7 déc 2022

Artist Tirdad Hashemi expresses a primal, universal, violent energy that echoes the state of our contemporary world

À l’affiche d’une exposition personnelle jusqu’au 11 mars 2023 à la galerie gb agency, la jeune artiste Tirdad Hashemi exprime en dessins et en peintures la violence de notre monde, de l’Iran, son pays d’origine, à Paris, Istanbul et Berlin, ses villes d’adoption. Numéro art l’a rencontrée et photographiée à Paris, en collaboration avec la maison Gucci.

Texte par Ingrid Luquet-Gad.

Portraits par Eva Wang.

Réalisation par Ferdi Sibbel Eva Wang.

Portraits by Ingrid Luquet-Gad.

Tirdad Hashemi : une peinture en éruption

 

 

La violence est éruptive. Sourde et aveugle. C’est un flux vital, sans autre but que le principal : exister, malgré tout. Un cri sans les mots donc, empreint de la qualité universelle qui relie tous les fugitifs de la norme. Et néanmoins, c’est un vecteur de création incandescente, celle qui anime et consume Tirdad Hashemi. À Paris, on découvrait l’artiste au fil de petits formats sur papier, saynètes ancrées dans un environnement urbain gris, maussade, solitaire. Là, chacun prend à contrecœur le métro, s’inquiète d’avoir été ghosté, fait l’expérience des violences policières. Surtout, chacun, ou du moins les pairs que représente l’artiste, se met à la recherche d’un refuge : une parcelle de chaleur, une sensation de communion, qu’elle surgisse dans l’espace domestique intime, la touffeur du club ou les alliances furtives de corps qui se mêlent. Et toujours ce jaillissement primal, intérieur et universel, que nul seuil ni porte ne saurait contenir, qui part des entrailles pour éclabousser le réel : sang, eau, soleil, feu.

Tirdad Hashemi, “Rihoney Fountain” (2019). Pastel gras, 15 x 19 cm. Photo : Aurélien Mole. Courtesy of galerie Marcelle Alix, Paris, 2020

De Téhéran à Berlin, des dessins qui expriment la violence du quotidien

 

 

Née en 1991 à Téhéran, partie d’Iran pour vivre son homosexualité, Tirdad Hashemi cultive désormais le mouvement perpétuel, entre sa ville natale, Istanbul, Paris et Berlin. Celle dont les petits formats sur papier témoignent de la volonté de larguer toute amarre dit avoir commencé à peindre “parce que cela [lui] permettait d’exprimer les choses qu’[elle] ne pouvait dire verbalement”. Alors ses représentations prennent pour source le quotidien, le sien et celui de ses amis en exil, mais son médium, précisément, elle l’a élu car il lui permettait de se détacher du factuel, de l’advenu. De se décoller d’un visible trop monolithique qu’elle envoie de fait tanguer, voguer, valser. Cet aller-retour entre ce qui est là, pour tous, et ce qui pourrait être, pour les proches, est aussi ce qui se joue dans les éruptions : “Je ne regarde pas la télévision, car il m’est intenable d’entendre parler de toutes ces catastrophes, chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Je fais face à la violence urbaine au quotidien, celle de la vie dans les grandes villes ; et tout cela apparaît dans mes peintures sous la forme de catastrophes naturelles contre lesquelles l’individu ne peut lutter.

Tirdad Hashemi, “New spirits of yesterday’s memories” (2021). Pastel gras et papier ciré, 21 x 29,7 cm. Photo : Aurélien Mole. Courtesy of Tirdad Hashemi and gb agency.

Une collaboration avec Soufia Erfanian et une exposition à la galerie gb agency

 

 

