27 avr 2022

Rencontre avec Heidi Klum : « La robe cygne de Björk aux Oscars, c’est le genre de parti pris qui me passionne »

Mannequin, actrice, productrice, animatrice, chanteuse, ex-ange Victoria’s Secret, reine du costume d’Halloween et sex-symbol notoire… Heidi Klum est l’une des figures les plus iconiques de la pop culture. Une business woman aguerrie aux millions de followers sur Instagram. Sa dernière audace ? Un tube électro, la reprise de Sunglasses at Night de Corey Hart, qui succède à un duo avec le rappeur Snoop Dogg, avec qui l’animatrice de Making the Cut a beaucoup plus de points communs qu’on pourrait l’imaginer. Retour sur notre rencontre (via Zoom) avec une personnalité aussi solaire qu’attachante.

Difficile de résumer l’importance d’Heidi Klum, 50 printemps (et la candeur d’une ado), dans la pop culture et la mode en seulement quelques mots. Ces dernières années, la mannequin-actrice-productrice-animatrice-chanteuse-auteure-peintre-philantrope a réalisé beaucoup d’exploits. Ses jambes ont été assurées pour plus de 2 millions de dollars. Elle possède une statue à son effigie, ainsi qu’une Barbie à son image.

 

Son salaire a été évalué à 20 millions par an (rien qu’en mannequinat, lors du climax de sa carrière) et elle est apparue dans de nombreux films (ZoolanderLe diable s’habille en Prada, Ocean’s 8) et séries (Spin CitySex and the City, How I Met Your Mother, Desperate Housewives). Heidi Klum est si iconique qu’à l’écran elle joue souvent son propre rôle. Plus étrangement, selon un classement réalisé en 2011 par l’éditeur de logiciel antivirus McAfee, la reine du costume d’Halloween serait la personnalité qui ferait le plus courir de risques (notamment de virus) sur Internet lorsqu’on tape son nom dans un moteur de recherche. Mais se renseigner à son sujet vaut largement le risque.

 

L’interview d’Heidi Klum sur la musique et la mode

 

Car l’animatrice de l’émission Making The Cut (qui recherche les designers de demain) sur Prime Video et d’American Got Talent ne se contente pas de multiplier les casquettes (très colorées). Elle semble tout le temps oser de nouveaux paris a priori éloignés de son univers d’ange Victoria’s Secret ultra glamour. L’Allemande exilée en Californie vient de publier une reprise, très dansante et produite par Tiësto, du tube des années 80 Sunglasses at Night de Corey Hart. Le titre succède à un autre morceau électronique, Chai Tea with Heidi, sorti en 2022, avec le rappeur Snoop Dogg en featuring.

 

Dans le clip, on la voit même se lancer dans une chorégraphie TikTok addictive, entourée d’autres mannequins. À la fois d’une beauté sculpturale et d’une accessibilité folle (son humour et son naturel sont assez désarmants pour une star de son envergure), Heidi Klum nous parle – via Zoom – de sa passion pour la musique, de mode et de ses shootings les plus épiques (incluant des requins, au sens littéral du terme, des dauphins et un python).  

 

Numéro : Comment est né votre morceau avec Snoop Dogg intitulé Chai Tea with Heidi ?

Heidi Klum : Le contexte, c’est l’émission télé-réalité allemande Germany’s Next Topmodel, que j’anime depuis 2006. Il s’agit de trouver la grande mannequin de demain. L’équipe m’a demandé, pour la nouvelle saison, d’enregistrer un titre pour la bande-son. J’ai travaillé avec le duo de DJ de mon mari [le musicien de Tokio Hotel Tom Kaulitz, ndr], WeddingCake, pour la production, qui est très EDM (« electronic dance music », soit la musique électronique jouée en clubs). Il a composé le morceau et j’ai chanté par dessus en reprenant la mélodie du morceau Baby Jane de Rod Stewart (à qui j’ai demandé l’autorisation de reprendre cette mélodie et qui a gentiment accepté). Ensuite, j’ai réfléchi à qui j’aimerais avoir sur la chanson. J’ai toujours été fan de Snoop Dogg, donc c’était l’occasion. Je lui ai demandé s’il acceptait de rapper sur le titre. Il était ultra partant, alors je l’ai rejoint en studio, à Inglewood, une ville du sud-ouest du comté de Los Angeles. 

Heidi Klum et Snoop Dogg par Max Montgomery.

