Gastronomie : 5 films à découvrir qui mettent l’eau à la bouche
De la satire culte La Grande Bouffe avec Michel Piccoli et Marcello Mastroianni, à la plus récente comédie avec Bradley Cooper et Omar Sy A vif !, retour sur 5 films qui mettent l’eau à la bouche.
Par Chloé Bergeret.
1. Le plus scandaleux : « La Grande Bouffe », (1973), Marco Ferreri
À Cannes, le 17 mai 1973, un scandale éclate à la diffusion de La Grande Bouffe. Les acteurs Michel Piccoli, Philippe Noiret et Marcello Mastroianni quittent la salle sous les huées de la foule absolument dégoûtée par l’overdose de nourriture, de boisson et de sexe que constitue ce film. Un scénario pourtant pas si choquant au premier abord : quatre amis gourmets et gourmands enfermés tout un week-end à la campagne décident d’organiser une « bouffe » gargantuesque. Mais cette comédie grinçante, qui pousse la farce jusqu’au malaise, a des airs de roman rabelaisien. C’est une farandole d’hommages à tout ce qui à trait au mode de vie français, des préparations succulentes, au culte voué à la gastronomie française, en passant par la délectation de toutes sortes de liqueurs, de traits d’esprits et de grivoiseries. Mais loin d’être une simple orgie culinaire et sexuelle, La Grande Bouffe dénonce finalement la société de consommation et le pourrissement progressif de l’élite dans un huis clos presque scatophile qui a considérablement ébranlé l’institution du Festival de Cannes et reste aujourd’hui un monument d’humour décadent.
La Grande bouffe, (1973), Marco Ferreri. Disponible en VOD sur La Cinetek.
2. Le plus théâtral : « Cuisines et Dépendances », (1993), Philippe Muyl
Adapté de la pièce de théâtre Cuisines et Dépendances d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, ce film se passe entièrement dans la cuisine de Martine (Zabou Breitman) et Jacques (Sam Karmann), alors que le couple donne chez lui un dîner qui promet d’être riche en émotions. Ils accueillent un ancien ami perdu de vue et devenu vedette de télévision et sa femme Charlotte (Agnès Jaoui), ancienne amante de Georges (Jean-Pierre Bacri), un ami grincheux et cynique qui vit justement sous leur toit. Fred (Jean-Pierre Darroussin), le frère de Martine et joueur de poker invétéré poursuivi par ses créanciers, est aussi de la partie, avec sa sublime femme Marilyn qui attire les regards et attise les jalousies. Au rythme des plats qui s’enchaînent, ce huis clos dévoile les failles des relations amicales au sein du groupe. Au sommet de son art, Bacri se goinfre de pistache en attendant la vedette en retard et décline tout son répertoire de remarques misanthropes, tandis que Jacques s’occupe de servir à boire à toute l’assemblée et de conserver un semblant d’équilibre, qui ne tarde pourtant pas à vaciller. C’est dans la cuisine que tout se passe, les invités se croisent et commentent l’action qui est en train de se dérouler dans la salle à manger, dans une ambiance de règlements de comptes. Le film est un régal, drôle et grinçant et annonce les nombreuses collaborations du duo Jaoui-Bacri, experts en l’art décortiquer la psychologie humaine dans leurs scénarios.
Cuisines et Dépendances, (1993), Philippe Muyl. Disponible sur Amazon Prime Video.
3. Le film d’époque : « Le Festin de Babette », (1988), Gabriel Axel
Un réalisateur danois modeste avec, au casting, Stéphane Audran, une actrice française dont on ne sait pas très bien comment elle a atterri là, un scénario extrêmement épuré et une esthétique minimaliste… c’est la recette de ce chef-d’œuvre primé aux Oscars en 1988. Tout ici n’est que douceur, calme et amour des belles saveurs. En 1871, sur la côte danoise du Jutland, la tempête fait rage. Dans le village, Martine et Filippa, deux soeurs sans mari, recueillent Babette (Stéphane Audran), une Française échouée sur le rivage. Ancienne cheffe du célèbre Café Anglais à Paris, elle a perdu sa famille sous la Commune et devient finalement la servante des deux soeurs. Tous les ans, elle prend un billet de loterie et la quinzième année, elle gagne. Elle décide alors d’utiliser l’argent pour préparer à ses bienfaitrices et à leurs voisins un festin digne de ceux que le Café Anglais servait aux plus élégants des Parisiens. Adapté d’une nouvelle de Karen Blixen, ce film est un poème gastronomique, une ode à la nourriture terrestre qui remplit de joie le spectateur qui assiste à ce festin. Les joues rougissent, les yeux brillent, et les paysans danois habitués à la soupe et aux repas modestes qui découvrent la nourriture française continuent d’émouvoir plus de trente après la sortie du film.
