Une maison moderniste en plein cœur de la forêt brésilienne
Imaginée à Sao Paulo en 1951 par l’architecte Lina Bo Bardi, la Casa de Vidro prend place au cœur de la forêt, semblant faire littéralement corps avec celle-ci. Lieu d’exposition qui accueille des artistes, elle présente en ce moment les sculptures en métal de Leonor Antunes.
Texte et photos par Thibaut Wychowanok.
“La maison représente une tentative de communion avec la nature. Je cherche à respecter cet ordre naturel avec clarté. Je n’ai jamais aimé les maisons fermées qui se détournent de l’orage et de la pluie.” C’est par ces mots que l’architecte d’origine italienne Lina Bo Bardi décrivait sa célébrissime Casa de Vidro, maison de verre moderniste érigée en 1951 dans un nouveau quartier de Sao Paulo encore encerclé par la forêt tropicale. La bâtisse horizontale flotte toujours aujourd’hui au-dessus d’une nature flamboyante, hissée sur de fins pilotis d’un doux bleu qui continuent leur course à travers la spacieuse salle principale. Infuencée par Mies van der Rohe et les lignes épurées d’une architecture moderniste ouverte, Lina Bo Bardi a imaginé l’espace central de la maison telle une boîte de verre : les vastes baies vitrées plongent ses habitants (l’architecte et son mari y ont vécu quarante ans) dans les hauteurs des arbres et leur feuillage luxuriant.
Le vaste lieu, d’un seul tenant, fait office à la fois de bibliothèque et de bureau, de salle à manger et de salon. Depuis sa réouverture au public en 2013, la Casa de Vidro invite régulièrement un artiste à prendre possession de cet espace. La Portugaise Leonor Antunes, dont le pavillon à la Biennale de Venise en 2019 avait marqué les esprits, y déploie un ensemble de sculptures en métal. Ces tiges autour desquelles des spirales s’enroulent comme un lierre du sol au plafond rendent hommage autant à la forme originale des bibliothèques imaginées par Lina Bo Bardi pour la maison qu’à la nature environnante. L’artiste a aussi choisi quelques pièces dans la collection de l’architecte, telle cette statue religieuse baroque surgissant dès l’entrée. Car Lina Bo Bardi, bien que moderniste, ne rejetait pas la tradition, l’art naïf et le kitsch revalorisé du Brésil qu’elle avait adopté.
Le kitsch, écrivait l’architecte italien Alessandro Mendini, est “un mot très répandu dans le sud de l’Allemagne, et qui a le sens de ‘rassembler’, de ‘réunir au hasard’, et, dans un usage plus spécifique, de ‘faire à partir de vieux meubles de nouveaux meubles’.” C’est un peu ce que fait l’architecte en employant la pierre bleu pâle, très répandue dans le Brésil des années 50, pour la réinventer totalement en la plaçant au sol. Sa modernité si spécifique, en lien avec la tradition, tient tout entière dans ces petits détails. Au cœur de la maison, un petit jardin intérieur permet à un arbre majestueux de s’élever, à l’instar des pilotis, du sol jusqu’au ciel, comme s’il la traversait. Dès cette première réalisation brésilienne, la palette de Lina Bo Bardi éclate au grand jour : l’air, la lumière, la nature et l’art.