PAD London : référence du design, la galerie FUMI fête ses 15 ans
Le salon d’art et de design PAD inaugure sa nouvelle édition londonienne ce 10 octobre. Parmi la soixantaine d’exposants, la galerie FUMI devrait une nouvelle fois faire parler d’elle alors qu’elle célèbre son 15e anniversaire.
Par Thibaut Wychowanok.
Pour son retour post-Covid à Londres en octobre 2022 (l’édition parisienne se tient, elle, en avril), le PAD décernait à la galerie FUMI un très mérité prix du Design contemporain. Sa table Casamona, imaginée par Francesco Perini, avait conquis le jury avec son plateau en chêne incrusté de marbre noir, dont les formes évoquent autant la calligraphie que les éclats d’une peinture abstraite.
Max Lamb : un designer emblématique de la galerie FUMI
La galerie FUMI s’est fait une spécialité de ces pièces d’art fonctionnelles (dont la fonction importe, parfois, assez peu). Elle en offre un panorama complet cet automne avec deux expositions collectives célébrant son 15e anniversaire, la première dans son espace londonien jusque fin septembre, et la seconde au PAD, en octobre. Parmi la quinzaine de créateurs présentés, on retrouvera Max Lamb, l’un des designers emblématiques de la galerie. À 43 ans, le Britannique s’est imposé comme le champion d’un design sculptural que l’on associerait volontiers à des créations d’artistes contemporains comme Erwin Wurm et Ugo Rondinone. Son fauteuil Poly, création molle et déliquescente, tiendrait de la pâte à modeler s’il n’était pas réalisé dans des matières éminemment techniques et solides (souvent inventées par le designer lui-même) : polystyrène modifié et revêtement de polyuréthane. Symbole de son inclination pour l’expérimentation et de sa volonté de rompre avec les techniques conventionnelles…
Max Lamb joue magnifiquement des contrastes pour troubler les sens : couleurs pastel enfantines et impression de souplesse digne d’un jeu Play-Doh viennent se confronter à des formes bien plus adultes, brutes et volontairement imparfaites. L’une des signatures du Britannique : rendre le processus de production apparent dans la forme et à la surface de la pièce. Les traces de la création demeurent visibles, comme ces stries sur la console Poly. La pièce semble avoir été sculptée à la main et avec une spatule dont chaque intervention resterait perceptible. Ses pièces découpées, taillées ou moulées affichent ainsi presque toujours les traces de leur conception. Le matériau, la matière, sont travaillés dans une perspective sensorielle évidente cherchant un toucher charnel et viscéral. L’opposition entre nature et culture, environnement et action de l’homme, s’y efface au profit d’un renforcement mutuel. Sa chaise Cleft magnifie ainsi les nervures du bois de sycomore en les recouvrant de feuilles d’or. Elles n’en sont que plus remarquables.
Au PAD London, la galerie FUMI présente Max Lamb, Leora Honeyman et Jeremy Anderson
En octobre, au PAD London et à la galerie FUMI qui lui consacre un solo show, Max Lamb dévoile un nouveau projet : des pièces de design réalisées à partir d’un amoncellement de cartons issus de son atelier. Coupés, pliés, écrasés, les morceaux sont réassemblés avec des boulons, des vis, du ruban adhésif et une colle artisanale. Là encore, les pièces gardent les traces de leur fabrication tout en conservant également, selon la galerie, “l’intégrité structurelle du bois et de la pierre”. Transformer un matériau éphémère et déprécié en œuvre, lui redonner de la valeur, est une autre marque de fabrique du designer. “Une enfance passée au grand air, dans les Cornouailles et dans la ferme de son grand-père dans le Yorkshire, a attisé la curiosité de l’artiste et lui a donné la maîtrise des matériaux bruts et industriels”, suggère comme explication la galerie FUMI.
L’Américain Jeremy Anderson sera lui aussi mis à l’honneur au PAD London. L’artiste, que l’on avait remarqué au sein du studio de design Apparatus, a tout récemment intégré le programme de la galerie. Il dévoilera pour l’occasion des sculptures illuminées associant ses passions pour l’argile (qu’il travaille depuis vingt-cinq ans) et la lumière. Son luminaire Goldie reprend les codes de sa première collection de céramiques bordées de rayures hypnotiques peintes à la main. Tout comme son duo de luminaires Twins, qui évoque des personnages miniatures amusants tout droit sortis d’un film animé du Studio Ghibli (Mon voisin Totoro, Princesse Mononoké…). “Mes pièces deviennent des camarades de jeu, souligne-t-il. Une communauté de personnages que j’embellis comme si je les habillais. Grandir dans un environnement conservateur [Jeremy Anderson est originaire du Minnesota] ne m’a pas permis ce type de jeu. J’étais pourtant déjà intéressé par les poupées et les costumes – ce qu’on n’autorise pas vraiment à un jeune garçon.”
Autre artiste mise en lumière au PAD London, Leora Honeyman propose des créations méta-organiques et sci-fi, largement inspirées par la création digitale et les métavers où les formes se font hybrides, animales et végétales, acteurs tantôt menaçants, tantôt rassurants, d’un monde post-humain. Sa récente chaise Comfy en céramique tient autant de la pièce design prise d’assaut par un organisme extraterrestre que d’une célébration de la beauté aquatique d’une méduse. Ses Djinn Jar, œuvres sculpturales à part entière, ouvraient quant à eux des perspectives iconoclastes où les références au film Alien (les œufs de la créature) s’hybrident à un univers pop néo-seventies acidulé et léger. Ou quand H.R. Giger (l’homme derrière l’univers d’Alien) rencontre les Bisounours pour une union magnifique et inespérée.
PAD London, du 10 au 15 octobre 2023, Berkeley Square, Londres.