Who is Stephen Jones, the favorite hatter of celebrities and fashion houses?
Célèbre dandy anglais, Stephen Jones réalise depuis quarante ans des chapeaux pour les plus grandes maisons de mode, de Dior à Jean Paul Gaultier en passant par Schiaparelli et les stars comme Rihanna et Lady Diana. Numéro revient sur le parcours de ce modiste iconoclaste au talent exceptionnel.
Par Léa Zetlaoui.
By Léa Zetlaoui.
Célèbre dandy anglais, Stephen Jones réalise depuis quarante ans des chapeaux pour les plus grandes maisons de mode, de Dior à Jean Paul Gaultier. Numéro revient sur le parcours de ce modiste iconoclaste au talent exceptionnel.
Stephen Jones, gardien du savoir-faire de la maison Dior
Si depuis les créateurs se sont succédé à la direction artistique de la maison, Stephen Jones demeure un fidèle partenaire, voire une sentinelle qui perpétue l’héritage. “Stephen occupe la place de modiste de Christian Dior depuis vingt-cinq ans – pour moi, il est un oracle de la maison. Il en a absorbé toutes les facettes, et celles du couturier lui-même”, confesse Kim Jones. En 2020, la maison Dior dédie un ouvrage à ses chapeaux signé de la main de Stephen Jones – également mentionné dans le titre aux côtés du fondateur – et une exposition dans son musée de Granville en 2022. Rares sont les modistes ayant accédé à une telle reconnaissance, par ailleurs uniquement fondée sur leur savoir-faire (dans le cas de Coco Chanel, ce fut pour son activité de couturière). En témoigne l’exposition Hats: An Anthology by Stephen Jones qu’il réalise en 2009 en collaboration avec le Victoria and Albert Museum de Londres et dont le titre est un clin d’œil à celle du photographe anglais Cecil Beaton, Fashion: An Anthology by Cecil Beaton, de 1971. Et ces cinq dernières années, Stephen Jones n’a jamais été aussi prolifique. Outre ses deux collections annuelles en nom propre et celles pour Dior, il compte des collaborations avec les maisons Schiaparelli, Moschino et Rochas, avec les créateurs américains Thom Browne et Marc Jacobs ou encore avec la créatrice anglaise Grace Wales Bonner, ainsi que des créations sur mesure pour Rihanna, Lady Gaga et Kylie Jenner. Une liste évidemment non exhaustive. “Au cours de ma carrière, j’ai travaillé avec beaucoup de créateurs, mais jamais autant qu’en ce moment. Chaque fois, je l’envisage comme une conversation avec des gens très différents. Ils me nourrissent et je les nourris. J’ai une vision personnelle du beau et du laid, et eux ont la leur. Dois-je forcément soutenir mon point de vue ? Non, auprès d’eux, je veux apprendre. Je retrouve mon âme d’enfant”, analyse le créateur. Derrière la carrière exceptionnelle de Stephen Jones, il y a donc un secret : une vision libre et radicale de la mode doublée d’un immense talent et d’une curiosité insatiable.
Des créations adoubées par Lady Diana
Au cours de cette période charnière où Londres incarne l’épicentre du renouveau culturel et créatif, l’élève punk se mue en un jeune créateur phare des New Romantics, une contre-culture associée à la new wave, qui partage avec le glam-rock cher à David Bowie une appétence pour une mode androgyne, augmentée de références historiques. À l’occasion des folles soirées au Blitz, une célèbre discothèque londonienne qu’il fréquente assidûment, Stephen Jones imagine des chapeaux extravagants pour ses colocataires, l’auteur- compositeur-interprète Boy George et l’artiste Grayson Perry, ainsi que pour ses amis, le couturier français Jean-Paul Gaultier et le groupe de musique Duran Duran. En 1980, Steve Strange, le propriétaire du club, finance le salon de Stephen Jones dans le quartier de Covent Garden, et, deux ans plus tard, Lady Diana, récemment devenue princesse de Galles, fera appel à ses talents. Par la suite, la jeune garde des créateurs de mode ne jure que par son talent et son œil avisé, de Rei Kawakubo, fondatrice de Comme des Garçons, aux audacieux Jean-Paul Gaultier et Thierry Mugler, la très punk Vivienne Westwood et bien sûr le fantasque John Galliano. Quand ce dernier rejoint la direction artistique de Dior en 1996, Stephen Jones devient le premier modiste anglais à réaliser les chapeaux et les coiffes de l’illustre maison. “La pièce la plus exceptionnelle que j’aie jamais créée fut pour le défilé Dior haute couture printemps-été 2004 de John Galliano, inspirée par l’Égypte antique. Une énorme couronne dorée d’un mètre de hauteur portée par Erin O’Connor”, se remémore-t-il.
