7 sept 2020

Who is Kuki De Salvertes, the man who discovered Raf Simons?

De la découverte de Raf Simons à sa collaboration avec Vivienne Westwood, l’histoire de Kuki De Salvertes est parsemée de rencontres mythiques. Le célèbre directeur du bureau de presse Totem s’est confié à Numéro à l’occasion d’une exposition-hommage.

Kuki De Salvertes, nom mythique pour tous les passionnés de mode, a fait ses armes en tant qu'attaché de presse chez Moschino dès l'âge de 24 ans. Son amour pour ce milieu et cette envie de dénicher les plus grands designers, comme Raf Simons et Jeremy Scott, le pousse à monter son propre bureau de presse "Totem Fashion" en 1991, une petite structure dévoilant la crème de la crème des créateurs. Il devient alors le porte-parole de Walter Van Beirendonck, Veronique Branquinho et d'autres talents de l'école belge de même que consultant pour le renommé Jean-Charles de Castelbajac. Une carrière riche et atypique dévoilée à travers cette exposition-hommage intitulée "La vie dans la mode" à la Joyce Gallery à Paris. À cette occasion, Numéro a demandé à ce dénicheur de talents de revenir sur les 5 plus grandes anecdotes mode de sa carrière.

Walter Van Bereindonck automne-hiver 2006-2007 © Totem Fashion

“Le premier défilé Walter Van Beirendonck, un chaos total de 25 minutes qui a précédé une ovation incroyable.”

 

Ma première rencontre avec Walter se passe en 1988, je suis alors attaché de presse pour Moschino basé entre Milan et Paris. J’ai 24 ans et je suis très curieux, je recherche en permanence ce qui se fait de nouveau dans le milieu. Et je vois une collection sur la scène italienne très étonnante, une collection sportswear avec des sweatshirts dans des couleurs fluorescentes, avec des imprimés jacquard et animalier amusants. La marque s’appelle « Rhinosaurus Rex», je me renseigne et j’apprends qu’il y a en sous-marin un jeune styliste belge qui s’appelle Walter Van Beirendonck. Je demande à le rencontrer, mais je suis en contrat exclusif avec Moschino donc je ne peux pas faire grand chose pour le promouvoir. Il faudra attendre 1991 lorsque je lance mon bureau de presse Totem, une petite structure représentant une dizaine de designers, toujours dans cette volonté de dévoiler les meilleurs designers pour les meilleurs magazines de mode. C'est d'ailleurs le moment idéal pour travailler ensemble puisqu'il vient tout juste de lancer sa propre marque. « W&LT », une ligne destinée à la jeune génération férue de techno, aux codes visuels incroyables : des couleurs vives, du néoprène, du latex, des vêtements empruntés au monde du sport comme des tshirts de cycliste. En un mot, révolutionnaire ! Son premier défilé au Lido fut un triomphe, des hordes de 40 mannequins ont défilé sur une musique techno hurlante, alors même que tous les journalistes -Suzy Menkes, Hamish Bowles- n’étaient pas encore installés. Un chaos total de 25 minutes qui a précédé une ovation incroyable. La carrière de Walter était lancée.

Raf Simons © Totem Fashion

“Raf Simons, un joli garçon à la peau diaphane, grand, longiligne au style fou.”

 

Voilà ce que j’ai pensé de Raf Simons la première fois que je l’ai vu au showroom de Walter. Il portait un pantalon pattes d’éléphant vintage des années 70, des baskets blanches, un pull noir très moulant à la coupe architecturée. Il était alors stagiaire et s’occupait du design du showroom.  Il avait crée pour l’occasion des meubles sous la direction de Walter et étudiait à cette époque à l’Académie d’Anvers au sein de la section architecture. Avec son sens du style et son attrait pour la mode, je lui propose de faire une collection capsule avec quelques pièces, 4 sweatshirts, 2 chemises et un pantalon.  Une collection que l’on a présenté aux acheteurs et journalistes et qui a connu un succès immédiat. L'imagerie forte autour du vêtement a tout de suite séduit : elle dévoilait un adolescent rebelle, un garçon des mauvais quartiers à l’allure nonchalante alors même que les vêtements étaient très bien coupés et très bien pensés. Fort de ce succès, il a enchainé son premier défilé et a suivi la carrière que l'on lui connaît ! Je suis d’ailleurs ravi qu’il soit arrivé chez Calvin Klein, je pense qu’il sera très épanoui là-bas. Il pourra dévoiler sa fibre architecturale, son sens de la scénographie et surtout cet ascétisme du vêtement qui le caractérise.

