Trees struck by lightning brought back to life by artist Danh Vo at the Bourse de Commerce
L’artiste danois d’origine vietnamienne s’empare de la monumentale rotonde de la Bourse de commerce jusque fin avril. A l’invitation de la Pinault Collection, Danh Vo y a installé d’impressionnants troncs d’arbres foudroyés par les intempéries et engage une réflexion sur notre rapport à la nature…
Par Thibaut Wychowanok.
Au milieu de la rotonde de la Bourse de commerce, sous l’impressionnante verrière, des troncs d’arbres foudroyés par les intempéries s’élancent vers le ciel comme un dernier geste désespéré pour survivre. Installés par l’artiste Danh Vo telle un bouquet monumental – à l’échelle du lieu, ces arbres se déploient dans leur mort à travers les mutations les plus inattendues. Ils fleurissent, mais les fleurs qui surgissent sur l’installation, par touches éparses, colorées et séductrices, sont en réalité des photographies prises par l’artiste et installées par ses soins. La floraison du cadavre – la mort est un très bon terreau – annonce d’autres surprises comme ces œuvres plus anciennes de l’artiste (sculptures de bois pour la plupart) qui viennent se lover ou s’unir aux troncs comme autant de branches greffées. Ce bouquet d’arbres forme une œuvre paradoxale, mortifère et fragile, portée par l’espoir et la résilience, et plus prosaïquement par des structures de bois de construction qui soutiennent les troncs martyrisés. « Une expérience où beauté et menace s’entremêlent dans un même espace” résume la commissaire Caroline Bourgeois.
« Une expérience où beauté et menace s’entremêlent dans un même espace” résume la commissaire Caroline Bourgeois.
Danh Vo invité de l’exposition “Avant l’orage” à la Bourse de commerce
L’œuvre forme en quelque sorte un manifeste philosophique de la nouvelle orientation du travail de l’artiste. Depuis quelques années, Danh Vo s’est installé dans un atelier-ferme à Güldenhof en Allemagne. Parmi un verger, des prés, des jardins ou une serre, il travaille à la réunification des significations du mot “culture”. Le soin apporté à la nature pour son développement par le jardin et le verger trouve un écho dans ce care pour la nature blessée des arbres de la Bourse. Il y développe tout autant sa culture, de la nature, en l’occurrence sa connaissance des fleurs de son jardin qu’il recense méticuleusement par des photographies légendées à la main de leur nom scientifique. C’est ici que se trouve l’origine de la série de photos de fleurs à la Bourse de commerce – cette fois-ci réalisée chez un fleuriste. A rebours de la culture occidentale, Danh Vo déjoue l’opposition entre nature et culture. L’art – objet culturel par excellence – retrouve en elle son berceau. C’est dans le jardin de Güldenhof que l’artiste a commencé à jouer avec des sculptures historiques, souvent des objets d’église en bois, disposés de cet environnement. Elles y renouent avec leur nature élémentaire.
A la Bourse de commerce, si plus rien n’est totalement naturel, rien non plus n’est complètement culturel. Les troncs d’arbres ont été traités pour pouvoir être exposés. Ils sont installés selon les choix de l’artiste. Les structures qui les soutiennent, les œuvres qui semblent naître comme des appendices, jusqu’aux cadres des photos, sont faites d’un même bois – même si l’origine de ce bois diffère (on y reviendra). Nature et culture se façonnent ainsi l’une l’autre dans un cycle de vie et de mort infini. Cet environnement que déploie Danh Vo déjoue tout autant l’horizontalité de la peinture classique de paysage perçue à partir d’yeux d’homme. Le bouquet d’arbres est comme déstructuré, partant dans tous les sens. L’homme peut s’y déplacer sans jamais pouvoir l’englober de son seul point de vue. Et si une structure humaine persiste, celle des structures de bois de construction, cette grille ne semble venir qu’en appui et pour soigner – dénuée dans ses intentions de toute volonté d’imposer son pouvoir. Le décentrage est total. Et si la nature est domestiquée, c’est parce que nous partageons avec elle la même maison, le même domus.
Danh Vo ou quand grande histoire et intime s’entremêlent
Artiste danois d’origine vietnamienne, Danh Vo fuit son pays par bateau en 1979 avec ses parents réfugiés catholiques. Cet évènement fondateur nourrira une œuvre marquée par l’idée du déplacement et du décentrage, justement, autant que par une fine compréhension des strates complexes de l’histoire comme en témoignait sa grande exposition au Guggenheim à New York. Danh Vo élabore depuis ses pièces à partir de fragments qu’ils déplacent et réassemblent pour manifester des relations plus que pour juger. Une démarche que résume la commissaire Caroline Bourgeois avec le terme de “faire avec. Faire avec ce que nous portons et ce que nous trouvons, faire avec toutes les contradictions qui nous entourent et restent en nous.” Danh Vo fait donc avec ces troncs d’arbres foudroyés dans les forêts françaises. Et avec les hasards de la vie et de son histoire personnelle. Il en va ainsi du bois à l’origine des structures de constructions et des cadres de l’exposition. Il y a quelques années, Danh Vo découvre que le fils de Robert McNamara, secrétaire d’état de la défense des Etats-Unis sous Kennedy et architecte de la guerre du Vietnam que sa famille a fui, est propriétaire d’une ferme durable en Californie. Il acquiert son bois de noyer noir. En 2012 déjà, il achetait aux enchère certains objets de Robert McNamara pour les inclure dans ses expositions. Histoire géopolitique et intime se voyaient ainsi entremêlés par un geste de déplacement d’objets – du politique vers l’artistique – et de réappropriation. Les objets, au-delà de leur fonction et de leur beauté, sont avec Danh Vo réinvestis de leurs histoires, réactivées, disséquées et réassemblées pour en dévoiler toutes les dimensions, refusant de séparer la familial du politique, la petite et la grande histoire.