Stephen Jones, créateur sentinel de la maison Dior
Si depuis les créateurs se sont succédé à la direction artistique de la maison, Stephen Jones demeure un fidèle partenaire, voire une sentinelle qui perpétue l’héritage. “Stephen occupe la place de modiste de Christian Dior depuis vingt-cinq ans – pour moi, il est un oracle de la maison. Il en a absorbé toutes les facettes, et celles du couturier lui-même”, confesse Kim Jones. En 2020, la maison Dior dédie un ouvrage à ses chapeaux signé de la main de Stephen Jones – également mentionné dans le titre aux côtés du fondateur – et une exposition dans son musée de Granville en 2022. Rares sont les modistes ayant accédé à une telle reconnaissance, par ailleurs uniquement fondée sur leur savoir-faire (dans le cas de Coco Chanel, ce fut pour son activité de couturière). En témoigne l’exposition Hats: An Anthology by Stephen Jones qu’il réalise en 2009 en collaboration avec le Victoria and Albert Museum de Londres et dont le titre est un clin d’œil à celle du photographe anglais Cecil Beaton, Fashion: An Anthology by Cecil Beaton, de 1971. Et ces cinq dernières années, Stephen Jones n’a jamais été aussi prolifique. Outre ses deux collections annuelles en nom propre et celles pour Dior, il compte des collaborations avec les maisons Schiaparelli, Moschino et Rochas, avec les créateurs américains Thom Browne et Marc Jacobs ou encore avec la créatrice anglaise Grace Wales Bonner, ainsi que des créations sur mesure pour Rihanna, Lady Gaga et Kylie Jenner. Une liste évidemment non exhaustive. “Au cours de ma carrière, j’ai travaillé avec beaucoup de créateurs, mais jamais autant qu’en ce moment. Chaque fois, je l’envisage comme une conversation avec des gens très différents. Ils me nourrissent et je les nourris. J’ai une vision personnelle du beau et du laid, et eux ont la leur. Dois-je forcément soutenir mon point de vue ? Non, auprès d’eux, je veux apprendre. Je retrouve mon âme d’enfant”, analyse le créateur. Derrière la carrière exceptionnelle de Stephen Jones, il y a donc un secret : une vision libre et radicale de la mode doublée d’un immense talent et d’une curiosité insatiable.
Les chapeaux de Stephen Jones entre simplicité et extravagance
“En visionnaire, Stephen est capable d’imaginer des créations mémorables. Même dans leur simplicité et leur quotidienneté, elles sont uniques”, explique Maria Grazia Chiuri, directrice artistique des collections femme de Dior, “Je me souviens cependant de ma première collection haute couture [le défilé Dior haute couture printemps-été 2017], il avait été décidé d’organiser une soirée après le défilé inspiré du bal des Têtes [un événement somptueux organisé par le baron Alexis de Redé, à l’hôtel Lambert en 1956]. Stephen avait imaginé pour nous des bibis extraordinaires. C’est alors que j’ai vraiment compris ce qu’était ce chapeau”, poursuit-elle. Pour Stephen Jones, qu’importe le style pourvu qu’il repousse les limites de son art, que ce soit à travers les volumes, les proportions, les matières ou les ornements. “Le chapeau est un accessoire visible qui donne du caractère et de la personnalité”, glisse le créateur originaire du Cheshire, tout comme un certain Lewis Carroll, qui a donné vie au personnage du Chapelier fou dans Alice au pays des merveilles (1865).
Dans une industrie de la mode toujours en quête de nouveauté, la longévité exceptionnelle de Stephen Jones ne repose pas uniquement sur une imagination foisonnante et un savoir-faire hors pair. “Ses chapeaux sont créatifs, iconoclastes et révolutionnaires, explique Adrian Joffe, ami de longue date de Stephen Jones et cofondateur du concept store Dover Street Market aux côtés de la créatrice japonaise Rei Kawakubo. Il brise les codes, mais en même temps il respecte les traditions. Et puis son travail lui ressemble : extravagant, magnifique et très particulier.” Stephen Jones lui-même le concède volontiers, il aime être dans la contradiction. D’abord étudiant en art au High Wycombe College of Art, le futur modiste intègre ensuite le très réputé Central Saint Martins de Londres, dont il sort diplômé en design de mode en 1979. “Quand j’étais étudiant, j’aimais me plonger dans les vieilles éditions du magazine Vogue. Dans les années 70, ce qui était tendance c’était un vestiaire facile à porter et un style rustique. Je détestais ça. En revanche j’adorais les photos des robes Balenciaga, Dior ou Jacques Fath prises par Henry Clarke, desquelles se dégageaient élégance et raffinement. Des poses anguleuses et une esthétique graphique que l’on retrouve selon moi chez Johnny Rotten, le chanteur des Sex Pistols, avec ce désir d’absolu, d’être le meilleur et le plus énergique. Une attitude extrême, que je considère comme glamour, qui contraste avec la mode confortable de l’époque.”
