Michael Jordan joue les rockstars sur Netflix
En janvier dernier, l'annonce de la mort de Kobe Bryant a terrassé la planète basket. Figure mythique de ce sport, le joueur américain était considéré comme l'un des meilleurs au monde. La place de numéro 1 est, quant à elle, toujours revenue à Michael Jordan, le leader des Chicago Bulls auquel Netflix vient de consacrer une série documentaire, “The Last Dance”, disponible à partir du 20 avril.
Par Chloé Sarraméa.
Le 12 juin 1991, personne n’a aperçu Jack Nicholson dans l’une des mondanités qu’organise le gratin d’Hollywood. Alors qu’il vient d’incarner le Joker dans le Batman de Tim Burton, l’acteur américain a préféré, ce soir-là, assister à un autre genre de cérémonial. Assis sur un banc du Great Western Forum d’Inglewood, il est presque minuit quand, après deux heures et demi d’un spectacle à couper le souffle – fait de dribbles, de dunks et de paniers à trois points –, l’un des acteurs les plus récompensés du cinéma bondit de son siège et saute au cou de Phil Jackson, manquant de faire valser ses éternelles lunettes noires. Cette nuit là, les Chicago Bulls viennent d’entrer dans l’histoire: ils ont battu les Lakers de Los Angeles et fêteront jusqu’au petit matin leur premier titre de NBA, par quatre victoire contre une. Grâce au jeu aérien et décisif d’un certain Michael Jordan, arrivé dans l’équipe en 1984, à l’appui de l’allier de l’équipe, Scottie Pippen et aux stratégies du coach Phil Jackson – devenant plus tard l’entraîneur le plus titré en NBA –, les Bulls ont enterré l’ère Showtime des Lakers (une période caractérisée par un jeu rapide, basé sur l’offensive et aux scores toujours élevés) et les ont fait entrer dans leur période Slow-time.
The Last Dance s’ouvre ainsi, par un déroulé d’archives recensant les images des finales remportées par les Chicago Bulls. D’abord, on assiste à celle de l’été 1991 – où Jack Nicholson, assis du côté des Lakers semble brusquement décidé à changer de camp –, celle de 1992, qui a vu les Trails Blazers de Portland rentrer bredouille, puis l’on est spectateur de la troisième victoire à l’issue d’une finale de NBA l’année suivante, face aux Suns de Phoenix… Et ce, jusqu’en 1998, date à laquelle les Bulls menés par Michael Jordan sont devenus légendaires: face au Jazz de l’Utah, l’équipe remporte son sixième trophée consécutif. Réalisée par Jason Hehir pour la plateforme américaine Netflix, The Last Dance (du nom du dernier match disputé par l’équipe de Chicago avant le départ forcé de son entraîneur) revient sur la dynastie des Chicago Bulls, forte d’un épopée de six années de victoires en NBA, et menée par un joueur new-yorkais, Michael Jordan, devenu l’un des plus grands sportifs de tous les temps et même une marque ultra bankable, dont les baskets cartonnent dans le monde entier.
Les Bulls racontés par les stars
The Last Dance promet un focus. Mieux, un coup de projecteur: sous la forme d’une série documentaire de dix épisodes, le show révèle les secrets d’un homme mû en superstar, Michael Jordan. Aux images d’archives, photos d’époque et interview face caméra des intéressées eux-mêmes (de Dennis Rodman, à Phil Jackson en passant par Scottie Pippen et Michael Jordan), s’ajoutent des témoignages de fans invétérés de l’équipe de Chicago, à savoir Bill Clinton et Barack Obama en personnes. Tous s’accordent sur une chose: plus qu’une équipe, les Bulls ont été un phénomène. Fédérant les foules, l’équipe de la capitale de l’Illinois est même montrée en voyage à Paris à l’automne 97, à la vieille de sa dernière victoire en NBA, disputant un match amical sur le parquet du Palais Omnisports de Bercy face au PSG Racing. Milliers de fans, panoplie de journalistes, photographes qui se bousculent, les Bulls sont accueillis comme des rockstars.
Succédant aux superpositions d’images, des retours en arrière surviennent, ponctuant alors le récit de souvenirs d’enfance des joueurs. Des commentaires des frères de Michael Jordan, des ses parents, mais aussi de ses professeurs de lycée: tous dépeignent le joueur d’1m 98 comme un dernier de la classe, toujours désireux d’être le chouchou de la famille et dont le talent n’irradiait pas ses professeurs. À force de travail acharné, le jeune basketteur – pourtant jugé trop petit à l’époque – s’est hissé en tête de l’équipe de l’Université de Caroline du Nord puis, contre toute attente, à été sélectionné pour rejoindre les rangs des Bulls en 1984. À l’époque, l’équipe de basketball de Chicago est boudée des supporters et, dans The Last Dance, une voix-off précise que le baseball, le football américain et même le futsal rassemblent davantage de spectateurs que les Bulls… C’était sans compter l’arrivée de Michael Jordan et de son éternelle boucle d’oreille dorée dans ses rangs.
The Last Dance, les derniers instants d’un mythe
The Last Dance aurait pû, et de façon très mégalomane, dresser l’unique portrait de son joueur phare, répondant au numéro 23. Mais dès la fin du premier épisode, on comprend tout de suite: l’intrigue ne se place pas uniquement autour du leader des Bulls, et c’est tant mieux. Bien qu’il soit décrit comme l’un des éléments clés des succès à répétition, expliquant ces victoires fulgurantes et marquant la plupart des paniers, le documentaire de Jason Hehir s’attarde plutôt sur l’équipe dans son intégralité. Tensions, jalousies, querelles d’argent, combats d’égos… Derrière son apparence soudée, l'équipe de basketball de Chicago est tiraillée entre les problèmes liés à ses individualités et ses obligations de résultats. D’un côté, l’entraîneur Phil Jackson, remercié par le dirigeant du club, Jerry Krause, avant le début de la saison 1997-98 puis rappelé pour gagner, de l’autre Dennis Rodman, personnage énigmatique aux réactions incontrôlables, mais aussi Scottie Pippen, binôme de Michael Jordan, élément décisif mais toujours relégué au second rang et beaucoup moins bien payé que la star qui l’éclipse… The Last Dance soulève une question: et si, finalement, l'argent et la collectivité avaient tué les Bulls?
The Last Dance (2020) de Jason Hehir, à partir du 20 avril sur Netflix.