Censured by Trump, “The Hunt” is a divisive movie
Fin 2019, un film fait couler beaucoup d'encre outre-Atlantique, alors qu'il n'est même pas encore sorti en salle. Réalisé par Craig Zobel, “The Hunt” devait être révélé au public américain en septembre, mais un personnage au teint orange s'y oppose… Donald Trump accuse le long-métrage de promouvoir la violence, alors que son pays est meurtri par des fusillades à répétition et n'a pas connu, en 2018, plus de quatre jours sans une tuerie de ce genre.
Par Chloé Sarraméa.
Il est des films qui sont sur toutes les lèvres, lors de discussions entre amis, alors qu'aucun n’est allé le découvrir au cinéma. Elephant en fait partie. Réalisé par Gus Van Sant, le dixième film du cinéaste américain, deuxième volet de sa “trilogie de la mort” [comprenant aussi Gerry (2002) et Last Days (2005)], est présenté en avant-première à Cannes en mai 2003. En déclarant que “le cinéma est aussi ce qui nous permet de survivre aux traumatismes”, l'actrice française Isabelle Huppert remet alors deux prix à Elephant : le film remporte la Palme d'or et le Prix de la mise en scène, une première dans le festival français le plus connu au monde, dont le règlement n'autorise pas un long-métrage en compétition à récolter deux récompenses (sauf s'il s'agit d'un Prix d'interprétation pour son acteur principal).
S'il a fait beaucoup parler de lui lors de sa projection à Cannes et qu'il a bluffé le jury présidé par le cinéaste français Patrice Chéreau, c'est parce qu'Elephant revient sur la tuerie de Columbine – une fusillade perpétrée par deux lycéens en 1999, tuant un professeur et douze élèves, en blessant vingt-quatre autres. Aux États-Unis, en revanche, le film produit par HBO n'a totalisé que 208 520 entrées quand il en cumulait plus de 600 000 en France.
Dans la lignée d'Elephant, un autre film a fait beaucoup de bruit. The Hunt, dont la sortie était initialement prévue en septembre 2019, a été interdit de diffusion en salle par le président américain le plus controversé de l'histoire, Donald Trump. En cause, l'histoire imaginée par Damon Lindelof et Nick Cuse (tous deux à l'origine de la série dystopique Watchmen, mettant en scène une guerre raciale aux États-Unis sur HBO) où douze inconnus se réveillent dans un entrepôt, sans savoir pourquoi, et sont traqués par un groupe de dirigeants maléfiques qui veulent les tuer… pour se divertir. Un scénario qui n'est pas sans rappeler celui de Salò ou les 120 Journées de Sodome, un film de Pier Paolo Pasolini sorti en 1976 où des jeunes sont enfermés par des fascistes dans un manoir et leurs servent de cobayes sexuels. Cette fois, The Hunt met en scène une chasse à l'homme, avec projections d'hémoglobine et suspense garanti : une histoire qui a fortement déplu au président Trump, qui a vu dans cette fiction un triste miroir à la réalité de son pays, sans cesse meutri par les tueries de masse.
Réalisé par Craig Zobel (à qui l'on doit des épisodes des excellentes séries The Leftlovers et Westworld diffusées sur HBO) et produit par Jason Blunt (Get Out), The Hunt est finalement parvenu à passer entre les mailles du filet, quitte à s'attirer les foudres de la Maison-Blanche. En voulant interdire un film de sortir en salle alors que lui-même ne l'a pas vu, le président Trump n'a fait que susciter l'impatience du monde entier, qui a déjà hâte de voir Hilary Swank (Million Dollar Baby, Boys Don't Cry) et la nièce de Julia Roberts, Emma (American Horror Story) dans un thriller subversif et satirique, donc alléchant.
The Hunt (2020) de Craig Zobel, sortie en salles le 13 mars aux États-Unis et le 22 avril en France.