“Do Disturb” : 5 raisons de se laisser déranger par le festival du Palais de Tokyo
Du 21 au 23 avril, le Palais de Tokyo devient le théâtre d’une étrange effervescence qui, pour le profane, relèverait presque de l’hôpital psychiatrique : le festival de performance “Do Disturb” revient pour sa troisième édition. L'institution abritera ainsi, le temps d’un week-end, dans son bâtiment aux dimensions dantesques, une quarantaine de propositions hybridant danse, théâtre, musique, performance, happening, nées des cerveaux bouillonnants de jeunes artistes issus du monde entier.
Par Delphine Roche.
“La performance est une forme vouée au décloisonnement des pratiques, des pensées et des disciplines. C’est aussi la plus réactive au contexte social et politique, car ses productions éphémères peuvent s’exprimer dans un espace d’exposition sans avoir besoin de l’investir durablement. Je trouve important d’amener l’art vivant dans les galeries et centres d’art, de le sortir des salles de spectacle où il a longtemps été enfermé et extrêmement codifié, explique Vittoria Matarrese, commissaire générale du festival. En programmant simultanément 40 performances, nous prenons un risque. Va-t-on frôler la cacophonie ? Ou au contraire, produire une synergie ?”
Vittoria Matarrese nous guide à travers ce foisonnement créatif pour nous éclairer sur cinq performances à ne surtout pas rater.
1. La plus poétique : US Swerve d’Alex Baczynski-Jenkins
Alex Baczynski-Jenkins est chorégraphe, mais il montre son travail dans des galeries et centres d’art parce que ses questionnements sont proches de ceux des plasticiens. Il mêle des danseurs, vogueurs, et d’autres types de mouvements comme ici, dans US Swerve, ceux de performers en rollers. Tout en s’éloignant et se rapprochant l’un de l’autre, les patineurs qui évoluent en couple, récitent des vers de poésie méditant sur le désir. Le texte prend corps dans leur gestuelle qui explore inlassablement, de façon répétitive, les inflexions de la sensualité, les modalités de l’attraction des corps. Dans le travail d’Alex, la pratique chorégraphique et l’expansion du territoire de la danse croisent des questionnements sur la politique queer.
2. Les plus barrées : Troll chant et Troll apparition de Tori Wranes
La Norvégienne Tori Wranes a inventé le langage des trolls. Elle a développé, pour cela, une technique vocale spécifique couvrant des sons gutturaux jusqu’à des sons très aigus. Son projet, qui nous situe d’emblée dans la perspective des mythes nordiques et des contes de Grimm, s’inscrit dans une tendance d’une partie des performances que nous présentons pendant Do Disturb, à réenchanter le monde. Pendant les trois jours du festival, Tori prendra parfois possession du système de diffusion sonore du Palais de Tokyo, pour envahir le bâtiment de voix de trolls. Elle fera également quelques apparitions physiques dans un costume de troll.
3. La plus punchy : Blind Boxing Bride de Boris Dambly
Boris Dambly fait partie d’un collectif d’artistes à Bruxelles, qui sont tous un peu plus perchés les uns que les autres. Il proposera pour Do Disturb un combat de boxe de jeunes mariées, qui s’affronteront avec les yeux bandés. L’impact visuel de cette performance est saisissant, et les questionnements qu’elle soulève pertinents pour tout un chacun : l’amour est-il une forme de combat? Faut-il se battre aujourd’hui pour défendre une certaine pureté de sentiments?
4. La plus transculturelle : Zoufri de Rochdi Belgasmi
Chorégraphe et danseur tunisien, Rochdi Belgasmi présente ici une performance solo inspirée d’une danse populaire tunisienne interprétée traditionnellement uniquement par des hommes. Mêlant des gestes du travail des ouvriers et des allusions sexuelles explicites, cette performance interroge la façon dont une forme d’expression populaire peut sortir de son contexte en utilisant les outils de la danse contemporaine, et en s’exprimant dans des cadres différents, sans être perçue par le public comme un motif folklorique ou pittoresque.
5. La plus intense : A Slow Dance Without Name de Jacopo Milani
Dans A Slow Dance Without Name, un danseur presque nu, en slip doré, danse pendant trois heures à côté de sculptures étranges que Jacopo Milani a lui-même conçues. L’artiste interroge ici le rapport au corps comme objet de désir, et comme objet plastique. La sculpture devient un relais, un miroir du corps et entretient ce questionnement : qu’est-on vraiment en train de regarder ? S’agit-il d’un strip-tease ? Comment le désir se construit-il, et quelle place fait-on à l’Autre dans cette construction ?