7 reprises inattendues, de Gerard Depardieu à Frank Ocean
Alors qu’on ne demanderait jamais à un violoniste classique de ne jouer que ses propres compositions, il est souvent attendu des grands chanteurs qu’ils ne jouent que des créations originales. Réservées aux amateurs, les reprises sont plus associées aux Enfoirés qu’aux musiciens talentueux. Pourtant, entre hommage et réinterprétation, de nombreux artistes reconnus se sont lancés dans des reprises réussies, parfois très éloignées de leurs répertoires originels, donnant ainsi naissance à de nouvelles œuvres hybrides. De Gérard Depardieu à Frank Ocean, focus sur 7 reprises aussi surprenantes que réussies.
Par Camille Moulin.
1. Gerard Depardieu chante Barbara
Derrière sa carrure imposante, Gérard Depardieu nous cache une voix mélodieuse et caressante. Son timbre grave reprend les chansons intimes de la chanteuse décédée sur l’album sobrement baptisé, Gérard Depardieu chante Barbara murmurant puis criant ces paroles que l’acteur incarne de toute son ardeur. Peu après Le Dernier Métro, de François Truffaut (1980), Gérard Depardieu rencontre Barbara. Entre eux se noue une amitié profonde et durable et la chanteuse l’invite à jouer avec elle dans Lily Passion, un spectacle entre concert et théâtre, qu’elle écrit et compose depuis 1982. En 1986, de janvier à mai, de Paris à Rome, les deux artistes se produisent et racontent l’histoire d’une chanteuse qui, un soir, rencontre un assassin. Vingt ans après la mort de Barbara en 1997, Gérard Depardieu lui rendait hommage dans son album Gérard Depardieu chante Barbara (2016), accompagné au piano par Gérard Daguerre, lui-même pianiste de la chanteuse pendant plus de quinze ans.
2. Take Six et Les moulins de mon coeur, de Michel Legrand
Sextet de gospel américain formé en 1985, le groupe Take Six métamorphose chaque chanson en une succession d’harmonies puissantes et fortes de leurs six voix. En s’attaquant aux Moulins de mon coeur de Michel Legrand, tirée de la bande originale du film L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison (1968), le groupe fait de cette chanson mélancolique et traînante un titre à la fois funk et jazz, explosant dans une harmonie complexe et joyeuse.
3. Stevie Wonder et We can work it out, des Beatles
En 1965, Paul McCartney et John Lennon composent We can work it out, et chantent le désespoir d’un amant assistant, désolé, à la fin d’une belle histoire. Presque désinvolte dans son interprétation originale, ce titre accède à une toute autre énergie dans la bouche de Stevie Wonder. Piste du premier album qu’il produit lui-même Signed, Sealed, Delivered en 1970, le chanteur américain semble conférer à ces paroles affligées toute la force d’un jeune amant passionné, accompagné par les synthés résolument funk transcendés par Stevie Wonder.
4. Antony and the Johnsons et Knockin’ on Heaven’s Door de Bob Dylan
Chanteuse à la voix unique, Anohni Hegarty, leader du groupe de folk psychédélique Antony and the Johnsons, interprète chaque chanson de sa voix unique à la fois vibrante et bouleversante. Pour le biopic consacrée à la vie de Bob Dylan, I’m Not There, de Todd Haynes (2007), la chanteuse réinterprétait la célèbre chanson Knockin’ on Heaven’s Door, composée en 1973 et soulignée par sa voix sombre.
5. Tame Impala et That's All For Everyone de Fleetwood Mac
En 2012 paraissait l’album Just Tell Me That You Want Me: A Tribute to Fleetwood Mac (2012). De MGMT à Lykke Li, 19 musiciens rendaient hommage au groupe de rock des années 70. Dans une pop psychédélique, le groupe australien Tame Impala reprenait That's All For Everyone, composé en 1979 par le guitariste et chanteur du groupe, Lindsey Buckingham, pour l’album Tusk.
6. Rosemary Standley et Wild is the Wind de Nina Simone
Sur son album A Queen of Hearts, Rosemary Standley (la chanteuse du groupe Moriarty), livre un précieux songbook, composé uniquement de reprises, et chante Alain Bashung aux côtés de Carlos d’Alessio, en passant par Georges Gerschwin. Suivant les pas de David Bowie, la chanteuse franco-américaine réinterprète Wild is the Wind, entendue pour la première fois en 1957 dans le film du même nom, puis reprise deux ans plus tard par Nina Simone. Profondément jazz, la chanson initiale est métamorphosée par cette voix folk simplement accompagnée par le pianiste Sylvain Griotto, dont les arpèges mélodieux font presque trembler les murs.
7. Frank Ocean et Moon River d’Audrey Hepburn
Récompensée de l’Oscar de la meilleure chanson originale en 1962, Moon River chantée par Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé (1961), est sans doute l’une des chansons les plus connues du cinéma, aux côtés de Que Sera, Sera de L’homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock (1956) ou du Tourbillon dans le Jules et Jim de François Truffaut (1962). En 2018, le rappeur et chanteur Frank Ocean reprend ce titre iconique, s’éloignant grandement de son registre mêlant hip hop et R’n’B. Entre autothune et synthétiseur, le chanteur américain le projette ainsi dans une dimension jusqu’ici inimaginable.