’orgue rencontre des productions électroniques pour un résultat dense, réfléchi et violent. Ce mélange incongru continue de hanter les oeuvres de Malvina Meinier, comme le cristallise le diptyque CORPUS/ANIMA. Corpus, prévu pour le 19 juin, mêle bruits in utero, choeurs cristallins et instruments acoustiques. 

 

La chair et l’âme. Le sacré et le profane. Le ciel et la terre. La dualité est au coeur même du travail de la musicienne, qui se jouent des codes de sa formation au fil de sa carrière. En 2019, elle illustrait le morceau Puberty, extrait d’Anima, avec un clip à l’esthétique BDSM revendiquée. Une vidéo pour laquelle elle laisse carte blanche aux réalisateurs Quentin Keriven et Guillaume Erbs, tout en insistant sur la présence de l’univers sadomasochiste. Une manière de raconter la découverte que fait une femme de sa propre libido, et de la prise de pouvoir qui l’accompagne. Ainsi, la compositrice se transforme en mante religieuse dévorant avidement son partenaire – écho terrifiant aux tourments de l’actrice Garance Marillier dans le film Grave de Julia Ducournau. 

 

CORPUS [Kowtow Records], disponible le 19 juin.