LVMH PRIZE 2022 : ASHLYN, heir to the anti-fashion of the 1990s
Jeudi 24 mars 2022, le Prix LVMH dévoilait la liste des huit finalistes de sa neuvième édition, parmi lesquelles, la créatrice coréenne Ashlynn Park qui a lancé son label Ashlyn en 2021 à New York et dont les créations radicales évoquent les créateurs Anti-Fashion des années 90.
Propos recueillis par Léa Zetlaoui.
Quel est votre premier souvenir lié à la mode?
J’ai encore aujourd’hui un vif souvenir de ce jour. À l’époque j’avais environ cinq ans et j’étais invitée par une université locale à un défilé en tant que mannequin enfant. Je portais une robe pailletée couleur saphir ornée d’un grand col à nœud blanc. J’ai fièrement descendu le podium, et regardé tout le monde autour de moi. J’ai adoré ça !
Est-ce à ce moment-là que vous avez décidé de devenir créatrice de mode ?
Non, j’ai grandi en voulant être architecte et à l’université j’ai d’ailleurs choisi cette discipline en majeure.Pendant mes premières vacances d’été, j’ai pris des cours d’illustration de mode et présenté mes créations à un concours de mode organisé par le ministre coréen de l’industrie, et j’ai gagné. Après quoi, j’ai changé ma majeure pour le design de mode.
Tout au long de votre parcours, quels designers, vivants ou non, vous ont inspiré et pourquoi ?
J’ai toujours aspiré à suivre le chemin de mon mentor Yohji Yamamoto, qui tout au long de sa carrière, s’est perfectionné à la fois dans le design et dans le patronnage. Il m’a inculqué un sentiment de fierté et d’engagement vis à vis de la qualité ‘un vêtement qui s’oppose à un monde où la surproduction et la surconsommation dans la mode sont devenues la norme. Yohji m’a appris à tout remettre en question dans mes créations : à quoi sert chaque détail ? Avons-nous vraiment besoin de cet ornement ? J’ai également toujours été attirée par les créations de Charles James. J’aime la façon non conventionnelle de s’habiller pendant son temps de conception et son attention réfléchie aux détails.
Après avoir remporté le prix japonais SO-EN en 2008, vous avez travaillé pour Yohji Yamamoto à Paris, comment s’est passée cette expérience ?
Travailler pour Yohji m’a inculqué un grand respect pour son sens artistique, l’attention qu’il porte à chaque détail et à la construction des vêtements. Je vais continuer à travailler de cette manière et à partager ces techniques avec mes équipes et les futures générations de designers.
Après cela, vous déménagez à New York pour travailler auprès d’Alexander Wang puis Raf Simons chez Calvin Klein. Qu’avez-vous appris d’eux ?
Au sein du studio d’Alexander Wang, j’ai appliqué mon savoir-faire de modéliste et designer homme pour concevoir des pièces tailoring et des tenues de soirée pour femmes. Plus tard, chez Calvin Klein avec Raf Simons, je me suis de nouveau concentré sur la confection de vêtements pour hommes, en particulier les vestes et les manteaux. La marque Calvin Klein s’impose comme la référence en matière de créations minimalistes et travailler Raf Simons m’a aidé à repousser les limites de cette technique traditionnelle qu’est le tailoring.
Finalement, vous avez lancé votre propre label. Comment avez-vous su que c’était le bon moment pour le faire ?
Il m’a fallu une période de trois ans pour développer les coupes parfaites de ma collection principale présentée début 2021, car je travaillais en freelance pour une autre maison et je me concentrais sur mes pièces la nuit, chez moi. J’ai commencé à concevoir ma première collection pendant la pandémie, une période de grave réflexion et de renaissance, durant laquelle je me suis lancé le défi de réévaluer mon rôle de créatrice et surtout de réfléchir à comment changer le système de la mode pour réduire son impact négatif sur l’environnement. Depuis, je me suis engagée, ainsi que mon entreprise, à entreprendre ce changement en éliminant les déchets lors de l’étape de la coupe, en ajustant notamment mon système de production : les articles sont pré-commandés, jamais produits en série.
Vous êtes née à Séoul où vous avez étudié la mode, avant d’aller étudier à Tokyo puis à Paris et à New York. Comment toutes ces cultures façonnent-elles votre vision et vous influencent-elles aujourd’hui pour votre marque ?