Jean-Charles de Castelbajac et Kuki De Salvertes © Totem Fashion

“Jean Charles de Castelbajac, un passionné, un designer cultivé emplis de références littéraires et artistiques.”

 

Nous sommes en 1989 et Jean-Charles vient me voir parce qu’il est dans le creux de la vague. Pour lui et d’autres créateurs comme Thierry Mugler et Claude Montana, la hype des années 80 s’est quelque peu évaporée. J’ai été touché par ce fou de mode, je l’ai adoré dès notre premier rendez-vous. Un passionné, un designer cultivé emplis de références littéraires et artistiques. Il fallait simplement rajeunir ses codes « vieille France » afin que la scène mode plus jeune redécouvre son travail. Voilà pourquoi on a opté pour le monogramme J.C.V.D combiné à un casting plus percutant et c’était reparti !

Vivienne Westwood © Uscha Pohl

“Vivienne Westwood et moi c’est un raté.”

 

À l’époque, je voyais Vivienne Westwood comme la « Comme D » anglaise, une designer surcréative et surlookée. Lorsqu’elle a lancé sa propre marque sans un sou en poche, elle m’a demandé de faire partie de l'aventure. Je ne pouvais que dire oui, j’étais mille fois séduit par son style punk baroque, inspiré par les peintures du XVIIe siècle avec ces robes pompadour à la sauce trash anglaise. Ce fut un projet très excitant et stimulant mais qui arriva à un moment où j’étais complètement à plat financièrement. Vivienne avait beau me répéter que l’argent allait arriver, je n’avais même plus de quoi payer mon loyer à Londres et la situation devenait extrêmement compliquée.  Donc j’ai dû mettre fin à cette collaboration courte mais intense, un beau projet avorté un peu trop tôt malheureusement !

Isabella Blow © Shoji Fujii

“Une amitié amoureuse avec Isabella Blow.”

 

Pour un attaché de presse, le cœur du métier est composé des rédactrices de mode, qui deviennent lorsqu’elles ont du talent, des sources d’inspiration et de motivation. Et souvent elles deviennent surtout nos meilleures amies, on noue avec elles des amitiés amoureuses. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec Isabelle Blow. Je l’ai rencontré à Londres, en allant assister au 3ème défilé Alexander McQueen. Isabella était au premier rang, en total look Alexander Mcqueen, incarnant son personnage fantasque et amusant, vivant à 1000% pour la mode. Elle était adulée de tous et médiatisée à outrance mais elle adorait cela. Elle avait besoin d’être rassurée en captant tous les regards, elle était fascinante. Elle s’est tout de suite intéressée à mon travail et notamment à un petit jeune que je représentais alors, un américain complètement fauché à l’univers et l’énergie incroyables qui proposait quelque chose de radicalement différent, ce petit jeune c’était Jeremy Scott. Isabella est véritablement devenue son porte parole, avec Babeth Djian et Carine Roitfeld. Ces trois femmes ont été un vrai soutien pour Jeremy, elles se sont enthousiasmées pour son travail et elles ont bravé les règles des annonceurs pour imposer ce jeune créateur dans leurs séries modes. Cette clique se retrouvait à chaque défilé, animée d’une vraie curiosité envers les créateurs.

 

"Kuki De Salvertes, La Vie dans la Mode" à la Joyce Gallery, 168 Galerie de Valois, Ier Paris. Jusqu'au 31 janvier 2017. Le catalogue de l'exposition est disponible ici

Kuki De Salvertes, a legend for anyone who knows about fashion, made his mark as a press officer at Moschino aged 24. His love for the milieu and a desire to unearth great designers, like Raf Simons and Jeremy Scott, saw him opening his own press office, Totem Fashion, in 1991, a small business that would introduce the crème-de-la-crème of fashion designers to the world. He would become the spokesperson for Walter Van Beirendonck, Veronique Branquinho and other talents from the Belgian school as well as consultant for Jean-Charles de Castelbajac. A rich and unusual career unveiled at this exhibition-homage entitled "La vie dans la mode" [“Life in Fashion”] at the Joyce Gallery in Paris. For the occasion Numéro invited this talent-scout to look back at the 5 biggest anecdotes of his career. 

Walter Van Beirendonck autumn-winter 2006-2007 © Totem Fashion

“The first Walter Van Beirendonck catwalk show, 25 minutes of complete chaos followed by an incredible ovation.”

