L’incroyable destin de Nabil Harlow, ex-directeur artistique dans la mode devenu chanteur
Ex-directeur artistique de Balmain Hair, Nabil Harlow a sorti en février 2023 son premier EP nommé L’Hérétique. Mêlant sonorités pop et variété française, ce court format renoue avec les premiers amours du Parisien qui depuis son enfance berce dans la musique. Alors qu’il sort un nouveau clip, Numéro l’a rencontré.
propos recueillis par Erwann Chevalier.
portrait par Jean-Baptiste Mondino.
Nabil Harlow, l’ancien coiffeur de star devenu chanteur
Il y a des reconversions surprenantes qui méritent d’être misent en lumière. Après s’être fait un nom dans l’univers de la mode en tant que coiffeur des stars par excellence, Nabil Harlow retrouvait, en ce début d’année, son premier amour : la musique. L’ancien directeur artistique de la ligne Balmain Hair prouve qu’on peut arriver à changer de voie si l’on brûle de passion pour un art. En effet, dorénavant auteur, compositeur et interprète à plein temps, le Parisien a dévoilé le vendredi 3 février 2023 son premier EP intitulé L’Hérétique. Un disque de variété française teinté de sonorités pop vivifiantes qui ouvre une nouvelle page de sa carrière. Et en clôture une autre…
Flashback… Parti, à l’âge de 19 ans, à New York, pour améliorer son anglais, Nabil Harlow devient l’assistant du célèbre coiffeur américain Orlando Pita. Une première activité déterminante qui donne lieu à des rencontres avec les plus grands noms de la profession aux quatre coins du monde. Proche du photographe Jean-Baptiste Mondino — qui le photographie pour Numéro — et de célébrités telles que Kendall Jenner, Milla Jovovich ou Kim Kardashian (côtoyées durant ses années chez Balmain Hair)… Il devient, très vite, un élément indispensable des défilés et des éditos publiés dans les magazines de mode. Mais Nabil Harlow ne s’éloigne pas pour autant de la musique.
Cette passion brûlante qu’il cultive in petto depuis ses 6 ans, l’année de sa première leçon de piano au conservatoire, s’embrase en février 2022 avec la sortie de son entêtant premier titre nommé Hôtel Paris. Ce morceau qui évoque l’aspect morose d’une vie bercée par le luxe sera suivi par C’est pas vrai (2022), et l’engagé Le Garçon du Quartier (2023). Accompagnés de clips à l’esthétique léchée dans lesquels il convie un beau casting – telle la mannequin Coco Rocha et l’actrice franco-algérienne Lyna Khoudri, ses muses –, ses morceaux façonnent les contours de son univers influencé par les films des années 1940.
Aujourd’hui, Nabil Harlow dévoile un duo avec la mannequin et actrice française Noémie Lenoir. À deux, ils unissent leurs voix sur le morceau intitulé J’aurais aimé. Un titre qui dépeint la passion amicale et l’amour inconditionnel parfois destructeur. Amis à la vie comme à la scène depuis plus de 15 ans, les deux artistes mêlent leur univers dans un clip romanesque tiré de Jane Austen. Nabil Harlow se confie à Numéro sur son premier EP, ses inspirations, la naissance de sa passion pour la musique et sur sa carrière de coiffeur star.
Interview de Nabil Harlow, le directeur artistique de Balmain Hair devenu chanteur pop
Numéro : Pourquoi avoir nommé votre EP L’Hérétique ?
Nabil Harlow : Lorsqu’on est différent, on est accusé d’hérésie. Je suis d’origine maghrébine, et même si je suis né en France, j’ai très souvent éprouvé le sentiment de ne pas être à ma place. Je n’étais pas représenté, ne serait-ce que dans la religion. Ce n’est pas parce qu’un homme est d’origine maghrébine et barbu qu’il est dangereux. J’aime prendre l’exemple de Jeanne D’Arc qui, à l’époque, a été brûlée vive pour hérésie. Ensuite, elle a été encensée jusqu’à devenir une icône. Cela montre à quel point le temps est important pour comprendre les personnes et leurs combats.
Ce EP est-il cathartique ?
Je ne sais pas s’il est cathartique mais en tout cas, il me ressemble. Je chante ce que j’ai vécu, comme un exercice de vérité.
Votre chanson Le Garçon du Quartier parle d’une relation entre deux hommes…
Ce titre existe dans une envie de représentation. Bien souvent, les personnes représentées pour la sexualité ou pour leur religion sont assez cliché alors que chacun peut être touché par ce genre de sujets.
Quelles sont vos inspirations ?
