Lana Del Rey sort-elle trop d’albums ?
Quelques mois à peine après la sortie de Chemtrails Over The Country Club, la diva mélancolique Lana Del Rey dévoile ce vendredi Blue Banisters, son huitième album. Celui de trop ?
par Violaine Schütz.
On pardonne toujours moins à ceux qu’on a aimés démesurément lorsqu’ils nous déçoivent. Et quand il s’agit d’une artiste dont les disques au spleen entêtant ont accompagné des moments de vie importants, le choc s’avère d’autant plus violent. Quand Lana Del Rey est apparue il y a dix ans dans la lumière avec le clip DIY de Video Games, ce fut le coup de foudre immédiat. Une voix veloutée, un sens de la mélodie rare, un univers mélancolique piochant autant dans l’étrangeté fascinante de David Lynch que dans le glamour suranné du Hollywood des années 50 et 60, tout était là pour ériger la jeune Américaine en icône d’une génération en quête d’esthétiques fortes. Après ça, elle a enchaîné pendant de nombreuses années les tubes de pop baroque et épique et de rock psychédélique inspirés ainsi que les vidéos léchées hypnotiques.
Une année prolifique avec Chemtrails Over The Country Club et Blue Banisters
Sauf que la magie semble aujourd’hui un peu perdue, tout comme son art du mystère qu’elle cultivait à ses débuts. Cette année, Lana Del Rey sort non pas un mais deux albums, Chemtrails Over The Country Club, paru en mars dernier et Blue Banisters, dévoilé ce vendredi, juste après avoir publié un recueil de poésies en 2020. Le problème ? La chanteuse de Summertime Sadness y répète une jolie recette que l’on connaît par cœur : des paroles neurasthéniques sur fond de dream pop, des vidéos intimistes et souvent homemade reprenant les codes de l’Americana [ce qui a trait au folklore et la culture des États-Unis] et de jolies photos d’elle en créature évanescente et sexy au regard ourlé d’eye-liner. Où est donc passée celle qui se surnommait la « Gangsta Nancy Sinatra » et collaborait avec The Weeknd et A$AP Rocky sur des tubes irrésistibles ou qui s’aventurait avec grâce dans d’autres styles musicaux (shoegaze, rap) ?
Et si Lana Del Rey était devenue une caricature d’elle-même
Les titres des morceaux de Blue Banisters semblent tirés d’un générateur d’expressions “delreyesques” : Arcadia, Wildflower Wildfire, Nectar Of the Gods, Living Legend, Dealer, Cherry Blossom, Beautiful ou encore Violet For Roses. Et ces nouvelles chansons donnent l’impression d’avoir été créées par une intelligence artificielle qui aurait intégré tout l’univers de Lana Del Rey. L’artiste a beau toujours murmurer ses mélopées avec une sensualité indéniable, ses gimmicks à la Kate Bush laissent cette fois de marbre. Comme si elle avait composé ses mélodies rapidement et presque machinalement. Sans pression ni remise en question. Sans recherche d’un refrain ou d’un couplet qui capturerait le cœur de l’auditeur pour ne plus le lâcher. Loin des frissons ressentis au temps de Summertime Sadness et Born To Die, Lana Del Rey, dans ses moues boudeuses comme dans ses bluettes, semble être devenue un cliché, presque une caricature. À trop rester dans sa zone de confort, l’artiste apparaît telle une princesse dans sa tour d’ivoire. Le monde peut s’effondrer, l’Américaine continuera de minauder et de chanter le vieil Hollywood, les gangsters plein de remords, les ruptures amoureuses et les jolies filles tristes. Au risque de perdre en route le commun des mortels ?
Blue Banisters (2021) de Lana Del Rey, Polydor/Interscope, disponible.