Les confessions d’Anaïs Demoustier lors de sa master class au Forum des images
La magnétique actrice française Anaïs Demoustier a tourné dans plus de 50 films (signés Quentin Dupieux, François Ozon, Christophe Honoré) et elle sera à l’affiche du très attendu – et subversif – Le Temps d’aimer, le 29 novembre 2023. En attendant, la comédienne césarisée de 36 ans était le samedi 14 octobre 2023 au Forum des images, à Paris, pour rencontrer ses fans. Pendant près de 2 heures, elle est revenue sur sa carrière impeccable, entre comédies déjantées et films d’auteur poignants. Morceaux choisis.
propos recueillis par Violaine Schütz.
Lors du passionnant cycle « Acteurs, Actrices & Avatars », qui se tient en ce moment et ce, jusqu’au 24 janvier 2024, au Forum des images, à Paris, sont proposés une centaine de films et des rencontres avec de nombreux acteurs. Parmi les moments phares de cet événement, l’actrice française Anaïs Demoustier, à l’affiche du film Le Temps d’aimer le 29 novembre 2023, aux côtés de Vincent Lacoste, a donné près de deux heures de son temps lors d’une master class à la fois drôle et émouvante. Retour sur ses confessions les plus intimes.
Sur les débuts d’Anaïs Demoustier, à 13 ans, aux côtés d’Isabelle Huppert dans Le Temps du loup (2003) de Michael Haneke
« C’était une expérience très heureuse, mais Michael Haneke est un réalisateur qui attend beaucoup des acteurs, et qui attend autant des enfants que des adultes. Il ne nous considérait pas du tout comme des enfants. Il demandait à tous les acteurs de rester en Autriche, dans un bled paumé, et de ne pas rentrer en France durant le tournage. Seule Béatrice Dalle arrivait à fuir. Elle avait créé une complicité avec un régisseur qui l’amenait en cachette à l’aéroport pour qu’elle s’envole pour Paris. Sa doublure la remplaçait parfois. »
Sur son premier Festival de Cannes, encore adolescente
« Je m’en souviens encore très bien et à chaque Festival de Cannes, j’y repense. C’était très joyeux. Avec ma famille, on dormait tous entassés dans une chambre d’hôtel. C’était une manière géniale d’abord le Festival de Cannes, car j’y étais avec les autres jeunes acteurs du film de Michael Haneke, Le Temps du loup, Lucas (Biscombe) et Hakim (Taleb). On faisait des bombes dans la piscine du Majestic, dans le plaisir pur, alors qu’à Cannes, les gens sont hyper coincés et personne ne se baigne. La projection était un moment assez dingue – le film était très controversé donc certains sifflaient et claquaient leurs fauteuils -, tout comme le tapis rouge avec les photographes qui criaient le nom d’Isabelle (Huppert).»
Sur son adolescence passée (en partie) sur les plateaux de cinéma
« J’aimais rester avec mes copines, mener une vie normale (le père d’Anaïs Demoustier travaillait chez Auchan et sa mère était mère au foyer, ndlr). J’adorais ma vie à Villeneuve-d’Ascq. J’avais un peu honte quand le cinéma existait trop dans ma vie scolaire, comme lorsqu’il y avait eu un article sur moi publié dans La Voix du Nord, et qu’il avait été affiché dans ma classe; J’avais envie d’être comme tout le monde, alors ça me gênait un peu. Je me souviens qu’un jour, mes parents et ma sœur m’avaient dit : « Mais allez, débarrasse la table ! » J’étais trop habituée à la cantine sur les tournages… Du coup, c’était un bon retour à la réalité. »
Sur le film qu’Anaïs Demoustier a préféré tourner
« J’ai beaucoup aimé tourner Bird People (2014) de Pascale Ferran. La réalisatrice m’a demandé de faire le ménage pendant une semaine, dans un hôtel, pour pouvoir me rendre compte des véritables gestes qui sont répétés et de leur côté automatique, mécanique. Ca m’a aidée à me rendre compte de la solitude de la femme de chambre. On se retrouve dans un état étrange, presque méditatif en entrant dans une pièce pleine de l’intimité d’une personne. »
La fois où elle a planté une voiture sur le tournage d’un film de François Ozon
« François Ozon s’est inspiré d’un fait divers pour écrire son film Une nouvelle amie (2014). Il parle d’un homme qui a perdu sa femme qui s’est mis à se travestir après son décès, car elle lui manquait. Ozon pousse le vice encore plus loin en me faisant jouer la meilleure amie de sa femme disparue, qui est amoureuse de cet homme qui porte les vêtements de son amie morte. Sur le tournage, je conduis une voiture rouge que j’ai plantée lors d’une scène, au Canada. En fait, François m’avait mis la pression en me menaçant avant le tournage : « Passe ton permis, sinon je prends Léa Seydoux (rires). » J’ai eu le permis en vitesse, mais je ne savais pas faire les manœuvres pour me garer, car j’avais eu la chance de me garer en épi au moment de le passer. «
Sur ses films avec Quentin Dupieux
« Avant de tourner dans un film de Michael Haneke, on tournait, avec mes copines, des fausses pubs et de faux journaux télévisés, et on s’amusait beaucoup. Je mettais mes cheveux sous mes bras et je faisais semblant d’être dans une pub pour des rasoirs. Je retrouve ce plaisir pur lié à l’enfance, ludique et léger, chez Quentin Dupieux, en plus d’adorer ses scénarios très bien écrits et à ses scénarios d’une grande musicalité. J’apprécie aussi le fait de jouer des filles complètement débiles, avec un grain. Ça me change des rôles d’avocate ou de philosophe. Jouer les demeurés, c’est très agréable (rires). Ça repose énormément. »
Le Temps d’aimer de Katell Quillévéré, avec Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste, au cinéma le 29 novembre 2023. Le cycle « Acteurs, Actrices & Avatars » au Forum des images, à Paris, jusqu’au 24 janvier 2024.