23 mar 2022

3 things to know about Rosalía’s new album Motomami

La passionnante et lyrique chanteuse espagnole de 30 ans donnera ce soir, au festival Lollapalooza, à Paris, le dernier concert de son « Motomami World Tour ». L’occasion de revenir sur son dernier album, Motomami, sorti en mars 2022 et déjà culte, qui mélange les genres, les nationalités et les espace-temps pour mieux imposer un style unique et envoûtant. Retour sur les coulisses et les influences de cette œuvre pop mutante, audacieuse et majeure qui doit autant au flamenco qu’au reggaeton. 

1 – Motomami de Rosalía, un album enfanté dans l’incertitude

 

Après un deuxième album ambitieux, épique et romantique, El mal querer (2018), qui a rencontré un succès critique et commercial phénoménal, Rosalía était attendue au tournant. L’avant-gardiste Espagnole qui fusionne la musique flamenco (qu’elle a appris en autodidacte) et la pop moderne allait-elle renier les mélanges audacieux qui l’ont fait connaître pour se réinventer ? Et comment pouvait-elle encore innover après être allée aussi loin dans une proposition, musicale et visuelle, aussi aventureuse ?

 

Pour se hisser à la hauteur de ses précédentes chansons et d’un univers fait de collages fascinants, Rosalía aura passé deux ans à enregistrer (en grande partie) à Los Angeles son troisième disque, Motomami, tandis que la phase de mixage a demandé plus de neuf mois. Pendant les différents confinements, l’auteure-compositrice a souffert du syndrome de la page blanche et tenté de débloquer ses difficultés à trouver l’inspiration en retrouvant Frank Ocean dans un studio new-yorkais. Elle a aussi fait appel aux producteurs cultes The Neptunes (Pharrell Williams et Chad Hugo) pour travailler sur ses chansons. Ce qui, à l’écoute du résultat final, semble avoir été une riche idée.

2 – Des thèmes très personnels, entre sexualité et féminisme

 

Abordant des sujets intimes et profonds comme la sexualité, le féminisme, le chagrin, le changement, la spiritualité, le respect de soi ou encore l’isolement, Motomami est d’après la chanteuse espagnole de 30 ans son album le plus personnel à ce jour. Lors d’une interview donnée à Apple Music 1, Rosalía décrit ce disque comme un album-concept en forme d’autoportrait. Celle qui a collaboré avec Billie Eilish et The Weeknd (sur le morceau La Fama présent sur ce nouvel opus) a choisi le titre Motomami (« meuf-moto » en français) parce qu’il est formé de deux mots aux énergies contrastées. Pour l’artiste, l’album explore en effet deux facettes bien distinctes de sa personnalité. Moto évoque le côté expérimental, rutilant et frictionnel de l’Espagnole tandis que Mami retranscrit sa facette plus authentique, solennelle et vulnérable. Une façon de dire que Rosalía est une sorte de femme et d’artiste totale encapsulant toutes les obsessions de sa génération.

 

Mais le nom de l’album rend aussi hommage à la mère de la Barcelonaise, Pilar Tobella, une sorte de Kris Jenner catalane qui dirige une société représentant des artistes appelée Motomami S.L.. Lors de l’écriture du disque, Rosalía, qui se compare au tailleur et roi de la contrefaçon new-yorkais Dapper Dan pour sa façon de tout remixer, a aussi été influencée par d’autres personnalités fortes. Elle cite volontiers, parmi les muses électriques qui ont nourri Motomami, le chanteur de salsa Héctor Lavoe, Nina Simone, Patti Smith, Bach, Michèle Lamy, Andreï Tarkovski et Pedro Almodóvar. Ce dernier avait d’ailleurs fait jouer celle qui réinvente le flamenco dans son film Douleur et Gloire (2019).

3 – Un mélange des genres décomplexé

 

Dans une interview accordée au New York Times, Rosalía dit vouloir entendre des sonorités qu’elle n’a jamais entendues auparavant quand elle imagine un nouvel album. C’est ce qui semble l’avoir animée tout au long de la création de l’imprévisible Motomami. L’artiste – accompagnée par ses différents producteurs – y croise plusieurs genres musicaux comme la pop, le flamenco, le hip-hop, l’indus, l’électro, la champeta (style musical colombien issu des communautés afro-descendantes des quartiers marginaux de Carthagène des Indes), la bachata (musique dansante originaire de République dominicaine), le jazz et surtout le reggaeton.

 

Comme un retour aux sources, la chanteuse s’est beaucoup inspirée de la musique latine sur laquelle elle a dansé avec ses cousins ​​durant son enfance. Mais elle lorgne aussi du côté du Japon (l’un de ses nouveaux morceaux se nomme Chicken Teriyaki) et des pays anglo-saxons pour élaborer une esthétique mutante qui doit autant au passé qu’au futur. Elle sait également passer, d’un revers d’ongle-griffe, d’un registre ludique à une atmosphère plus mélancolique. Plus impressionnant encore, l’auteure-compositrice ne cède jamais à la facilité et innerve tous ses titres de trouvailles sonores expérimentales… Sans renoncer à l’art de la mélodie accrocheuse. Une gageure – défendue ardemment lors du rutilant « Motomami World Tour » – qui achève d’installer la Catalane en petite sœur intrépide d’artistes visionnaires tels que Björk, M.I.A. et Madonna.

 

Motomami (2022) de Rosalía, disponible.  La chanteuse est la tête d’affiche du festival Lollapalooza, à Paris, ce samedi 22 juillet 2023.