Je me sens reconnaissante d’avoir connu une telle richesse culturelle qui a non seulement façonné ma vision unique mais également qui je suis en tant que designer
et m’a inculqué des valeurs que j’espère transmettre aux futures générations de designers. Je dirai également que tout au long de ces années, je suis toujours restée fidèle aux préceptes du design conceptuel japonais, qui consiste à travailler sur un projet jusqu’à ce qu’il atteigne la perfection.
Pouvez-vous citer 3 vêtements emblématiques d’Ashlynn et pourquoi sont-ils représentatifs de votre marque ?
Je veux que les femmes se sentent bien dans mes vêtements, et je m’engage à ne fabriquer que des vêtements de qualité supérieure, bien faits et pouvant être portés pendant de nombreuses années, afin de réduire la consommation inutile et les déchets. Parmi mes collections, je dirai que la robe chemise Dillan, un modèle zéro déchet construit à partir d’une seule pièce de tissu drapé illustre l’engagement d’Ashlyn en faveur de l’environnement. Le Metropolitan Museum of Art a reconnu l’importance de cette pièce et a acheté la version originale (automne-hiver 2021-2022) à rejoindre leur collection permanente.Avec les robes Quinn et Payton, j’ai exploré une nouvelle forme de modernité. J’ai ajouté une ligne de découpe dessinée à la main dans le dos de la robe Quinn et l’ai déplacée sur le corsage avant de la robe Payton. C’est finalement devenu l’un des styles caractéristiques d’Ashlyn.
Quelques mois après son lancement officiel en janvier 2021, le label Ashlyn rejoignait les collections du Costume Institute, au sein du prestigieux Metropolitan Museum of Art, qui acheta sa création emblématique, la robe-chemise Dillan, dont la particularité est d’être conçue avec un seul morceau de tissu, sans aucune perte. Une consécration fulgurante pour la créatrice coréenne installée à New York, Ashlynn Park, qui fait également partie des huit finalistes du prix LVMH 2022, dont elle a séduit le jury composé des plus grands noms de l’industrie. À la fois radicales et pragmatiques, les créations d’Ashlyn puisent dans la tradition des créateurs du mouvement Anti-Fashion des années 90, à l’instar de Martin Margiela, Rei Kawakubo ou encore Yohji Yamamoto, qu’Ashlynn Park cite comme son mentor. Le tailoring occupe une place de choix dans ses collections qui font également la part belle à l’art du drapé, hérité de la couture française, ainsi qu’à un savoir-faire japonais que l’on retrouve dans les finitions et certaines coupes sobres mais structurées, tandis qu’une palette de couleurs brutes et graphiques illuminées par un rouge feu, exaltent la beauté de ses designs intemporelles, conçues. Pour Numéro, Ashlynn Park revient sur son parcours exceptionnel, entre la Corée, le Japon, la France et les Etats-Unis ainsi sur sa volonté de préserver la planète grâce à un processus de fabrication qui minimise les déchets et les dommages environnementaux à chaque étape de la fabrication.
NUMÉRO : Quel est votre premier souvenir lié à la mode?
ASHLYNN PARK : J’ai encore aujourd’hui un vif souvenir de ce moment. À l’époque j’avais environ cinq ans et j’étais invitée par une université locale à un défilé en tant que mannequin enfant. Je portais une robe pailletée couleur saphir ornée d’un grand col à nœud blanc. J’ai fièrement descendu le podium, et regardé tout le monde autour de moi. J’ai adoré ça !
Est-ce à ce moment-là que vous avez décidé de devenir créatrice de mode ?
Non, j’ai grandi en voulant être architecte et à l’université j’ai d’ailleurs choisi cette discipline comme matière principale. Pendant mes premières vacances d’été, j’ai pris des cours d’illustration de mode et présenté mes créations à un concours, organisé par le ministre coréen de l’industrie, que j’ai gagné. Après quoi, j’ai changé ma majeure pour le design de mode.
Tout au long de votre parcours, quels designers, vivants ou non, vous ont inspiré et pourquoi ?
