Cherise, la chanteuse londonienne qui propose une soul 2.0

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Il y a quelques mois, à Paris, Cherise Adams-Burnett se lance un défi périlleux pour présenter Calling, son premier album : un live solo acoustique au beau milieu de l’échoppe d’un disquaire. Et la fillette turbulente qui multiplie les va-et-vient entre les bacs pendant sa prestation n’y fera rien, la chanteuse anglaise reste imperturbable. Son public aussi. Car la demi-douzaine de titres que Cherise interprète en guitare-voix ce soir-là surprend tout le monde. Sa technique vocale est folle. Après avoir collaboré avec Gregory Porter, Jamie Cullum ou Michael Kiwanuka, la jeune femme démontre qu’elle peut tout à fait avancer seule. Certains la connaissaient déjà comme chanteuse de jazz irréprochable, désormais c’est une “new black soul” 

qu’elle défend sur scène.

 

La chanteuse Cherise s’émancipe avec Calling, un excellent premier album

 

Autrefois, Cherise chantait les mots des autres. Sacrée “Chanteuse de jazz de l’année” aux Parliamentary Jazz Awards de 2019, la Britannique laisse enfin libre cours à son imagination et compose.

– Pourquoi aviez-vous si peur d’écrire vos propres morceaux  ?

– Ce n’était pas de la crainte. Au bout d’un moment, on ne se demande plus si on apprécie un morceau… mais si Spotify va l’aimer. Vos sélections musicales deviennent une stratégie commerciale. Pour autant, je n’ai jamais eu l’impression de trahir ma musique avec ces choix éditoriaux. Depuis février 2020, j’ai mon propre manager. Il me protège et m’aide à comprendre tout ce jargon administratif qui enrobe la musique. C’est en partie grâce à lui que j’ai pu composer mon second EP, Paradise (2021). C’est avec ce disque que j’ai compris quel genre musical je souhaitais défendre.

Comme la plupart de ses homologues, Cherise n’apprécie pas vraiment les comparaisons paresseuses de journalistes. Hors de question d’évoquer une quelconque ressemblance avec Amy Winehouse, quand bien même la progression d’accords du morceau 2 Steppin’ rappelle le Brother de l’album Frank (2003). Les références de Cherise semblent claires. Au cours de notre discussion elle citera Louis Armstrong, Anita Baker, Prince, Daniel Caesar, Lucky Daye ou le groupe de neo-soul américain Moonchild. 

La “new black soul music” de Cherise 

 

Perdue quelque part entre le R’n’B, le funk, le jazz et la soul pure, Cherise avait déjà fait succomber la critique avec son EP Paradise en 2020… En juillet 2023, elle célèbre donc son héritage caribéen avec Calling, un disque de douze titres en hommage à ses grands-parents. La chanteuse débute souvent ses compositions en improvisant des lignes de basses. Elle les chantonne. Et si elle devait décrire sa musique, elle se contenterait d’une couleur. Un bleu ciel. Le bleu des rivières. Le favori de sa grand-mère qui apparaît désormais un peu partout, et surtout sur ses guitares. Fille d’une politicienne, la musicienne a conscience d’évoluer dans un monde d’hommes et se promet de ne jamais esquiver une question délicate. La native de Luton établie aujourd’hui dans le South East London a compris quelque chose : pour réussir, elle doit enfiler le costume d’une femme d’affaires…

– Qu’est-ce que la New black soul music que vous défendez ?

– L’industrie musicale marchande l’art… et rarement dans l’interêt des artistes. Dans ce milieu, des femmes noires qui mènent une longue carrière, il n’y en a pas beaucoup.  Ce que j’apelle New Black Soul Music se rapporte à cette jeunesse noire en recherche de validation permanente d’elle-même et de son héritage. Tout est affaire de revendication. Aujourd’hui, notre musique soul a une fonction plus expérimentale. Arrêtons de nous copier les uns les autres et répondons simplement à ces questions. “Que signifie être Noir ? Que signifie faire de la soul ?”.

 

Calling (2023) de Cherise, disponible.