David LaChapelle in 10 incredible stagings
Surnommé le “Fellini de la photographie”, David LaChapelle n’a pas volé sa renommée de metteur en scène qui sait attribuer à ses clichés un caractère résolument dramatique. Caractérisés par leurs vives couleurs, leurs modèles souvent dénudés aux corps sculptés un rien sulfureux et leurs compositions aussi denses que précises qui empruntent volontiers à l’iconographie chrétienne, ses œuvres dépeignent des scènes tantôt apocalyptiques, tantôt miraculeuses, tantôt humoristiques où le kitsch n’a pour égal que le spectaculaire. Retour sur la créativité sans limites de ce photographe américain à travers dix de ses images les plus épatantes.
Par Matthieu Jacquet.
1. Lizzo en couverture de Rolling Stones
En janvier 2020, le magazine américain de musique Rolling Stone dévoile la couverture de son deuxième numéro de l’année : la chanteuse et rappeuse Lizzo y apparaît au milieu d’une forêt, auréolée d’un halo de lumière et parée d’un body et d’un fichu fleuris, telle une divinité de la nature. Une consécration pour l’Américaine, que David LaChapelle immortalise également presque nue dans d’autres clichés de la séance, tantôt en bikini monogramme Louis Vuitton tantôt couronnée d’une coiffe traditionnelle thaïlandaise.
2. Alexander McQueen et Isabella Blow enflamment un château (1996)
Nous sommes en hiver 1995. Le jeune créateur britannique Lee McQueen n’est alors qu’à l’orée de sa brillante carrière dans la mode, mais fait déjà parler de lui. C’est dans le jardin du château de Hedingham que David LaChapelle le photographie aux côtés d’Isabella Blow, sa mécène, muse et amie dont il fut le protégé. Tous deux se prêtent à une mise en scène loufoque où Lee, en robe bustier, tient à la main une torche enflammée qui semble avoir mis le feu au château. Le photographe propose ici un tableau émouvant de l’humour et de l’originalité qui unissait ces personnalités, toutes deux parties bien trop tôt.
3. La Cène revisitée (2003)
Constante source d’idées pour David LaChapelle, la Bible regorge d’histoires que le photographe réinterprète à l’aune de son esthétique kitsch et parfois provocante. Réalisée en 2003, sa série Jesus is my Homeboy en est l’illustration parfaite, dépeignant des situations contemporaines inspirées par des scènes des évangiles du Nouveau Testament où le Christ occupe le premier rôle : sur l’une, celui-ci intervient dans l’arrestation d’une jeune fille par deux gendarmes, sur l’autre, il apparaît devant une poissonnerie ou encore au milieu d’une rixe de rue. Dans le dernier cliché de sa série, David LaChapelle recrée le dernier repas de Jésus entouré de ses douze apôtres, ici incarnés par onze hommes et une femme issus de plusieurs origines ethniques. Une manière d’intégrer à cette narration les personnes de couleur, presque totalement absentes des récits bibliques.
4. La maison des pêchés (2013)
Dans Self Portrait as House (2013), David LaChapelle choisit comme décor l’intérieur d’une villa tronquée à la manière d’une maison de poupée. Comme pour dresser un éventail des différents vices et comportements humains, des scènettes du quotidien y prennent ici une allure dramatique, incarnées par des modèles tous dans leur plus simple appareil. Ici, une vieille dame se débat avec un cygne dans la salle de bains, là, un homme se masturbe dans le dressing en regardant son ordinateur portable, pendant qu’une jeune femme prie agenouillée dans la chambre à coucher et une dizaine d’hommes s’étrille dans le salon.
5. Michael Jackson en archange triomphant du diable
Le 25 juin 2009, la tragique nouvelle fait le tour du monde entier : Michael Jackson, roi indétrônable de la pop, vient de s’éteindre à cinquante ans dans son manoir de Los Angeles. Seulement quelques mois avant sa mort, David LaChapelle l’avait consacré à travers une série de portrait le présentait tantôt comme le Christ mourant dans les bras de sa mère, tantôt comme l’archange Michel (Michael, en anglais), triomphant de Satan ici à ses pieds. Un véritable hommage aux airs de présage déroutant.
6. Faye Dunaway en actrice rêvant du succès (1996)
Lorsqu’il photographie l’actrice Faye Dunaway en 1996, David LaChapelle ne se tourne pas cette fois-ci vers l’iconographie chrétienne, comme il en a l’habitude, mais vers le cinéma pour trouver ses références. Inspiré par le film de John Schlesinger The Day of the Locust (Le Jour du fléau, en français), dont il reprend le nom pour intituler son cliché, le photographe dresse un parallèle entre son modèle et l’un des personnages principaux du film Faye Greener, une prostituée qui rêve de connaître le succès en temps qu’actrice. La comédienne américaine se voit alors étendue sur le toit une voiture au milieu d’une foule en folie d’or émerge la sculpture d’un Oscar : ses rêves de gloire semblent avoir été exaucés.
7. Dans le parc d’attraction de Travis Scott (2018)
Le 3 août 2018, le rappeur américain Travis Scott dévoile son troisième album Astroworld. Emprunté à un parc d’attraction de Houston désormais fermé, son titre est également illustré par l’image qui lui sert de couverture, réalisée par David LaChapelle. Pour l’occasion, le photographe reprend le visage du chanteur en un château gonflable pr lequel les visiteurs du parc sont invités à rentrer pour accéder aux attractions. Outre cette prise de vue réalisée en journée, d’autres clichés sont dévoilés, mettant en scène des danseurs, contorsionnistes et performeurs (dont Amanda Lepore) dans ce même décor, cette fois-ci de nuit.
8. Au cœur du déluge (2007)
À ce jour, la série Deluge reste sans doute l’une des plus impressionnantes mises en scène du photographe américain, mais également une étape cruciale dans sa vie et sa carrière. C’est sur l’île hawaïenne de Maui, où il vient d’élire résidence en 2007 et de développer une ferme biologique, que David LaChapelle réalise cette photographie de 7 mètres de long, mettant en scène des hommes, femmes et enfants soumis à la fatalité d’un déluge imminent. Sa composition très précise ne cache pas ses références à la fresque Le Déluge, peinte en 1508 par Michel-Ange sur le plafond de la chapelle Sixtine, qui a particulièrement marqué le photographe.
9. La cathédrale engloutie (2007)
Après la pluie vient le beau temps, et les dégâts seront progressivement réparés. Venant comme une suite logique à Deluge, la série After the Deluge sera déclinée en plusieurs clichés, dont un particulièrement marquant : la vue d’une cathédrale noyée dans l’eau désormais apaisée. Y apparaissent une douzaine de naufragés, les yeux tournés vers le hors champ, qui semblent appeler à la rescousse une frégate de sauveteurs tandis que la lumière divine illumine leurs visages à travers les somptueux vitraux.
10. Le naufrage de notre monde contemporain (2019-2020)
C’est une réelle apocalypse contemporaine que met en scène David LaChapelle dans Spree. Réalisée très récemment, cette œuvre indéniablement pessimiste représente un épisode maintes fois romancé : le naufrage d’un paquebot de croisière suite à une collision avec un iceberg. A travers ce Titanic revisité, le photographe évoque implicitement le naufrage d’une société aveugle à la fonte des glaces et au réchauffement climatique, continuant de “faire la fête” alors que l’urgence guette et que les conséquences de ses actes la menacent déjà.