Stephen Jones, le modiste des stars et des grandes maisons
Outre un talent exceptionnel, quel point commun partagent les créateurs Jean-Paul Gaultier, Rei Kawakubo, Kim Jones, Raf Simons, Maria Grazia Chiuri, Vivienne Westwood, John Galliano et Marc Jacobs ? La réponse tient en un seul nom : Stephen Jones. Depuis plus de quarante ans, ce dandy anglais à l’enthousiasme contagieux excelle dans l’art de concevoir des chapeaux. À tel point que les grandes maisons de mode, tout comme les jeunes créateurs, sollicitent régulièrement pour leurs collections le célèbre modiste, également à la tête de sa propre marque. “Je connais Stephen depuis très longtemps”, confie Kim Jones, directeur artistique des collections homme de Dior. “Quand j’étais adolescent [dans les années 80], il était l’une de mes idoles. Notre collaboration a débuté quand je suis arrivé chez Dior et je le respecte énormément.”
Exaltant comme personne le pouvoir évocateur de cet accessoire aujourd’hui considéré comme secondaire, Stephen Jones accorde autant d’attention à un simple béret en cuir, comme celui du défilé Dior automne-hiver 2017-2018, adopté par la suite par la chanteuse et icône Rihanna, qu’à une coiffe spectaculaire en plumes noires pour le défilé printemps-été 2014 de Louis Vuitton, le dernier sous l’égide de Marc Jacobs.
Stephen Jones, des New Romantics à Lady Diana
Au cours de cette période charnière où Londres incarne l’épicentre du renouveau culturel et créatif, l’élève punk se mue en un jeune créateur phare des New Romantics, une contre-culture associée à la new wave, qui partage avec le glam-rock cher à David Bowie une appétence pour une mode androgyne, augmentée de références historiques. À l’occasion des folles soirées au Blitz, une célèbre discothèque londonienne qu’il fréquente assidûment, Stephen Jones imagine des chapeaux extravagants pour ses colocataires, l’auteur- compositeur-interprète Boy George et l’artiste Grayson Perry, ainsi que pour ses amis, le couturier français Jean-Paul Gaultier et le groupe de musique Duran Duran. En 1980, Steve Strange, le propriétaire du club, finance le salon de Stephen Jones dans le quartier de Covent Garden, et, deux ans plus tard, Lady Diana, récemment devenue princesse de Galles, fera appel à ses talents. Par la suite, la jeune garde des créateurs de mode ne jure que par son talent et son œil avisé, de Rei Kawakubo, fondatrice de Comme des Garçons, aux audacieux Jean-Paul Gaultier et Thierry Mugler, la très punk Vivienne Westwood et bien sûr le fantasque John Galliano. Quand ce dernier rejoint la direction artistique de Dior en 1996, Stephen Jones devient le premier modiste anglais à réaliser les chapeaux et les coiffes de l’illustre maison. “La pièce la plus exceptionnelle que j’aie jamais créée fut pour le défilé Dior haute couture printemps-été 2004 de John Galliano, inspirée par l’Égypte antique. Une énorme couronne dorée d’un mètre de hauteur portée par Erin O’Connor”, se remémore-t-il.
Stephen Jones, the milliner of celebrities and great fashion houses
Besides their exceptional artistry, what do the designers Jean-Paul Gaultier, Rei Kawakubo, Kim Jones, Raf Simons, Maria Grazia Chiuri, Vivienne Westwood, John Galliano and Marc Jacobs have in common? The answer is Stephen Jones. For the past 40 years, this English dandy has excelled at making hats, to the point where all the big fashion houses, not to mention the young designers, seek out the services of this great milliner, who also has his own label. “I’ve known Stephen for a very long time,” confides Kim Jones, artistic director of the menswear collections at Dior. “When I was a teenager [in the 1980s], he was one of my idols. Our collaboration began when I arrived at Dior, and I respect him enormously.”
A past master at exalting the evocative power of an accessory that is today considered secondary, Stephen Jones will lavish as much care on a simple leather beret, like the one he made for Dior’s autumn/winter 2017–18 runway show, which was afterwards worn by Rihanna, as on a spectacular headdress in black feathers for the spring/summer 2014 Louis Vuitton show, the last under Marc Jacobs.