Le Festin de Babette, (1988), Gabriel Axel. Disponible sur Amazon Prime Vidéo.
4. Le plus émouvant, « The Lunchbox », (2013), Ritesh Batra
La cuisine est ici le fil conducteur, l’élément qui permet la communication et finalement l’histoire d’amour des deux protagonistes. Ce film est une délicieuse romance épistolaire à travers une boîte en fer, la fameuse « lunchbox ». Ila est une jeune femme qui cuisine tous les matins des petits plats pour son mari, qui, indifférent, la délaisse et ne la regarde plus. Un jour, le service de livraison qui s’occupe d’apporter les gamelles aux destinataires fait une erreur, et c’est Saajan, un veuf solitaire qui déguste le plat d’lla. Au fil des différents mets de plus en plus sophistiqués que cuisine la jeune femme, des liens forts se tissent entre les deux personnages qui incarnent chacun un aspect de l’Inde d’aujourd’hui, entre modernité et tradition. La gastronomie indienne, extrêmement variée et particulièrement photogénique avec ses épices colorées, rassemble ces deux coeurs solitaires qui ne demandent qu’à aimer.
The Lunchbox, (2013), Ritesh Batra. Disponible en streaming direct et replay sur CANAL+ | myCANAL.
5. Le plus populaire, « À vif ! » , (2015), John Wells
Un chef étoilé rock star accro à la drogue et à l’alcool ? On trouve dans cette comédie dramatique la figure du cuisinier dévoré par la vie, le stress et les angoisses aussi décrite dans The Chef de Philip Barantini. Pourtant, ce n’est pas le réalisme qui intéresse ici le réalisateur américain John Wells (Un été à Osage County). Bradley Cooper est Adam Jones, un chef arrogant et narcissique qui accumule les dettes et les erreurs. Il cherche à revenir dans la course et surtout à décrocher le Saint Graal : la triple étoile du guide Michelin. Il doit alors se mettre sur le chemin de la rédemption, travailler sur lui-même et accepter la critique. Là où The Chef de Philip Barantini montre les difficultés concrètes auxquelles sont confrontées les chefs gastronomiques dans un contexte ultra exigeant, John Wells fait le choix du feel-good movie, teinté de bons sentiments et de quelques clichés. Avec Omar Sy et Sienna Miller, cette comédie reste absolument divertissante, sans pourtant combler notre appétit.
À vif !, (2015), John Wells. Disponible en VOD.
Actuellement en salle, The Chef, thriller efficace de Philip Barantini filmé en un seul plan-séquence, est une plongée en temps réel dans les coulisses d’une cuisine gastronomique, un soir très fréquenté. Le chef étoilé Andy Jones (interprété par Stephen Graham) lutte contre sa dépendance à l’alcool, la drogue et contre sa culpabilité personnelle : il ne voit plus sa famille et a failli à sa mission en oubliant une commande de nourriture. Pendant une heure et demi, la tension est à son comble et chacun semble prêt à exploser. On découvre alors la réalité d’un système à flux tendu entre stagiaires mal-formés et serveurs sous-payés. Si ce film sort des sentiers battus et surprend par sa mise en scène et son traitement cru du monde de la cuisine, il témoigne de l’intérêt qu’ont les réalisateurs pour l’univers de la gastronomie. De la satire culte La Grande Bouffe avec Michel Piccoli et Marcello Mastroianni, à la plus récente comédie avec Bradley Cooper et Omar Sy A vif !, retour sur 5 films qui mettent l’eau à la bouche.