Mostra de Venise 2023 : Sofia Coppola raconte la vie de Priscilla Presley dans un biopic poignant
La réalisatrice américaine Sofia Coppola a présenté à la Mostra de Venise 2023 son nouveau film intitulé Priscilla. Adapté des mémoires de Priscilla Presley (co-productrice du long-métrage) sorties en 1985 sous le titre Elvis and Me, ce film illustre une part sombre d’Elvis Presley. Numéro livre ses premières impressions sur ce long-métrage très attendu.
par Olivier Joyard.
Sur le tapis rouge de la Mostra de Venise, puis dans la “Sala Grande” où avait lieu la projection de gala du film présenté en compétition, Priscilla Presley s’est tenue toute proche de Sofia Coppola, jusqu’à la serrer dans ses bras. L’adaptation de ses mémoires sorties en 1985 sous le titre Elvis and Me l’a émue aux larmes. On la comprend. Une forme de révélation se joue dans ce film tout simple mais d’une force complètement inattendue. La révélation de la vie d’une femme, saisie dans son point de vue intime. Enfin vue, enfin écoutée.
Que vaut le film Priscilla de Sofia Coppola avec Jacob Elordi et Cailee Spaeny, présenté à la Mostra de Venise 2023 ?
Priscilla Presley – coproductrice du film – rencontre le King quand elle a 14 ans. Elle accompagne alors son père et sa mère sur une base militaire américaine en Allemagne et se fait inviter un peu par hasard à une soirée chez celui qui est déjà une énorme star – mais doit tout de même effectuer son service militaire. Le chanteur de dix ans son ainé jette son dévolu sur la très jeune fille, qui trouve une échappatoire inespérée à son ennui ado. Elle passera les années qui suivent à l’aimer et aussi l’attendre, à saisir l’écho de ses infidélités avec Nancy Sinatra ou Ann-Margret, tout en se demandant, c’est la force du film que de ne jamais lâcher cet angle, comment elle pourrait exister autrement qu’à travers lui.
La part sombre d’Elvis Presley vue à travers le regard de Priscilla
Loin d’un biopic fringant ou d’une exploration tout feu tout flamme des sixties, Priscilla est un film chuchoté, très sombre, même si Sofia Coppola sait habilement rendre la vie de son héroïne supportable par la beauté évanescente de ses cadres, comme autant d’écrins qui offrent un espace à elle à cette fille amoureuse d’une idole. Mais la réalisatrice de Lost In Translation n’évite aucun sujet qui fâche, mettant en scène sans ambiguïté la différence d’âge problématique entre les deux, une aberration doublée d’une étrangeté : selon l’intéressée, Elvis Presley a longtemps refusé de toucher Priscilla et de faire l’amour avec elle, pas avant leur mariage en… 1967. Dans le même temps, il la maintenait en quelque sorte prisonnière, lui payant d’abord des allers-retours depuis l’Allemagne, passant un accord avec son père pour qu’elle vienne s’installer à Memphis et y suivre des études, lui demandant de ne pas travailler, lui offrant quelques pilules pour dormir ou rester éveillée, commentant sa garde-robe… Elvis est dépeint ici comme un monstre conjugal, autoritaire et égocentrique.
Cette vie modeste à côté d’une grande vie, Sofia Coppola en saisit la mélancolie et même la violence, d’une façon très personnelle qui rappelle ses meilleurs films et en premier lieu Marie-Antoinette, déjà l’histoire d’une femme maltraitée par son mari malgré le luxe. Le film suit les pas de son héroïne (incarnée par la fantastique Cailee Spaeny) et l’aide à se faire un prénom sans jamais dévier de son point du vue, multipliant les gros plans iconiques sur son visage de plus en plus insondable. Il enregistre finalement sa mue, quand la jeune fille chargée d’admiration pour une star se transforme en femme indépendante et désirante. Une trajectoire déployée avec une finesse rare.
Le film Priscilla (2024) de Sofia Coppola, au cinéma le 17 avril 2024.