D’Arthur Jafa à Jeff Mills et Hito Steyerl, le festival du club mythique berlinois Tresor célèbre la techno et l’art
Pour ses trente et un ans, le mythique club berlinois Tresor, pionnier de la techno, organise jusqu’au 30 août un festival alliant musique électronique et art contemporain.
Berlin, 1991. Achim Kohlenberger, gérant du club d’acid-house à Berlin-Ouest Ufo, et Johnnie Stieler, organisateur des premières raves berlinoises, découvrent la carcasse en béton abandonnée d’un ancien magasin Wertheim, rue de Leipzig. C’est au sous-sol, dans la salle des coffres de ce bâtiment désaffecté, qu’ils décident d’ouvrir un club techno deux ans après la chute du mur : de là est né Tresor. Trente et un ans plus tard, ce lieu emblématique de la culture techno berlinoise, transféré depuis 2007 dans une ancienne centrale thermique du quartier de Berlin-Mitte, célèbre son anniversaire. L’événement intitulé Tresor31: Techno, Berlin und die große Freiheit (Techno, Berlin, une grande liberté) propose jusqu’au 30 août 2022 un festival mêlant musique électronique et art contemporain. Avec plus d’une vingtaine de soirées, des conférences, des ateliers et une exposition, le club, qui entre dans sa troisième décennie, interroge la diffusion de la culture techno undergound et ses héritages. L’accent est mis sur le rôle historique de Tresor qui, pour l’occasion, invite des pionniers de la musique électronique tels qu’Underground Resistance – collectif de techno mythique fondé en 1990 à Détroit avec, entre autres, Robert Hood et Jeff Mills. À côté, on trouve également de nouvelles propositions expérimentales à l’image de celle de l’artiste britannique Blackhaine, qui mêle performance, poésie, influences rap et musique électronique.
L’exposition “Techno, Berlin und die große Freiheit” qui a lieu à Kraftwerk, espace d’exposition intégré au bâtiment du Tresor depuis 2010, est conçue comme un portrait entremêlant histoires individuelles et collectives autour de la culture techno. Elle pense le développement transnational de la musique électronique dans les contextes postindustriels de villes telles que Détroit ou encore Berlin. La structure brute du lieu, baigné de sons et de lumières, est ponctuée de films, de sculptures, d’images d’archives, de photographies reflétant l’héritage esthétique et politique de trois décennies d’histoire des musiques électroniques. L’exposition propose une expérience sensorielle où le son tient une place centrale au milieu des propositions d’une vingtaine d’artistes. Parmi eux, la réalisatrice anglo-nigérienne Jenn Nkiru, à l’origine du clip de Beyoncé Brown Skin Girl, y présente son documentaire Black to Techno (2019), exploration des racines anthropologiques, sociales et géopolitiques de la techno. Le réalisateur, musicien et artiste afro-américain Arthur Jafa nous plonge lui aussi aux origines de la musique électronique avec son œuvre APEX (2013) diaporama d’images d’archives trouvées, projetées avec un effet stroboscopique au rythme de Minus, composition de Robert Hood (1994). L’œuvre superpose de manière poétique et réflexive l’histoire collective noire-américaine et celle de la musique électronique pour souligner leur complémentarité. L’artiste multimédia et théoricienne allemande Hito Steyerl offre, quant à elle, dans sa vidéo-portrait Die leere Mitte (1998), une méditation sur l’héritage de la guerre froide et son impact sur l’espace public berlinois. Mêlant art contemporain et musique électronique au sein de propositions variées, ce festival reflète la manière dont la culture underground constitue une source d’inspiration inépuisable pour les artistes.
Exposition “Techno, Berlin und die große Freiheit”, à Kraftwerk, Köpenicker Str. 70, Berlin, jusqu’au 30 août.
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