« Avec Snoop Dogg, on a beaucoup d’autres points communs comme le fait d’adorer la musique et de voyager énormément. » Heidi Klum

 

Vous avez aussi tourné avec Snoop Dogg un clip, dans lequel on vous voit devant l’une de ses nombreuses voitures… et en train de danser sur une plage idyllique…

On a tourné la vidéo en Grèce. On me voit avec des mannequins de l’émission Germany’s Next Topmodel en train de réaliser une chorégraphie TikTok. J’adore ce réseau et comme il y a beaucoup de gens très jeunes sur mon show, c’était une façon d’être en adéquation avec eux. Je veux aussi vivre avec mon temps. Cette chanson et cette vidéo avec Snoop, que je trouve iconique, c’est le projet le fun que j’ai fait depuis longtemps. Et c’était important pour moi d’avoir des mannequins du programme dans le clip car la nouvelle saison est spéciale pour moi. En 2022, pour la première fois dans l’histoire de l’émission, on a ouvert le casting à des profils très différents, de tous les âges, tailles, mensurations… Il y avait une femme de petite taille, un autre très grande, une mannequin âgée de 68 ans. Je trouve ça génial.

 

Avez-vous des points communs avec Snoop Dogg ?

Je connais Snoop depuis longtemps. Nous nous sommes croisés plusieurs fois à Los Angeles. Et ce qui m’a toujours frappée, c’est qu’il est très « famille. » Quand on était en studio, son fils était là. Il parle tout le temps de sa femme, de ses enfants. Il est d’ailleurs grand-père, ce que je trouve fou. Sa famille est sa priorité. Or je suis moi aussi très attachée à mes proches. J’ai quatre enfants, et parfois vingt, vu que leurs amis sont toujours à la maison. C’est toujours plein de vie chez moi. Avec Snoop, on a beaucoup d’autres points communs comme le fait d’adorer la musique et de voyager énormément.


Je vous imaginais écouter du rock, avec votre frange et votre allure de leadeuse de groupe à guitares. Mais cette chanson est très électronique. Et vous y invitez un rappeur. Quelle musique écoutez-vous ?

Je suis née dans les années 70, du coup j’ai grandi avec Duran Duran, Depeche Mode, a-ha. Mais j’ai toujours aussi aimé le disco : Donna Summer, ABBA. Je suis fan de Blondie et de la chanteuse allemande Nena, à qui l’on doit le morceau 99 Luftballons (1984). Quand j’étais enfant, j’avais des posters d’elle partout dans ma chambre. J’adore également la Motown, le hip-hop (comme Snoop, Dr. Dre, The Notorious B.I.G.). En musique électronique, j’aime Disclosure, Daft Punk, Tiësto, Diplo. Mes enfants me font aussi écouter des choses comme Tyler, The Creator. Mes goûts sont éclectiques mais souvent, dans ce que j’écoute, les mélodies sont fun, remuantes et optimistes. 

Revenons à votre premier métier, le mannequinat et à votre amour de la mode. Quelle est la tenue que vous avez portée publiquement qui vous tient le plus à cœur ?

Il y en a tellement. Je ne pourrais pas en choisir une seule. Toutes les tenues couture que j’ai eu le privilège de porter m’ont marquée. Je me souviens de la fois où John Galliano a créé une magnifique robe rouge pour mon apparition aux Oscars (en 2008). C’était un grand honneur car je trouve que c’est un véritable artiste. Donatella Versace a aussi réalisé pour moi des créations incroyables pour des évènements, tout comme Michael Kors. J’ai porté, il y a quelques semaines, une robe ornée d’un lapin, de Jeremy Scott, avec qui j’ai travaillé sur une émission. La matière était dingue. Cela ressemblait à la texture d’un couvre-lit. Sa vision, iconoclaste, est magique. Il est très créatif et réinvente sans arrêt la roue. Le fait qu’il place les oreilles de lapin à un endroit sur la robe, et non un autre. Tous les détails comptent.

 

On vous voit sur Instagram ou lors d’événements, soit très chic (en tailoring), soit ultra sexy, soit portant des salopettes colorées ou des imprimés audacieux. Comment définissez-vous votre style ?

J’ai un style très éclectique, sans doute parce que je suis allemande. Il y a toujours deux personnalités en moi qui cohabitent. Ma façon de m’habiller dépend de mon mood quand je me lève le matin. Parfois, j’ai envie de m’habiller de manière très décontractée, sans maquillage. D’autres fois, j’ai envie d’être sexy. Ou alors je suis en jean avec des Birkenstock (Heidi Klum a déjà collaboré avec la marque sur une collection.) Ou alors je vois un imprimé très pop et complètement fou qui m’attire dans ma garde-robe et je construis mon look autour de cet élément graphique. Je n’ai peur de rien. Parfois, les gens, en voyant mes looks, se disent : « Mais à quoi pensait-elle ? » Mais de mon côté, je m’amuse beaucoup. Ce qui me fait me lever le matin, c’est l’idée de me confronter à des choses fun et excitantes. À de la nouveauté. De la même manière que je parle fort et que je m’adresse aux gens franchement, j’aime m’afficher dans des vêtements aux formes étranges, voyants et sortant souvent de l’esprit de jeunes créateurs qui évoluent en dehors des sentiers battus.

