26 oct 2022

Le jour où l’artiste Peter Halley enterra le white cube à coups de peinture noire et de science-fiction

Le 8 octobre 1983 prit fin l’exposition “Science Fiction” du jeune artiste Peter Halley, 30 ans, à la John Weber Gallery de New York…

Illustration par Soufiane Ababri.

Texte par Éric Troncy.

Le jour où l’artiste Peter Halley enterra le white cube à coups de peinture noire et de science-fiction. Illustration : Soufiane Ababri.

Avec tous ses murs et plafonds peints en noir, l’exposition enterrait symboliquement le white cube concept définissant l’exposition d’art comme un espace blanc, neutre et carré. Le show n’était pas consacré à Peter Halley (sa première exposition personnelle à New York n’eut lieu que trois ans plus tard) mais rassemblait, sous son commissariat, les œuvres d’autres artistes, tous aussi peu connus que lui. “Aucun des artistes de Science Fiction, y compris Bleckner, Koons et Prince, ne bénéficiait à ce moment-là de la moindre reconnaissance ou n’était représenté par une galerie, rappelle Peter Halley. J’ai accroché une œuvre dépouillée de Bleckner, l’un des Entertainers de Richard Prince, une œuvre de Smithson, un aspirateur sous vitrine éclairé au néon de Jeff Koons et un caisson rouge de Donald Judd. Je voulais que se rencontrent l’ambiance d’un cinéma ou d’un club et celle d’une sorte de science-fiction underground. J’ai toujours été intéressé par l’idée de donner un côté théâtral aux expositions.

 

Halley explique que le but de son exposition était de proposer une inversion radicale du white cube. Il revient sur sa décision de peindre les murs en noir : “Parce que c’était le total opposé du blanc. [Rires.] Je crois qu’aujourd’hui les gens voient les années 80 comme une décénnie optimiste, exubérante. Mais aux États-Unis, elles ont commencé avec l’élection de Ronald Reagan à la présidentielle ! Il y a eu une très forte récession, une inflation galopante et beaucoup de chômage. […] Avoir un acteur de Hollywood comme président, c’était comme… voir le pire cauchemar de Jean Baudrillard se réaliser.

 

Il ajoute : “Je voulais que la galerie devienne un espace onirique, irréel. J’avais en tête le projet de transformer l’espace blanc, moderniste et sans prétention de la galerie d’art en quelque chose de théâtral, sombre et caverneux.” Les œuvres exposées n’étaient pas vraiment en lien avec la science-fiction, mais la plupart d’entre elles étant géométriques, lumineuses ou faites de Plexiglas coloré, l’exposition avait l’air tout droit sortie d’un décor de film d’anticipation. Ainsi Peter Halley attaquait-il le white cube sur tous les fronts : physique (en modifiant l’allure traditionnelle de l’espace) et psychologique (en faisant à la supposée neutralité du white cube l’affront d’un espace onirique et irréel).

 

Le critique d’art et commissaire d’exposition Bob Nickas – qui rencontra lors de cette exposition Peter Halley, avec qui il fonda en 1996 le magazine Index – fut impressionné par “Science Fiction”. “Cette exposition m’a offert des enseignements importants, notamment que les meilleures idées – aussi absurdes soient-elles – sont celles que l’on trouve toutes faites. L’idée était de ne pas en avoir.