 

The first time I met Walter was in 1988, when I was working as a press officer for Moschino, based between Milan and Paris. I was 24 and very curious; I was always looking for something new in the milieu. And I came across this collection on the Italian scene that was quite extraordinary, a sportswear collection with sweatshirts in luminous colours with jacquard and animal prints. The brand was called Rhinosaurus Rex, I did some research and found out that the guy behind it was a young Belgian designer called Walter Van Beirendonck. I asked to meet him but was working under an exclusive contract with Moschino so I couldn’t do much to promote him at the time. We had to wait until 1991 when I started my own press office, Totem, a little business that represented a dozen designers. The intention was always to unveil the best designers to the best fashion magazines. It was the ideal moment to work together because he’d just launched his own brand “W&LT”, a line destined for a younger tech-savvy generation, with incredible visual codes: bright colours, neoprene, latex, clothes borrowing from the sports world like cycling t-shirts. In one word, revolutionary! His first show at the Lido was a triumph; a hoard of 40 models walked the runway to screaming techno music before the journalists – Suzy Menkes, Hamish Bowles – had even had a chance to sit down. It was 25 minutes of total chaos and then an incredible standing ovation. Walter’s career was launched. 

Raf Simons © Totem Fashion

“Raf Simons, a pretty boy with diaphanous skin, tall, slim, with crazy style.”

 

That was what I thought about Raf Simons the first time I met him at Walter’s studio. He was wearing a pair of vintage 70s flared trousers, white sneakers, and a very tight black sweater with an architectural cut. He was the intern and took care of designing the showroom. For that event he’d created furniture under Walter’s direction and was also studying architecture at the Royal Academy of Fine Arts in Antwerp. With his sense of style and clear attraction to fashion, I asked him to do a capsule collection of 4 sweatshirts, 2 shirts and a pair of trousers. We presented the collection to buyers and journalists and it was an instant success. The strong image of the garments seduced everyone straight away: it was like a rebellious teen, a boy from the wrong side of town with a nonchalant allure all while being incredibly well cut and well-conceived. On the strength of that success he did his own show and began the career we all know him for today! I am delighted to see him at Calvin Klein; I think he’ll be very happy there. He can use his architectural streak, his sense of scenography and above all that aestheticism that defines him.   

Jean-Charles de Castelbajac and Kuki De Salvertes © Totem Fashion

“Jean Charles de Castelbajac, an enthusiast, a cultivated designer bursting with literary and artistic references.”

 

In 1989 Jean-Charles came to see me because he was in something of a trough. For him and other designers like Thierry Mugler and Claude Montana, the 80s hype was starting to evaporate. I was touched by this crazy fashion guy, and I just loved him from the moment we met. He’s an enthusiast, a cultivated designer bursting with literary and artistic references. We just need to rejuvenate his “old France” codes so that a younger fashion scene could rediscover his work. That’s why we decided to use the monogram J.C.V.D combined with an edgier casting and we were off! 

Vivienne Westwood © Uscha Pohl

“Vivienne Westwood and I never quite got off the ground.”

 

Back then I saw Vivienne Westwood as the English Comme des Garcons, a super-creative and totally over-dressed designer. When she launched her own brand without a penny in her pocket, she asked me to be part of the adventure. How could I say no? I was totally seduced by her baroque punk style inspired by 18th century paintings with those pompadour dresses topped with a splash of trashy English sauce. It was clearly set to be such an exciting and stimulating project but happened at a time when I was completely broke. It was all very well Vivienne telling me over and over that the money was coming but I couldn’t even pay my rent in London and it all just got very complicated. So I had to end that short but intense collaboration, such a beautiful project that sadly ended too soon!

Isabella Blow © Shoji Fujii

“A loving friendship with Isabella Blow.”

 

For a press officer the heart of the job is made up of relationships with fashion editors, who, when they have talent, become true sources of inspiration and motivation. And sometimes they become our best friends; we establish really loving friendships with them. That was exactly what happened with Isabella Blow. I met her in London at the 3rd Alexander McQueen show. She was seated in the front row dressed head-to-toe in Alexander McQueen embodying her fantastical and funny character, living 1000% for fashion. She was adored by everyone and courted by the press no end, but she loved it. She sought reassurance in catching everyone’s attention, and she was quite fascinating. She showed interest in my work straight away and in particular an American who had no money but such incredible energy and imagination, who was offering something completely different. It was Jeremy Scott. Isabella became his spokesperson along with Babeth Djian and Carine Roitfeld. These three women really supported Jeremy; they loved his work and went against the rules of the advertisers by imposing this young designer within their fashion shoots. That clique goes to every show, animated by a genuine curiosity towards the designers. 

 

"Kuki De Salvertes, La Vie dans la Mode" at the Joyce Gallery, 168 Galerie de Valois, Ist Paris. On until January 31st 2017. The exhibition catalogue can be bought here