J’ai toujours aspiré à suivre le chemin de mon mentor Yohji Yamamoto, qui tout au long de sa carrière, s’est perfectionné à la fois dans le design et dans le patronage. Il m’a inculqué un sentiment de fierté et d’engagement vis à vis de la qualité d’un vêtement qui s’oppose à un monde où la surproduction et la surconsommation dans la mode sont devenues la norme. Yohji m’a appris à tout remettre en question dans mes créations : à quoi sert chaque détail ? Avons-nous vraiment besoin de cet ornement ? J’ai également toujours été attirée par les créations de Charles James. J’aime la façon non conventionnelle qu’il avait de s’habiller à son époque et son attention réfléchie aux détails.
Après avoir remporté le prix japonais SO-EN en 2008, vous avez travaillé pour Yohji Yamamoto à Paris, comment s’est passée cette expérience ?
Travailler pour Yohji a développé un sentiment respect pour son sens artistique, l’attention qu’il porte à chaque détail et à la construction des vêtements. Je vais continuer à travailler de cette manière et à partager ses techniques avec mes équipes et les futures générations de designers.
Après cela, vous déménagez à New York pour travailler auprès d’Alexander Wang puis Raf Simons chez Calvin Klein. Qu’avez-vous appris d’eux ?
Au sein du studio d’Alexander Wang, j’ai appliqué mon savoir-faire de modéliste et designer homme pour concevoir des pièces tailoring et des tenues de soirée pour femmes. Plus tard, chez Calvin Klein avec Raf Simons, je me suis de nouveau concentré sur la confection de vêtements pour hommes, en particulier les vestes et les manteaux. La marque Calvin Klein s’impose comme la référence en matière de créations minimalistes et travailler avec Raf Simons m’a aidée à repousser les limites de cette technique traditionnelle qu’est le tailoring.
Finalement, vous avez lancé votre propre label. Comment avez-vous su que c’était le bon moment pour le faire ?
Il m’a fallu une période de trois ans pour développer les coupes parfaites des pièces qui constituent aujourd’hui le cœur de ma marque, présentées début 2021, car je travaillais en freelance pour une autre maison et je les fabriquais la nuit, chez moi. J’ai commencé à concevoir ma première collection pendant la pandémie, une période de grande réflexion et de renaissance, durant laquelle je me suis lancé le défi de réévaluer mon rôle de créatrice et surtout de réfléchir à comment changer le système de la mode pour réduire son impact négatif sur l’environnement. Depuis, je me suis engagée, ainsi que mon entreprise, à entreprendre ce changement en éliminant les déchets lors de l’étape de la coupe, en ajustant notamment mon système de production : les articles sont pré-commandés, jamais produits en série.
Vous êtes née à Séoul où vous avez étudié la mode, avant d’aller étudier à Tokyo puis à Paris et à New York. Comment toutes ces cultures façonnent-elles votre vision et vous influencent-elles aujourd’hui pour votre marque ?
Je me sens reconnaissante d’avoir connu une telle richesse culturelle qui a non seulement façonné ma vision unique, mais également qui je suis en tant que designer et m’a inculqué des valeurs que j’espère transmettre aux futures générations de designers. Je dirai également que tout au long de ces années, je suis toujours restée fidèle aux préceptes du design conceptuel japonais, qui consiste à travailler sur un projet jusqu’à ce qu’il atteigne la perfection.
Pouvez-vous citer trois créations emblématiques d’Ashlynn et expliquer pourquoi sont-elles représentatifs de votre marque ?
Je veux que les femmes se sentent bien dans mes vêtements, et je m’engage à ne fabriquer que des vêtements de qualité supérieure, bien faits et pouvant être portés pendant de nombreuses années, afin de réduire la consommation inutile et les déchets. Parmi mes collections, je dirai que la robe chemise Dillan, un modèle zéro déchet construit à partir d’une seule pièce de tissu drapé illustre l’engagement d’Ashlyn en faveur de l’environnement. Le Metropolitan Museum of Art a reconnu l’importance de cette pièce et a acheté la version originale (automne-hiver 2021-2022) à rejoindre leur collection permanente.Avec les robes Quinn et Payton, j’ai exploré une nouvelle forme de modernité. J’ai ajouté une ligne de découpe dessinée à la main dans le dos de la robe Quinn et l’ai déplacée sur le corsage avant de la robe Payton. C’est finalement devenu l’un des styles caractéristiques d’Ashlyn.