 

« Pour moi, la mode, c’est comme l’art. Cela n’a pas besoin d’être compris. » Heidi Klum

 

De quels jeunes créateurs parlez-vous ?

Par exemple, pour la cérémonie des Nickolodeon Kids Choice Awards qui avait lieu mi-avril, j’ai porté une combi-robe violette en sequins imaginée par Christian Cowan, un créateur qui était un clubbeur avant de faire son entrée dans la mode. J’adore son extravagance.

 

C’est ce qui vous motive à animer l’émission Making the Cut qui part à la recherche de créateurs montants ?

Oui tout à fait, ce show permet de donner une plateforme à ceux qui réalisent des vêtements qui sortent de l’ordinaire. S’il n’y avait que la fast-fashion, ce serait triste. Et s’il y avait plus de gens habillés comme moi, de toutes les couleurs, nous serions tous les mêmes, et ce serait ennuyeux. Personne n’a oublié la robe cygne de Björk aux Oscars. C’est le genre de parti pris qui me passionne. Ce look tient du génie. Pour moi, la mode, c’est comme l’art. Cela n’a pas besoin d’être compris. Et porter certaines créations me donne parfois l’impression d’arborer des sculptures sur mon corps.

 

Trouvez-vous qu’à Paris, tout le monde s’habille de la même manière ?

Non, pas du tout. Le style parisien a plus de panache et il est plus glamour et chic que le style californien. À Los Angeles, tout le monde est « chill », cool. Même ceux qui ont beaucoup d’argent s’habillent comme s’ils n’en avaient pas, avec des tenues décontractées qui ont l’air d’être usées jusqu’à la corde.

Heidi Klum dans le clip de Chai Tea with Heidi de WeddingCake x Heidi Klum x Snoop Dogg.

« Je pense que j’ai coché beaucoup de choses sur ma liste des « trucs à faire une fois dans sa vie ». » Heidi Klum

 

Dans le show TV d’Ellen Degeneres, vous avez raconté que le shooting mode le plus dangereux pour lequel vous aviez posé incluait un serpent. Quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite par amour pour la mode ?

Comme je suis quelqu’un de très ouvert d’esprit, je me retrouve souvent à faire des choses que les autres mannequins refusent. Sur un shooting, quand les autres disent « non », je dis souvent : « ok, je me lance. » C’est comme ça que je me suis retrouvée lors de séances photos à poser avec un python indonésien de plus de cinq mètres de long enroulé autour de mon corps (pour le magazine Sports Illustrated). C’était effrayant mais le cliché est épique. J’ai aussi embrassé un dauphin sous l’eau, dans l’océan, lors d’un autre shooting réalisé par le photographe néo-zélandais Regan Cameron. Et j’ai nagé avec des requins pour Discovery Channel. J’ai dû m’entraîner à la plongée sous-marine plusieurs jours durant avant de me lancer. Si c’est pour avoir une bonne photo au final, je suis prête à me mouiller et à repousser mes limites. Mais je n’ai rien contre les éditos mode réalisés devant un mur blanc ou noir, en studio.


Quelle est la chose dont vous êtes le plus fière dans votre carrière et votre vie ?

Je pense que j’ai coché beaucoup de choses sur ma liste des « trucs à faire une fois dans sa vie« . J’ai posé en couverture de magazines qui me faisaient rêver, enregistré un morceau avec mon idole musicale (Snoop Dogg), défilé pour Victoria’s Secret, participé à des shows mode incroyables, travaillé avec des photographes et des designers géniaux… Mais ce dont je suis le plus fière, c’est de voir que mes enfants sont heureux. Ma fille, Leni, qui a 19 ans, jongle avec ses études et sa carrière de mannequin (elle a notamment posé pour Dior Beauty) et semble très épanouie. Et puis j’adore entendre des parents d’autres enfants dire que mon fils a été très gentil avec les leurs à l’école. Ce qui est le plus important pour moi, c’est que mes enfants soient de bonnes personnes. On a besoin, par les temps qui courent, d’élever de bonnes personnes.


Chai Tea with Heidi (2022) de WeddingCake x Heidi Klum x Snoop Dogg, disponible. Sunglasses at Night (2024) d’Heidi Klum, disponible.

Heidi Klum et Snoop Dogg par Max Montgomery.
Heidi Klum par Max Montgomery.