Dans Showing Up, Michelle Williams est au sommet de son art en sculptrice dépressive
Très remarqué au dernier Festival de Cannes, le nouveau film de la réalisatrice américaine Kelly Reichardt (First Cow, Old Joy), Showing Up, au cinéma ce mercredi 3 mai, offre une réflexion d’une justesse inouïe sur le quotidien des artistes. Son atout majeur ? Une Michelle Williams au sommet de son art.
par Violaine Schütz.
Très remarqué au Festival de Cannes 2022, où il était en compétition officielle, le nouveau film de la réalisatrice américaine Kelly Reichardt (First Cow, Old Joy), Showing Up, arrive enfin dans les salles obscures. Et même si les températures clémentes invitent à siroter une limonade en terrasse, le long-métrage vaut le coup de s’enfermer pendant plus d’une heure dans la pénombre d’un cinéma. Sur le papier, le pitch de Showing Up paraît chiche : « avant le vernissage d’une prochaine exposition, Lizzie, une artiste, voit son quotidien et son rapport aux autres ainsi que sa vie chaotique devenir sa source d’inspiration. » Ces quelques mots sont loin de rendre compte de la richesse de ce film dépouillé (dans sa forme), naturaliste et d’une extrême lenteur mettant en scène une Michelle Williams (The Fabelmans, Le Secret de Brokeback Mountain) au sommet de son art.
Showing Up, un film dépouillé mais puissant sur la création artistique avec la sublime Michelle Williams
En apparence, presque rien ne se passe dans le quotidien de l’héroïne, une sculptrice qui gravite, parée de Crocs, de vêtements défraîchis et d’un teint diaphane, dans la scène artistique effervescente de Portland. Entre deux séances de sculpture destinées à créer des pièces majeures pour son exposition individuelle qui approche, elle s’inquiète de ne pas avoir d’eau chaude, s’occupe d’un pigeon rescapé qui a été blessé par son chat, se dispute avec sa propriétaire et voisine (artiste, elle aussi) et va prendre des nouvelles de son frère, en grande détresse psychologique. Dépressive, râleuse, angoissée et peu bavarde, Lizzie est au départ une anti-héroïne pour laquelle le spectateur aura peu de compassion. Mais au fil des plans, on se prend d’une infinie empathie pour cette artiste talentueuse, au quotidien précaire.
La grande force de la scénariste la réalisatrice Kelly Reichardt, qui a déjà collaboré plusieurs fois avec Michelle Williams (dans Wendy et Lucy, La Dernière Piste et Certaines femmes), c’est de dépeindre avec beaucoup de réalisme, de tendresse et d’humour, la vraie vie des artistes contemporains. Loin de la vision hollywoodienne de la figure du plasticien en être humain exubérant, multipliant les frasques et les envolées lyriques, la cinéaste montre une Lizzie très sobre, galérant, notamment financièrement et travaillant à côté de sa pratique artistique (en exerçant un métier plus administratif dans une école d’art).
Les gestes de l’héroïne interprétée avec beaucoup de subtilité, et sans fioriture, par Michelle Williams sont filmés avec minutie et justesse. On la voit peaufiner ses petites sculptures de femmes aux visages expressifs, avant d’aller les faire cuire dans une école d’art pour obtenir des couleurs vibrantes. Parfois, ça ne fonctionne pas, et l’une de ses créations phares brûle. C’est là toute la beauté de la pratique artistique : elle est aussi accidentée que miraculeuse. Dépouillé et intimiste, Showing Up atteint son climax lors de l’une de ses scènes finales : le pigeon recueilli et soigné par Lizzie (et sa propriétaire) prend son envol après le vernissage de l’exposition de l’artiste dans une galerie branchée de Portland. Difficile de faire plus symbolique : la femme asphyxiée du début du film s’est muée en artiste reconnue, accouchant à la vie par le biais de la création artistique et de la réception positive de son travail, qui a su toucher d’autres âmes marginales. Du chaos naît l’art, dit le slogan du film, mais de l’art, naît, la vie.
Showing Up (2023) de Kelly Reichardt, avec Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett, John Magaro et André Benjamin (André 3000), au cinéma le 3 mai 2023.