Puis, au plus sombre de l’hiver dernier, la pratique de Tirdad Hashemi s’est élargie à d’autres mains que les siennes. En résidence à l’atelier B.L.O. à Berlin, elle entreprend une collaboration avec Soufia Erfanian. “Nous venons toutes les deux de familles traditionnelles où le sujet des émotions, particulièrement celles qui ont trait à la sexualité ou au genre, n’avaient jamais droit de cité. Avec ce projet, nous voilà ensemble attablées au petit déjeuner, en train de l’aborder avec le monde entier. Ce projet continuera aussi longtemps que Soufia et moi formerons un couple.” Insensiblement, la représentation a également évolué. Ce n’est pas qu’elle soit plus apaisée : plutôt qu’au beau milieu d’un monde volcanique, deux figures féminines, des doubles, font face, front et famille élective ensemble, impassibles aux tourments incontrôlables. Au sein de l’exposition collective “La Fugitive”, inaugurée mi-septembre au Crédac à Ivry-sur-Seine, elles présentent une série de six œuvres récentes sur papier. Le titre de l’une d’entre elles, créée en 2021, s’en fait l’écho en creux : The Safest Place to Find Is Behind Your Hair [“L’endroit le plus sûr qui soit est derrière tes cheveux”].

 

 

Tirdad Hashemi, “The Trapped Lullabies, du 4 février au 11 mars 2023 à la galerie gb agency, Paris 3e.

Tirdad Hashemi, “What if they take her from me?” (2022). Médias mixtes sur toile, 60 x 40 cm. Photo : Aurélien Mole. Courtesy of Tirdad Hashemi and gb agency.

An eruptive approach to painting

 

 

Violence is eruptive. Deaf and blind. It is a vital flow, with no other aim than to exist. A wordless cry, endowed with the universal quality that connects all those who have fled the norm. And yet, it is a vehicle of incandescent creation, of the kind that drives and consumes the artist Tirdad Hashemi. In Paris, we discovered her through small works on paper, scenes rooted in a grey, gloomy, solitary cityscape where everyone reluctantly takes the metro, worries about being ghosted, experiences police brutality. Above all, everyone is looking for a refuge, a bit of warmth, a feeling of communion, whether in the privacy of a home, the heat of a club or the fleeting chemistry of embracing bodies. And always this primal, inner, universal surge, which no threshold or door can contain and which rises from the entrails to splatter reality with blood, water, sun, fire.

Tirdad Hashemi, “Rihoney Fountain” (2019). Oil pastel, 15 x 19 cm. Photo : Aurélien Mole. Courtesy of galerie Marcelle Alix, Paris, 2020

From Tehran to Berlin, violence expressed in an intimate way

 

 

Born in 1991 in Tehran, Hashemi left Iran to live openly as a gay woman and now travels on a perpetual loop between her native city, Istanbul, Paris and Berlin. Her small works on paper bear witness to her desire to cast off all ties; she started painting, she says, “because it allowed me to express things I couldn’t say with words.” Her pictures are embedded in everyday life, her own and that of her friends in exile, but she chose her medium precisely because it allowed her to detach herself from the matter-of-fact, to take a step back from a visible reality that is too monolithic, which she sends packing, sailing, flying. This back and forth between what is there, for everyone, and what could be, for those close to her, also plays out in that eruptive force. “I don’t watch TV because it’s unbearable for me to hear about all those catastrophes, every day, every hour, every second. I face urban violence on a daily basis, the violence of life in big cities. And all this appears in my paintings in the form of natural disasters against which the individual cannot fight.”

Tirdad Hashemi, “New spirits of yesterday’s memories” (2021). Oil pastel and wax paper, 21 x 29,7 cm. Photo : Aurélien Mole. Courtesy of Tirdad Hashemi and gb agency.

Diving into collective art to find peace

 

 

Last winter, during a residency at Berlin’s B.L.O., she began a collaboration with Soufia Erfanian. “We both come from traditional families where the topic of emotions, especially those related to sexuality or gender, never found their rightful place. With this project, here we are sitting together at breakfast, discussing it with the whole world. The project will continue as long as Soufia and I are together.” The representation has also shifted, even though it’s no calmer. Rather, in the midst of a volcanic world, two female figures face up, stand up and form an elective family, unfazed by uncontrollable turmoil. This was echoed in the recent collective exhibition La Fugitive at Ivry-sur-Seine’s Crédac, where they showed a series of six works on paper, one of which is titled The Safest Place to Find Is Behind Your Hair.

 

 

Tirdad Hashemi is represented by gb agency in Paris.

Tirdad Hashemi, “What if they take her from me?” (2022). Mixed media on canvas, 60 x 40 cm. Photo : Aurélien Mole. Courtesy of Tirdad Hashemi and gb agency.