Mégots écrasés et fleurs fanées, les natures mortes d’Irving Penn chez Ropac
La galerie parisienne Thaddaeus Ropac présente jusqu'au 18 janvier une sélection d'œuvres du photographe américain Irving Penn. À travers une vingtaine de tirages s'étendant sur plus de soixante ans, cette exposition revient sur l'un des genres privilégiés de l'artiste : la nature morte.
Par Matthieu Jacquet.
Deux ans après la riche rétrospective qui lui était consacrée au Grand Palais, le maître de la photographie américain Irving Penn est de nouveau exposé à Paris, par la galerie Thaddaeus Ropac. Si la précédente exposition brossait l’ensemble de son œuvre sur près de soixante années, notamment ses célèbres portraits et photographies de mode, celle-ci se concentre sur un pan légèrement moins connu – peut-être parce que moins “glamour” – de son travail, dans lequel il a pourtant su s’illustrer avec brio : la nature morte.
Alors que des mégots et paquets de cigarettes semblent écrasés par l’objectif tant ils sont photographiés de près, des macros de fleurs fanées sur fond blanc se rapprochent davantage d’une iconographie botanique : rebuts humains ou végétaux, les sujets d’Irving Penn se voient sublimés par leur cadrage en gros plan. Parallèlement, bon nombre de ses images s’inscrivent davantage dans la tradition de la nature morte telle qu’elle fut peinte par les grands maîtres néerlandais et flamands au XVIIe siècle. Ces compositions mettent en scène, à la manière des peintures classiques, aussi bien des grappes de raisin trônant dans une coupe à côté d'une tranche de pastèque et d'un quignon de pain entamé, des cerises dispersées dans une flaque de lait renversé que des crustacés émergeant d'un bol de soupe.
Plus loin, c'est la repésentation d'une lampe de bureau qui captive notre regard : la lumière chaude de son ampoule éclaire les couleurs de l’abat-jour, dans lequel le bleu, le jaune et le rouge esquissent un arc-en-ciel. Car si le travail d’Irving Penn est encore souvent célébré pour son traitement du noir et blanc, appuyé par ses habiles jeux de lumières et d’ombres, cette exposition nous rappelle également sa maîtrise de la couleur.
C’est en vérité dès les années 40, peu après ses débuts sous l’impulsion du directeur artistique de Vogue, Alexander Liberman, qu’Irving Penn commence à explorer le genre de la nature morte. Dans la vingtaine de tirages très justement choisis pour l’exposition – datés pour certains des premières années de sa carrière – transparaît déjà son attention au détail et à la composition qui, plus tard, feront sa spécificité. Posées sur certains des aliments, des mouches incarnent au sein de ces vanités le passage du temps, dans cet hommage rendu par la galerie au photographe quelques semaines après le dixième anniversaire de sa mort.
Irving Penn, Still Life, jusqu’au 18 janvier 2020 à la galerie Thaddaeus Ropac (Marais), Paris 3e.