30 ans de “Tabi” par Margiela : retour sur l’histoire d’une chaussure iconique
La “Tabi”, la chaussure iconique du créateur Martin Margiela était déjà présente sur le podium de son premier défilé parisien présentant la saison printemps-été 1989. Aujourd’hui, trente ans après son lancement, elle reste l’emblème d’une mode à jamais originale et subversive. Pour célébrer ce trentenaire, la maison dévoile une collection inspirée par cette chaussure. Retour sur une création qui n'a jamais cessé de séduire.
Par Auguste Schwarcz.
En 1984, Martin Margiela, encore étudiant, découvre au Japon la chaussure tabi. Parti avec ses camarades de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, le créateur belge repère aux pieds des ouvriers japonais cette chaussure confectionnée en tissu épousant le pied comme un chausson et séparant le gros orteil des autres. Existant depuis le 15e siècle, d’abord prisée par les aristocrates japonais, la tabi se démocratise lorsque les relations économiques avec la Chine se développent – notamment dans le commerce du coton – ce qui permettra alors aux classes prolétaires de se procurer cette chaussure censée stimuler un point de réflexologie rendant l’esprit clair et plaçant le corps en équilibre.
C’est le 23 octobre 1988, au premier défilé Maison Martin Margiela, que les chaussures Tabi font leur apparition pour la première fois sur les podiums parisiens. Pour sa collection printemps-été 1989, le designer est animé du désir de créer une chaussure qui n’en soit pas une, où l’image d’un pied monté sur un talon serait un but à concrétiser. Projet déroutant pour le public de l’époque, il s’agit pourtant du premier modèle tabi par Margiela : des chaussures en cuir, avec une séparation marquée du gros orteil, montées sur un large talon cylindrique.
Plus de dix ans après ce défilé inaugural, Martin Margiela poursuivra ce fantasme d’une chaussure qui n’en soit pas une. Et c'est véritablement le 13 octobre 1995, jour du défilé printemps-été 1996 de Maison Martin Margiela, que cette ambition de réduire la chaussure à un simple talon se cristallise. Lors de ce show, le créateur se contente d’attacher, avec un ruban adhésif transparent, de simples semelles à la forme tabi caractéristique aux pieds de ses mannequins. Le créateur vendra même cet audacieux modèle en boutique : une simple semelle de cuir noir accompagnée d'un rouleau de ruban adhésif.
“La chaussure Tabi est l’empreinte la plus importante de ma carrière : elle est reconnaissable, continue d’exister après 25 ans, et n’a jamais été copiée”, confie Martin Margiela dans le catalogue de son exposition au MoMu en 2017. Affirmation bien réelle, jusqu’à ce que Demna Gvasalia (ancien employé chez Margiela de 2009 à 2012) présente, lui aussi, pour la collection automne-hiver 2018 de la marque Vetements, des chaussures tabi. Cela n'empêche pas la Tabi de rester à tout jamais l’empreinte de Margiela. D'ailleurs, lors de son premier défilé, les semelles de ses premières Tabi à talons étaient trempées dans la peinture rouge, laissant sur un long tapis de coton les traces de leur passage. En 2005, il reprend l'idée : reconnaissables entre toutes, des empreintes de Tabi conduisent les passagers sortant du métro vers six vitrines du Palais Royal qui exposent le travail de Martin Margiela sous l'égide de l'Andam.
Aujourd’hui, ces empreintes devenues iconiques deviennent les motifs d’une collection-capsule de 12 pièces Maison Margiela dédiée à la Tabi et disponible sur ssense.com. On y trouve des modèles Tabi déclinés en baskets, bottines ou cuissardes à sangles, mais aussi des tee-shirts, des ouvre-bouteilles et même un sac-gant en forme de semelle Tabi… Une collection qui célèbre avec sobriété trente ans d’irrévérence de la chaussure Tabi par Margiela, phénomène de la mode, entre répulsion et adoration.
Pour les 30 ans de la chaussure Tabi, la collection capsule Maison Margiela est en vente sur le site ssense.com.