Le cinéma. Je suis un grand fan des films hollywoodiens des années 30 et 40, incarnés par des acteurs et actrices comme Joan Crawford, Jean Harlow, Vivien Leigh, Marlon Brando… L’image est associée à la musique. Quand je construis l’ADN d’un morceau, il a aussi une identité visuelle. Tout cela vient probablement de ma carrière précédente, et des années durant lesquelles j’étais immergé dans la mode et la direction artistique. L’image fait autant naître d’émotions chez moi que la musique.
On voit Coco Rocha dans votre premier clip et Lyna Khoudri dans le deuxième…
Coco Rocha m’inspire depuis toujours. Quand j’ai commencé à travailler dans la mode, elle était sur toutes les couvertures des magazines. Je trouve qu’elle représente ma génération. Elle fait partie des femmes qui m’ont habité. J’ai besoin de travailler avec des personnes qui m’inspirent et m’obsèdent — évidemment de manière saine — ce qui me permet poser les bases de mon univers. C’est la même chose pour l’actrice Lyna Khoudri que j’ai vu, pour la première fois, dans The French Dispatch (de Wes Anderson en 2021). Nous nous sommes ensuite rencontrés sur une séance photo pour Prada. J’ai instantanément accroché avec son univers. Elle me fait penser à Isabelle Adjani dans sa manière d’être et de jouer. Quand elle a tourné dans le clip du titre C’est pas vrai, elle n’a eu aucune exigence. J’ai travaillé avec beaucoup d’artistes françaises qui sont dans le contrôle. Mais Lyna se laisse guider.
Vos paroles sont très lyriques, d’où vient cette verve ?
J’ai toujours apprécié la poésie. J’aime jouer avec les mots.
« Un soir avec mon ami, le DJ Kiddy Smile, j’ai pris en main mes rêves et mes envies. Cette discussion m’a donné du courage. » Nabil Harlow
Comment la musique est-elle arrivée dans votre vie ?
Lors de mon année de CP, j’ai rencontré une fille appelée Julie et nous sommes très vite devenus de bons amis. Ses parents sont artistes : sa mère est professeure de piano, son père, saxophoniste, et son beau-père, sculpteur. Chez elle, il y avait des peintures, de l’argile, des instruments… Je me suis retrouvé dans cette maison où la création remplissait l’espace, et j’ai compris que j’avais un rapport très fusionnel avec l’art. C’est avec elle que j’ai découvert le dessin animé Fantasia (1940), dans lequel je découvrais le compositeur russe Tchaïkovski, et Le Roi et l’Oiseau (1952) qui m’a procuré une émotion indélébile. Tout est né en moi à ce moment-là.
Être passé par la coiffure était-il un moyen pour vous de vous chercher en tant qu’artiste ?
Non. C’était un prétexte pour me diriger vers la direction artistique surtout quand j’ai commencé à comprendre comment fonctionnait un studio. J’ai beaucoup travaillé avec le photographe Jean-Baptiste Mondino pour des productions de Numéro avec Babeth Djian. En arrivant en studio avec la casquette de coiffeur, j’avais envie de toucher à tout. J’avais un soucis de contrôle permanent. Je suis ensuite devenu directeur artistique chez Balmain Hair et pendant six ans, j’ai pu, à travers mes campagnes, exercer cela. Aujourd’hui, en tant que chanteur, je réalise tous mes clips. J’ai toujours besoin de tout contrôler.
Quel a été l’élément déclencheur de ce grand saut dans la musique ?
J’ai toujours fait de la musique. J’ai commencé le piano à seulement six ans. Mais à côté de cela, j’étais en échec scolaire. Les conseillers d’orientation m’ont demandé de choisir un métier, sans forcément m’accompagner. Dans les collèges de banlieue, ils veulent juste se débarrasser de vous, en vous envoyant un peu n’importe où sans réellement chercher à savoir qui vous êtes. J’ai choisi la coiffure parce que je suis très manuel. Très tôt, j’ai voulu faire ce métier de la meilleure manière possible. Je me suis instinctivement dirigé vers le monde de la mode. Je suis parti à New York à 19 ans pour assister le coiffeur Orlando Pita, puis tout s’est précipité. Je me suis forgé un œil grâce à des photographes comme Steven Meisel, Jean-Baptiste Mondino… à travers les images que je voyais dans les magazines. J’ai mis la musique de côté, et comme la mode va très vite, on ne se rend pas compte du temps qui passe. C’est lorsque que le confinement a débuté que je me suis retrouvé à l’arrêt pour la première fois. Ce moment de pause m’a permis de réfléchir sur ma vie, ma carrière et ma place dans la mode. Un soir avec mon ami, le DJ Kiddy Smile, j’ai pris en main mes rêves et mes envies. Il m’a donné du courage. Et aujourd’hui, je sors un disque…
L’Hérétique (2023) de Nabil Harlow, disponible.