Qui est le peintre Jonas Wood, héritier d’Henri Matisse et David Hockney ?
Installé à Los Angeles, Jonas Wood peint des toiles colorées, héritières de Henri Matisse ou de David Hockney, également déclinées en sérigraphies. Une rétrospective de son travail sera présentée cet été à New York.
Propos recueillis par Nicolas Trembley.
Jonas Wood, un peintre à succès héritier du fauvisme
Travaillant sa palette de couleurs en aplats, Jonas Wood peint des scènes d’intérieur, des natures mortes et des courts de tennis, qui séduisent les collectionneurs avertis autant qu’une base internationale de fans moins spécialistes, pour qui il produit généreusement des éditions limitées, des sérigraphies et des livres. Ces aplats font inévitablement penser à David Hockney ou à Henri Matisse, références majeures de l’artiste, et c’est d’ailleurs aux côtés des œuvres du maître du fauvisme qu’il exposait en début d’année, à Gstaad, chez Nahmad Contemporary. Le dessin est au cœur de sa pratique, comme procédé préparatoire pour ses toiles mais aussi comme médium autonome. C’est d’ailleurs une sélection exclusive de dessins qu’il proposera fin juin à New York, chez Karma, pour sa prochaine exposition. À Los Angeles, il partage son atelier avec sa compagne, la céramiste Shio Kusaka, dont certains vases se retrouvent sur ses toiles. Cette œuvre, à la fois personnelle et familiale, a réussi le pari d’un devenir universel.
L’interview de Jonas Wood pour Numéro
Numéro : Quel a été votre parcours ? En quoi le milieu dans lequel vous avez grandi vous a-t-il influencé ?
Jonas Wood : Je suis originaire du Massachusetts. J’ai commencé par étudier la psychologie avant de m’orienter vers un master en peinture et dessin (MFA) à l’université de Washington, à Seattle. Ma mère était metteuse en scène de théâtre et mon père architecte. Tous deux étaient des passionnés d’art et d’histoire de l’art, et nous emmenaient découvrir des choses à New York alors que nous étions encore pratiquement au berceau. Mon grand-père était lui-même collectionneur.
Quand avez-vous su que vous vouliez devenir artiste ?
Le jour de mon entrée en master, au moment où j’ai décidé de mettre toute mon énergie dans la création artistique. Avant ça, j’avais toujours eu un peu de mal à faire de l’art en parallèle des autres disciplines.
“J’essaie d’être en permanence dans un état de flux.”
À vos débuts, quels types d’œuvres vous attiraient ?
Au tout début, Hockney, sans doute. Mon père m’a aussi fait découvrir Chuck Close quand j’étais enfant. Et Matisse. Mes parents possédaient une estampe de Matisse.
Pour vous, quelle est l’importance de l’atelier ?
L’atelier est très important pour moi. Je suis hyper organisé, et lorsque je pars sur une idée, je vais au bout, avec tout ce qui doit être fait entre le début et la fin, même dans ce qui touche à la peinture et au dessin. J’essaie d’être en permanence dans un état de flux.
Combien de temps vous faut-il pour achever une toile ? Sont-elles intégralement peintes par vous ?
Je ne sais pas combien de temps il me faut exactement, parce que je fais un va-et-vient constant entre pas mal d’activités différentes, et, effectivement, je ne peins pas tout moi-même. J’ai des assistants qui m’aident à prépeindre mes toiles.
“Entre ma compagne céramiste et moi, il y a une forme de pollinisation croisée. Nous nous emparons l’un de l’autre.”
Vous peignez le sport, des intérieurs, des vases en céramique, etc. Comment se fait le choix de vos sujets ?
Je détermine mes toiles en fonction d’un principe qui m’avait plu pendant mes études. Je m’entraîne à peindre des natures mortes, des portraits, des paysages, etc., puis, parmi toutes ces possibilités, je choisis à un moment donné celle qui m’intéresse le plus. Par exemple, si je m’arrête sur le thème du sport, je vais décider de le traiter via un portrait, une abstraction ou mille autres façons…
En quoi consistera votre exposition à la galerie Karma, à New York ?
Elle réunira des dessins réalisés au fil des vingt dernières années. Il y aura au moins un dessin par année, et ils seront présentés dans l’ordre chronologique, en quatre grands groupes.
Donnez-vous des titres à vos œuvres ? Si oui, de quoi s’inspirent-ils ?
Je donne un titre à la plupart de mes œuvres, et, en général, il est plutôt descriptif, même s’il arrive que certains d’entre eux évoquent plutôt un sentiment.
Êtes-vous attentif à la scénographie de vos expositions ?
Je suis très attentif à la façon dont sont présentées mes œuvres. Je fais des maquettes à l’échelle de l’espace d’exposition, et parfois j’anticipe sur la sélection des commissaires, pour voir comment les œuvres fonctionnent entre elles. L’architecture et la scénographie sont essentielles à mes yeux. Pour l’exposition de dessins chez Karma, l’accrochage se fera dans une ambiance un peu “salon”, avec une centaine de dessins réunis sur les quatre murs. À la villa Malaparte, je présenterai entre dix et douze dessins, mais nettement plus dispersés, dans une grande pièce.
Jonas Wood, “Drawings 2003-2023”, jusqu’au 18 août 2023 à la galerie Karma, New York.
Jonas Wood est représenté par les galeries Karma, Gagosian, et David Kordansky.
Votre compagne, Shio Kusaka, est une merveilleuse céramiste. Vos collaborations sont-elles fréquentes ?
Nous collaborons sur de nombreux sujets, mais pas directement pour produire des œuvres. Nous travaillons ensemble sur notre cellule familiale, sur notre patrimoine immobilier. Cela dit, je crois que dans notre travail artistique il y a aussi une forme de pollinisation croisée. Nous nous emparons l’un de l’autre.
“Je conçois le dessin comme un médiateur vers la peinture.”
Vous utilisez le dessin comme recherche préalable à la peinture, mais aussi, parfois, en tant que moyen d’expression autonome. Pour vous, comment s’articule la relation entre le dessin et la peinture ?
Mon master d’arts plastiques était centré à la fois sur la peinture et sur le dessin. À la fin de mes études, j’ai continué à peindre et à dessiner, Ensuite, j’ai travaillé pour Laura Owens, qui faisait de nombreuses études préparatoires avant de peindre ses toiles. Là, j’ai vraiment compris comment un dessin peut servir à peindre, et fonctionner comme le plan ou l’esquisse d’une idée. Mes dessins sont parfois très élaborés. Je dis “dessins”, mais ce sont plutôt des œuvres sur papier associant souvent gouache, encre et crayon de couleur, avec parfois des collages. Je conçois le dessin comme un médiateur vers la peinture. Toutefois, je le considère aussi, tout comme la gravure d’ailleurs, comme une pratique artistique en soi, pour produire des images indépendantes qui ne sont pas en lien avec des œuvres picturales.