Hommage à Jane Birkin, chanteuse, actrice, muse et icône de mode éternelle
Muse à l’accent british adulée par les Français, chanteuse mélancolique au timbre gracile, icône de mode, actrice magnétique et grande amoureuse, la Britannique Jane Birkin alias Jane B s’est éteinte à son domicile parisien, à l’âge de 76 ans.
par Violaine Schütz.
Tour à tour femme fatale à l’érotisme fulgurant, baby doll, gamine gracieuse, lolita intrépide, maman attentionnée (de Lou Doillon, Charlotte Gainsbourg et la regrettée Kate Barry), femme engagée – notamment auprès d’Amnesty International, envers les réfugiés et la communauté LGBT – amoureuse transie… La mannequin, chanteuse, actrice et réalisatrice Jane Birkin – qui n’avait jamais perdu son accent british et son air désinvolte – demeure la Britannique préférée des Français. Une artiste magnétique qui savait à la fois être drôle et sensible, tragique et insouciante, émouvante et séductrice…
Ce dimanche 16 juillet, l’artiste s’est éteinte à Paris. Malade depuis des années – un cancer avec récidive, un AVC et d’autres problèmes de santé ont jalonné son existence -, Jane Birkin avait passé beaucoup de temps dans les hôpitaux, ces derniers temps et avait annulé plusieurs concerts. Dans un communiqué de presse, Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon écrivent : « Jane Birkin s’en est allée après 16 ans d’une bataille acharnée contre la maladie, depuis son AVC en septembre 2021, sa famille et le merveilleux personnels soignant ont été à ses côtés nuits et jours. Depuis quelques jours, elle marchait de nouveau, était motivée de reprogrammer son Olympia et avait décidé de reprendre son indépendance. Ce premier soir seule, aura été le dernier. Elle l’avait décidé. »
Jane Birkin, une icône de mode androgyne et en avance sur son temps
Jane Birkin aura été toute sa vie une icône de mode, au point de donner son nom à sac mythiques, signé Hermès. On ne compte plus ses looks inspirants, androgynes – loin des tenues de divas des stars de sa trempe – et modernes, qu’elle a collectionnés dès des années 60 à nos jours. Celle qui ne se trouvait pas jolie, en dépit de sa stupéfiante beauté, ne suivait pas les tendances, elle les créait, avec une nonchalance inouïe.
De nombreuses pièces arborées par la star ont inspiré les podiums des défilés et les filles d’aujourd’hui. On ne se lasse pas de ses crop tops en dentelle, de ses jeans taille haute et flare, de ses robes de poupée, de ses bottes hautes et de ses paniers qu’elle emportait même en soirée dans les années 60 et 70. Plus tard, elle opte pour des looks plus masculains, affectionnant les pantalons Saint Laurent Rive Gauche volontairement trop grands, les Converse, les chemises amples, les tee-shirts blancs parfaitement coupés. Ce vestiaire, oscillant entre bohème chic, Swinging London et minimalisme « normcore » avant l’heure, est devenu aussi culte que son trait d’eyeliner des sixties et sa longue chevelure frangée.
Très libre, Jane Birkin se ne se préoccupait pas des conventions, linguistiques comme stylistiques et sociétales. Celle qui pouvait manger sa salade avec les doigts mettait des autocollants militants sur ses sacs Birkin, les désacralisant de manière assez punk. Provocante, la longiligne Jane Birkin a tout osé, notamment les robes et les jupes très courtes, les immenses décolletés et la transparence, laissant entrevoir sa poitrine lors de ses folles nuits mondaines en compagnie de Serge Gainsbourg. Sans que jamais son allure ne dégage une once de vulgarité… Même à la fin de sa vie, la chanteuse restait un modèle de simplicité, de décontraction et d’élégance « rive gauche », souvent imité mais rarement également, à part peut-être par ses filles.
