1 avr 2022

Peter Lindbergh : une rétrospective à Montpellier dévoilera l’homme derrière l’immense photographe

Présentée au Pavillon Populaire de Montpellier, la rétrospective “Devenir. Peter Lindbergh” revient sur l’héritage laissé par l’un des maîtres de la photographie de mode contemporaine et entreprend de retranscrire son esthétisme, ses inspirations, pour rendre hommage à l’homme qu’il était derrière l’immense artiste.

Légende de la photographie et proche collaborateur de Numéro, Peter Lindbergh, de son vrai nom Peter Brodbeck, s’éteignait en septembre 2019, laissant derrière lui un considérable héritage. Connu pour ses portraits en noir et blanc des supermodels, le photographe allemand a laissé dans la mode contemporaine une vision novatrice de la femme, authentique et libérée “de la terreur induite par la perfection”, selon ses mots. Refusant la retouche excessive, il a cherché à capturer, dans des images au grain hyperréaliste, une beauté spontanée, dans la quête incessante d’une “vérité” des femmes. À Montpellier, la rétrospective “Devenir. Peter Lindbergh”, qui se tiendra du 23 juin au 25 septembre 2022 au Pavillon Populaire, s’attache à retranscrire le parcours et l’esthétisme de Peter Lindbergh, en éclairant sa personnalité. Qui était l’homme derrière la caméra ? Quelles étaient ses inspirations, et ses convictions ? Quels dialogues a-t-il engagés avec l’art conceptuel, la danse, le cinéma, la sculpture ? Telles sont les questions abordées à travers plus de 140 tirages, vidéos et interviews, en passant par les collaborations de Peter Lindbergh avec d’autres artistes, comme la chorégraphe Pina Bausch ou la cinéaste Holly Fisher. Le fil conducteur de l’exposition, qui s’étend des années 1980 (début de sa carrière) aux années 2010, celui du devenir, évoque le processus de celui qui a poursuivi toute sa vie une quête existentielle et un pèlerinage spirituel.

 

Racontée avec les mots du photographe, tirés de notes rédigées au fil de son existence, l’exposition s’ouvre ainsi sur le voyage initiatique qu’il entreprend alors qu’il est étudiant en art. À l’époque, le jeune Allemand décide de quitter son pays pour le sud de la France, sur les traces de son maître spirituel, Vincent Van Gogh. Il voyagera ainsi deux années durant, en auto-stop, de l’Espagne au Maroc, avant de revenir en Allemagne pour reprendre ses études, inspirées par les arts abstrait et conceptuel qui nourriront, par leur lyrisme et leur liberté de forme, sa pratique visuelle. La première salle “Pèlerinage spirituel” présente ainsi des portraits du jeune artiste, encore peu connu, avec son épouse, Astrid Lindbergh, qui le poussera à se tourner vers la photographie. Au fur et à mesure qu’il avance dans sa carrière, l’attention qu’il porte à la technique photographique cède la place à une autre priorité : tenter de capturer la vérité des femmes qu’il photographie, dans une approche qui s’inspire du photojournalisme. Au cliché – aujourd’hui devenu culte – de femmes sur la plage simplement vêtues de chemises blanches qui a inauguré l’ère des supermodels, succèdent les portraits en noir et blanc des mannequins Amber Valleta à Naomi Campbell aux actrices Catherine Deneuve et Cate Blanchett. La jeune Kate Mossâgée d’à peine 20 ans et encore à l’orée de son illustre carrière, se dévoilait ainsi en 1994 dans toute sa vulnérabilité devant l’objectif du photographe. Épaules dénudées sous une salopette, cheveux courts et maquillage léger, la jeune femme au regard perçant a défini les nouveaux standards de la beauté à une époque de mutations du monde de la mode, auxquelles Peter Lindbergh a grandement contribué.

Peter Lindbergh, Linda Evangelista, Paris 1990

L’exposition explore également les nombreuses inspirations et collaborations de Peter Lindbergh, qui a constamment travaillé à réintégrer le pouvoir narratif au cœur de ses compositions. Ainsi le dialogue, élément constitutif de l’imaginaire et de l’esthétique du photographe, fournit l’élan de l’exposition. Il s’illustre par exemple dans ce cliché de Naomi Campbell photographiée, comme Joséphine Baker, dans une inspiration qui tient du burlesque et du cabaret. Ou encore, dans la photographie sulfureuse de Monica Belluci en Vénus de Milo. Sans oublier la référence au roman de Vladimir Nabokov auquel renvoie la photographie Lolita en 1990. Les collaborations de Peter Lindbergh avec d’autres artistes sont aussi évoquées. Notamment, celle qu’il initia avec sa célèbre amie Pina Bauch, chorégraphe avec laquelle il a travaillé sur une danse néo-expressionniste, essayant de capturer une sensualité imprévisible. Mais aussi celle engagée en 2017 avec Alberto Giacometti, dont Peter Lindbergh parvient, avec maestria, à restituer   la consistance des sculptures dans le grain qu’il donne à ses images. Aux clichés se mêlent également des vidéos, comme Everywhere at Once, dans laquelle le photographe et la cinéaste expérimentale Holly Fisher collaborent pour confectionner une tapisserie d’images fixes et mouvantes, accompagnées d’un texte de la poétesse américaine Kimiko Hahn. La dernière salle, hommage à l’homme derrière la caméra, présente un documentaire sur Peter Lindbergh, mettant en lumière sa personnalité et son engagement artistique, dont le principal fut “d’apprendre jusqu’au dernier jour”, de “devenir” donc, jusqu’à la fin (et grâce à cette rétrospective, un peu au-delà).

 

 

“Devenir. Peter Lindbergh”, du 23 juin au 25 septembre au Pavillon Populaire, Montpellier.