Tropeaolum, une installation de Danh Vo à la Bourse de commerce – Pinault Collection, Paris. Jusqu’au 24 avril.
In the middle of the rotunda located under the impressive glass roof at the Bourse de Commerce, weatherworn tree trunks are soaring into the sky in an ultimate and desperate move for survival. Installed by the artist Danh Vo as a monumental bouquet matching the dimensions of the space, these trees unfold through the most unexpected mutations in their death. They bloom, yet their flowers appearing in scattered, colorful, and seductive touches on the installation are photographs taken and arranged by the artist. Death being a great breeding ground, the blossoming of the corpse foreshadows other surprises, such as the presence of previous works by the artist – mostly wooden sculptures – that curl up or unite to the trunks like a myriad of grafted branches. This bouquet of trees forms a paradoxical artwork, both mortifying and fragile, with hope and resilience to support it – and more prosaically with timber structures to support the martyred trunks. “An experience in which beauty and threat are intertwined in the same space”, curator Caroline Bourgeois summarizes.
« An experience in which beauty and threat are intertwined in the same space”, curator Caroline Bourgeois summarizes.
Danh Vo invited for the exhibition “Avant l’orage” at the Bourse de commerce
In a way, the artwork stands as a philosophical manifesto on the new direction taken by the artist in his work. For some years now, Danh Vo has been living in a farm-studio in Güldenhof, Germany. Amid an orchard, a greenhouse, meadows, and gardens, he is working on reuniting the meanings of the word “culture”. The care taken in nature’s development, symbolized by the garden and the orchard, echoes the care taken in the wounded nature represented by the trees exhibited at the Bourse. He also develops his knowledge of nature, in this case of the flowers in his garden, which he meticulously captures with his camera along with handwritten captions of their scientific names. The origin of the series of photographs of flowers at the Bourse de Commerce comes from that, but the pictures have been taken at a florist this time. Conversely to the traditional dichotomy in our Western culture, Danh Vo thwarts the opposition between nature and culture. As a perfect embodiment of the cultural object, art finds its cradle in nature. The artist first started to play with historical sculptures, often wooden church items, he installed in the space of his garden in Güldenhof. There, they would reconnect with their fundamental nature.
Nothing is completely natural, yet nothing is completely cultural as well at the Bourse de Commerce. The tree trunks have been treated to be put on display and have been installed according to the artist’s choices. The structures that support them, the artworks that seem to grow out of them like appendages, and even the frames of the photographs, are made of the same wood, even if the origin of this wood differs (I will come back to that later). Nature and culture thus shape each other in an infinite life and death cycle. The environment unfold by Danh Vo also reverses the horizontality of classical landscape painting seen from a human perspective. The cluster of trees looks disorganized and moves in all directions. People can walk through it without ever being able to encompass it solely from their viewpoint. Although a human structure may persist, that of the construction timber used to support the installation, it only seems to be here as a supporting and healing prop, intentionally devoid of any desire to impose its power. The decentering is complete. If nature is being domesticated, it is because we share the same home, the same domus with it.
Danh Vo when great history and intimacy intertwine
As a Danish artist of Vietnamese origin, Danh Vo fled his country by boat with his Catholic refugee parents in 1979. This landmark event will eventually nourish a body of works pervaded by the ideas of displacement and decentering, as well as a clear understanding of the complex strata of history, as his major exhibition at the Guggenheim in New York shows. Since then, Danh Vo has been developing his pieces from fragments that he moves and assembles to manifest relationships rather than to judge them. An approach that curator Caroline Bourgeois coins as “make do” – “make do with what we carry with us and what we find, make do with all the contradictions surrounding us and within us.” Danh Vo thus does make do with these tree trunks struck by lightning in the French forests, as well as with the hazards of life and of his personal story. The same idea applies to the wood that forms the foundation of the building structures and frames in the exhibition. A few years ago, Danh Vo discovered that the son of Robert McNamara, US Secretary of Defense under Kennedy and mastermind behind the Vietnam War that his family had fled from, owned a sustainable farm in California. He bought his black walnut wood. In 2012, he also bought some of Robert McNamara’s objects at an auction to include them in his exhibitions. Geopolitical and personal histories were therefore intertwined in a dual move of displacement from the political to the artistic, and reappropriation of objects. Objects reinvest their stories with Danh Vo. They are reactivated, dissected, and reassembled to reveal all their dimensions beyond their function and aesthetic, without dissociating family from politics, story from history.
Tropeaolum, an installation by Danh Vo at the Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris, until April 24th.