Une chanteuse émouvante
69, année érotique, Je t’aime… moi non plus, Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve, Les dessous chics, Ballade de Melody Nelson, Quoi, Ex-fan des sixties, Di doo dah… Jane Birkin – qui été mariée au compositeur John Barry – laisse derrière elle de nombreux morceaux mélancoliques, aux paroles poétiques. La plus anglaise des chanteuses francophones parvenait à émouvoir jusqu’aux larmes avec son timbre gracile, fragile, timide et sensuel à la limite du chuchotement et de la cassure, magnifié par son éternel accent british. Dans un morceau malin et malicieux, Je m’appelle Jane, sorti en 2004 et chanté avec Mickey 3D, l’artiste proche d’Etienne Daho s’amusait de son image : « – Dis Birkin / C’est quoi ce vieil accent que tu traînes / Et qui te rend l’air antipathique? / – C’est l’accent britannique / – Dis Birkin Pourquoi tu vas marcher dans la gadoue / Alors que ça salit tes bottes ? / – C’est que je suis gamine / – Dis Birkin Pourquoi tu sea tu sex et puis tu sun / Dès que le mois d’août se radine ? / – C’est que je suis câline / – Dis Birkin C’est quoi ce vieux jean sale Que tu trimballes depuis 1969 ? / – C’est que je suis radine. »
Une actrice à fleur de peau, qui a tourné pour les plus grands réalisateurs
Jeune et blonde, Jane Birkin tourna dans le film culte Blow-Up (1966) de Michelangelo Antonioni en Angleterre et provoqua un mini scandale en y apparaissant quelques secondes nue à l’écran. Après avoir conquis son pays d’origine, la Britannique a débuté dans le cinéma français à la fin des années 60. Elle figura au générique de La Piscine (1969), faisant parfois de l’ombre à Romy Schneider, de Don Juan 73 (1973) de Roger Vadim avec Brigitte Bardot (dont Serge Gainsbourg fut aussi fou amoureux) et de La Belle Noiseuse (1991) de Jacques Rivette aux côtés d’un autre sex-symbol, Emmanuelle Béart.
Entre charme décalé, sensualité folle et fantaisie, Jane Birkin est à la fois apparue dans les comédies populaires (notamment chez Claude Zidi) et dans des films d’auteur audacieux. Agnès Varda a dédié l’un de ses films à Jane Birkin, l’espiègle Jane B. par Agnès V. (1988). La cinéaste décrivait son héroïne comme « la rencontre sur une table de montage d’une androgyne ludique et d’une Ève en pâte à modeler. » Un mix fantasque et inédit qui séduisit également Jacques Doillon (dans la vie comme sur la pellicule), Bertrand Tavernier, Jean-Luc Godard et Alain Resnais. Et le reste du monde.
Un couple mythique avec Serge Gainsbourg
L’histoire d’amour fusionnelle, très médiatisée, qui a uni Serge Gainsbourg et Jane Birkin reste l’une des plus belles et des plus passionnantes au monde. Elle donna lieu à de nombreuses chansons, notamment l’ultra sexy Je t’aime… moi non plus (1969). Un morceau jugé obscène par le Vatican, ce qui contribua à la rendre culte. Le couple qui s’est rencontré sur le film Slogan et a tourné dans le long-métrage sulfureux Cannabis s’est aussi retrouvé dans le subversif Je t’aime moi non plus (1975). Le mari s’improvisa réalisateur pour filmer sa femme avec des cheveux courts et sans vêtements. Avec ses airs de garçon, son personnage ambigu trouble encore aujourd’hui encore le spectateur.
Dans ses mémoires, intitulées Munkey Diaries : Le journal intime de Jane Birkin, la chanteuse évoquait avec tendresse l’amour de sa vie : « Je sais maintenant ce qui est magique chez Serge, ses défauts. Il est si égoïste, une petite chose jalouse, avec un caractère dominateur, mais il est drôle ; profondément gentil et original jusque dans les bêtises les plus stupides qu’il fait. Il n’y a personne comme lui. Son visage de petit garçon vilain, son ivrognerie incontrôlable, son charme fou. Le plus humain, le plus perspicace, le plus ouvert, le plus sentimental (…) J’aimerais pouvoir être à nouveau avec lui, une seule journée, au meilleur moment de notre histoire, quand j’étais certaine qu’il serait à moi pour toujours. Comment c’était ? »