13 oct 2021

Claire Denis en 3 films subversifs, de Trouble Every Day à Un beau soleil intérieur

La cinéaste française Claire Denis a été récompensée pour l’ensemble de son œuvre audacieuse par le prix Vigo d’honneur 2021, soit l’une des plus anciennes distinctions cinématographiques, ce lundi 11 octobre. L’occasion de revenir sur trois films majeurs de la réalisatrice et scénariste qui a fait ses armes aux côtés de Jim Jarmusch et Wim Wenders.

1. « Nénette et Boni » (1997) : un mélo marseillais enlevé

 

La cinéaste Claire Denis décrivait ce film, dans une interview accordée aux Cahiers du cinéma, comme « une sorte de mélo marseillais, avec des personnages qui sont des stéréotypes, plutôt dans la tradition des santons de Provence. » Inspirée par Marcel Pagnol autant que par Les Enfants terribles de Jean Cocteau et la cité phocéenne, la cinéaste raconte une histoire familiale tragique centrée autour de deux êtres paumés. Boni est un pizzaïolo timide marqué par la mort de sa mère qui recueille sa jeune sœur, Nénette, qui fuit son pensionnat alors qu’elle est enceinte. Ce film dur, remarquablement filmé, est illuminé par la bande-son habitée des Tindersticks et l’apparition solaire de Valeria Bruni Tedeschi en boulangère vêtue de rose bonbon.

2. « Trouble Every Day » (2001) : une métaphore gore des relations humaines

 

Film dérangeant, Trouble Every Day a poussé beaucoup de spectateurs vers la sortie avant la fin de ses projections en salles, il y a 20 ans. Les ténébreux Vincent Gallo et Béatrice Dalle y incarnent les deux héros magnétiques en proie à l’anthropophagie. Au-delà de l’aspect sanglant et provocant, Trouble Every Day revêt une dimension métaphysique dans sa façon de lier métaphoriquement les rapports amoureux et le cannibalisme. Encore une fois, les Tindersticks réalisent un travail passionnant au niveau sonore, la bande-originale se révélant aussi obsédante que les plans d’errances dans Paris dignes de tableaux gothiques.

3. « Un beau soleil intérieur » (2017) : une quête d’amour contrariée

 

Avec ce film fort, émouvant et drôle, Claire Denis a sans doute réalisé l’un des plus beaux films de ces cinq dernières années sur l’amour et surtout, l’amour déçu. Il y est question d’Isabelle (magnifique Juliette Binoche qui est l’une des actrices fétiches de la réalisatrice), une artiste-peintre d’une cinquantaine d’années divorcée et mère d’une petite fille, qui cherche désespérément l’amour avec un grand A. La profondeur de cette comédie volubile qui met en scène Xavier Beauvois, Nicolas Duvauchelle, Gérard Depardieu et Philippe Katerine vient sans doute de l’oeuvre dont il s’inspire : l’ouvrage Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, qu’on ne se lasse jamais de redécouvrir.