The hats of Stephen Jones between simplicity and extravaganza
“A true visionary, Stephen is able to dream up memorable creations. Even when they’re simple, everyday kind of hats, they’re unique,” explains Maria Grazia Chiuri, artistic director of womenswear at Dior. “I also remember my first Dior haute couture collection [spring/summer 2017],” she continues. “After the show we threw a party inspired by the Bal des Têtes [a sumptuous ball put on by Baron Alexis de Redé at the Hôtel Lambert in 1956]. Stephen created extraordinary pill boxes for us. That was when I really understood what that hat is all about.” For Jones, whose enthusiasm for his work is infectious, the style of a hat is of no importance as long as it pushes the boundaries of the milliner’s art, whether through volume, proportion, materials or ornaments. “A hat is a visible accessory that gives character and personality,” says the Cheshire-born designer, an origin he shares with Lewis Carroll, inventor of the famous Mad Hatter in Alice in Wonderland (1869).
In a fashion industry constantly seeking novelty, Jones’s exceptional longevity cannot only be explained by his overflowing imagination and unrivalled knowhow. “His hats are creative, iconoclastic and revolutionary,” explains Adrian Joffre, a long-time friend of Stephen Jones and the co- founder, with Japanese designer Rei Kawakubo, of the concept store Dover Street Market. “He breaks the rules, but at the same time respects the traditions. His work is like him: extravagant, magnificent and very particular.” Jones himself has no problem admitting that he likes to play with contradiction. He first attended High Wycombe College of Art before studying fashion at London’s celebrated Central Saint Martins, from where he graduated in 1979. “When I was a student, I loved leafing through old editions of Vogue. In the 70s, easy-to- wear wardrobes and rustic styles were in fashion. I hated all that. But I loved the photos of gowns by Balenciaga, Dior and Jacques Fath taken by Henry Clarke, so full of elegance and refinement – angular poses and a graphic aesthetic, which for me you also find in Johnny Rotten, the Sex Pistols singer, with this total desire to be the best and the most energetic. It’s an extreme attitude that I find very glamorous and which contrasted with all the comfortable clothing fashionable at the time.”
Stephen Jones, from New Romantics to Lady Diana
During this heady period, when London was the epicentre of street style, Jones evolved from a punk student to a key designer for the New Romantics, who shared with glam rock and David Bowie a taste for androgyny, but also went in for extravagant historic references. To jolly up their endless nights out at the celebrated Blitz club, Jones made outrageous hats for his flatmates – the pop star Boy George and the artist Grayson Perry – as well as for his friends, the French designer Jean Paul Gaultier and the band Duran Duran. In 1980, Steve Strange, the club’s owner, offered to finance Stephen Jones’s hat shop in Covent Garden, and just two years later Princess Diana called on his knowhow. After that, all the avant-garde creators swore by his eye and talent, from Rei Kawakubo, founder of Comme des Garçons, and Jean Paul Gaultier, to the equally audacious Thierry Mugler, the very punk Vivienne Westwood and of course the fanciful John Galliano. When the latter was appointed artistic director at Dior, in 1996, Jones became the first British milliner to make hats and head- dresses for the illustrious brand. “Probably the most exceptional piece I ever made was for Dior’s spring-summer 2004 couture show, designed by John Galliano and inspired by ancient Egypt. It was an enormous gilded column, 1 m high, worn by Erin O’Connor,” he recalls.
Stephen Jones, guardian of Dior’s know-how
While many other artistic directors have come and gone at Dior since Galliano, Stephen Jones remains a faithful Dior collaborator, a sentinel even, who continues its traditions. “Stephen has been the milliner to Christian Dior for 25 years – for me, he is the brand’s oracle. He has absorbed all its facets, and all those of a couturier too,” declares Kim Jones. His words are borne out by the 2020 book Dior brought out on Stephen Jones’s hats, as well as the exhibition on his work the brand organized at its Granville museum in 2022. Rare are the milliners who have achieved such recognition uniquely for their savoir-faire (Chanel, who started out as a milliner, achieved fame as a couturier). In 2009, Jones cocurated the exhibition Hats: An Anthology at London’s Victoria and Albert Museum, with a title that referenced Cecil Beaton’s 1971 show Fashion: An Anthology. These past five years have been Jones’s most prolific yet. Besides his two annual collections under his own name and those he does for Dior, he has worked with Schiaparelli, Moschino, Rochas, Thom Browne, Marc Jacobs and the British designer Grace Wales Bonner, as well as on special projects for Rihanna, Lady Gaga and Kylie Jenner – a list that is far from exhaustive. “I’ve worked with many designers over the course of my career, but never so many as right now. Each time, I look at it as a conversation between people who are very different. They nourish me and I nourish them. I have my own per- sonal vision of beauty and ugliness, and they have theirs. Do I necessarily have to defend my point of view? No, with them I want to learn, I find the child in me again,” analyses Jones. Here we have the secret to his exceptional career: a radical vision of fashion coupled with a deep knowledge of its techniques and methods; an insatiable curiosity paired with a sincere and heartfelt modesty.
www.stephenjonesmilllinery.com